Les douze travaux de Midoli
95 pages
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Les douze travaux de Midoli , livre ebook

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Description

Dans les montagnes du nord du Laos, au début du vingtième siècle.
Midoli, adolescente surdouée, ne supporte plus les conditions de vie miséreuses de son village. Elle parvient à quitter sa famille et son peuple. Elle découvre la ville, ses attraits et ses pièges, la civilisation occidentale, l’amour aussi. Elle connaît les horreurs de la guerre qui sévit en Indochine. Doutes, sacrifices et douleurs sont le prix à payer pour construire la vie qu’elle rêve.

Informations

Publié par
Date de parution 20 novembre 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312070636
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les douze travaux de Midoli
Loïc Kergroac’h
Les douze travaux de Midoli
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur
Fleur de Malo , 2010.
Contre mauvaise fortune , 2011.
La Revanche du zébu , 2012.
Son Murmure argentin , 2012.
Adèle et les siens , 2013.
Jeux d’artifices , 2014, Les Éditions du Net.
Elle était trop , 2015, Les Éditions du Net.
Plus que parfait , 2015, Les Éditions du Net.
Moulin noir , 2016, Les Éditions du Net.
Si la photo est bonne , 2016, Les Éditions du Net.
Changement d’herbage , 2017.
Broutilles fatales , 2018, Les Éditions du Net.
Rêve de bulle , 2019, Les Éditions du Net.
© Les Éditions du Net, 2019
ISBN : 978-2-312-07063-6
I
1925
Quelque part dans un village de montagne, au nord du royaume de Luang Pra bang.
Midoli n’a pas de frères. Elle a une grande sœur, qui s’appelle Shu - Shu . Et plusieurs petites sœurs. Combien exactement ? Difficile à dire… Sept , dit Maman . Mais aujourd’hui seulement trois vivantes. La mortalité infantile est élevée à Konsali , le village de Midoli . L’humidité du climat, le manque d’hygiène, la consanguinité…
Ses sœurs sont malingres. Midoli ne leur ressemble pas. Elle est solide et très jolie. Elle aime beaucoup son aînée, Shu-Shu, qui est triste, pensive et maladive.
Tout le monde vit à l’étage de la maison à pilotis. Des nattes sont disposées sur le caillebotis de bambou. Au rez-de-chaussée, c’est le débarras, le feu pour la cuisine, le métier à tisser de Grand -mère.
Il n’y a plus d’hommes dans la maison. Midoli n’a jamais connu son père. Sa mère continue à être enceinte et à faire des bébés année après année. Le géniteur habite la maison voisine. Il tresse des paniers avec des lamelles de bambou. Il est un peu demeuré. Et sale. Mais prolifique. Il a une épouse à qui il fait aussi un enfant de temps en temps. Quand il l’a prise pour épouse, il avait vingt ans et elle avait huit ans. Il s’appelle Hong, il est le chef du village.
Midoli entend le bruit des flèches qui se fichent dans la balle de paille de riz. Ça fait tchouf, tchouf, tchouf…
Les garçons du village s’entraînent au tir à l’arc. Ils tuent toutes les petites bêtes qui peuvent se manger. Il n’y a plus d’oiseaux. Les rats vidés de leurs tripes sèchent écartelés pendus sur un fil au-dessus du toit de la maison. Il reste beaucoup de rats qui courent dans le village. Il faut entourer d’une plaque de tôle les poteaux qui soutiennent les maisons. Les rats sont intelligents. Ils ont compris que c’était inutile d’essayer d’y grimper, ça glisse !
Les plus riches familles de Konsali possèdent une truie et une chienne qui font régulièrement des petits. Les porcelets et les chiots sont élevés sous la mère, indifféremment chienne ou truie, les petits s’y trompent. De toute façon, ils finiront de la même manière, à la marmite. Avant six mois, on mange les petits chiens. Ils sont encore tendres. On attend un peu plus longtemps pour les cochons. Midoli aime se vautrer dans la nichée de porcelets et de chiots. Ils sont joueurs et la peau de leur ventre est douce au toucher. Surtout celle des chiens.
Grand-mère passe ses journées à tisser. Depuis des années, on dit qu’elle est âgée de 101 ans. On l’a toujours connue au village, même avant le grand déménagement, quand on a été chassés de Chine et que les ennemis ont tué tous les hommes valides.
Tant qu’il y a assez de lumière, la vieille travaille. Le matin et le soir, elle descend et gravit l’échelle sans rampe qui monte à la salle commune, au premier. Lentement, prudemment, échelon après échelon, avec un pied tordu. Les seuls moments de tendresse que Midoli connaît, c’est auprès de sa Grand-mère et de sa sœur Shu-Shu. Mais c’est rare. Dans ce monde, on ne s’embrasse pas, on ne se caresse pas, on ne se câline pas.
Guan est un brocanteur. Il vient de temps en temps acheter aux villageois le fruit de leur travail, qu’il paie avec un peu de nourriture, des perles ou du coton, de la soie parfois. Il apporte dans sa petite carriole de la verroterie, des casseroles, des bouts de métal qui brillent. Il propose aussi du camphre, des huiles essentielles, du tabac, du sel. Quand on n’a pas de sel, on fait cuire la viande sous la cendre, avec des herbes. Guan est un tout petit bonhomme, marcheur infatigable, sec comme un fétu de paille de riz. Il a les cheveux raides et gris, coiffés au bol, les dents écartées et un éternel sourire.
La vieille qui a 101 ans a le visage fripé. Ses dernières dents sont noires d’avoir mâché du bétel. Elle fabrique des longues étoffes qui peuvent servir à tout. Vêtement, couverture, décoration. Toute la journée elle tisse. Son pied tordu est tout ramassé sous le métier. Mieux que le chaman, elle connaît toutes les médecines qui guérissent les plaies, les brûlures, les maux de tête ou de ventre. Elle possède un assortiment de potions et de poisons dans un coffret de rotin, près de sa couche, dans la chambre commune à l’étage.
Il y a au village un aveugle. À l’aide d’un long tuyau de bambou plongé dans une jarre de terre, il sirote à longueur de journée de l’alcool de riz, qui ressemble plus à de la pisse de truie fermentée qu’à de l’alcool de riz. Il n’émerge jamais de son ivresse.
Le chaman ne boit jamais d’alcool. Nuit et jour il est abruti par l’opium qu’il ingère et qu’il fume.
Un jour un homme est passé dans le village. Il s’appelle Bounkong .
Bounkong est un ancien moine. Il est devenu ensuite commerçant et s’est enrichi. Il n’a jamais profité de sa richesse pour lui-même. Il est devenu bienfaiteur des pauvres. Il ne vient pas ici faire du commerce. Il ne vend rien aux villageois. Il parcourt les montagnes pour aider les peuplades pauvres des villages. Il prodigue des conseils et répand la sagesse. Il offre des images et des statuettes de Bouddha . Son langage est un peu différent de celui des villageois, mais on le comprend quand même. Sa façon de parler bizarre ajoute à son prestige. On écoute cet homme, on l’appelle « Monsieur Bounkong ». Il s’est donné pour mission d’améliorer la condition des paysans.
Midoli entend le bruit de coups qu’on porte sur un piquet, au milieu de la place du village. Ça fait tac, tac, tac… Le chaman opiomane prépare une cérémonie qu’elle connaît bien. Il attache un chien à ce piquet. La pauvre bête devient bouc émissaire de tout le mal de la communauté. Chaque habitant du village à son tour frappe le chien avec le pied pour se décharger de ses mauvais esprits et les transmettre à l’animal. Quand le chien aura cessé de couiner, quand il sera mort (son supplice est parfois long !), c’est que les mauvais esprits l’auront investi. On le jettera sur les ordures du village.
– Monsieur Bounkong, dit Midoli, pourquoi faut-il faire souffrir ce chien, sur la place ? Quand on le frappe, il me semble que c’est moi qui reçois les coups qu’on lui donne.
Bounkong a réfléchi. Il est allé voir le chaman. Ils sont entrés dans sa maison et ils ont parlé longtemps.
Bounkong est ressorti et a détaché le chien. La bête a remercié d’un regard et s’est enfuie. Boukong a appelé un garçon et lui a demandé de disposer à la place une botte de paille. Les habitants se sont défoulés sur cette botte de paille si bien que tous les mauvais esprits sont partis en poussière.
Les villages voisins cultivent le pavot.
Ici , à Konsali , on cultive le riz. Les hommes préparent le terrain. Ils labourent. C’est dur ! Les femmes repiquent les plants, elles restent des heures les pieds dans la boue, le dos cassé à angle droit. C’est dur ! Tous participent à la récolte, une seule par an. Hommes , femmes, enfants fauchent, vannent, transportent des poids plus lourds qu’eux dans des hottes ou dans des sacs. Le riz est l’essentiel de la nourriture. Ils pratiquent la culture sur brûlis. Ils essartent chaque année un espace nouveau. Arrachent , coupent, brûlent arbres et les buissons.
– Vous faites une grosse bêtise, dit Bounkong. Vous détruisez la terre.
– Faux, dit Hong, le chef du village un peu demeuré. Regardez, Monsieur Bounkong, comme la récolte est bonne sur la cendre de nos nouvelles parcelles !
– Tu as la vue courte, Hong. La première année, la récolte est bonne. Mais la deuxième année, elle est moyenne. Et les années suivantes, la terre est épuisée. Elle est lavée par l’eau du ciel. V

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