Les marcheurs de Bougreville : T1
188 pages
Français

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Les marcheurs de Bougreville : T1 , livre ebook

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Description

Si vous ne connaissez pas une toile en centons, lisez ce livre et vous plongerez aussitôt dans une des facettes de l’univers coloré et sinueux de l’écriture-tissage et aussi du cerveau du créateur littéraire qui ne semble répondre qu’à la seule règle qui vaille : la contrainte libre des mots, géniteurs de l’histoire.

Informations

Publié par
Date de parution 02 mai 2017
Nombre de lectures 13
EAN13 9791090625914
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CIV 591
10 BP 1034 Abidjan 10 info@lesclassiquesivoiriens.com / Tél : 21.56.50.63
Les marcheurs de Bougreville
À ma mère, qui ne sait ni lire ni écrire
Pour qui je cherche, en vain, des mots de notre chère langue vernaculaire pour traduire ceci :
Il est, il est, en lieu d’écumes et d’eaux vertes, comme aux clairières en feu de la Mathématique, des vérités plus ombra-geuses à notre approche que l’encolure des bêtes fabuleuses.
Saint-John Perse
Amers
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Les marcheurs de Bougreville
Première partie
Une amitié
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Les marcheurs de Bougreville
1.
’est à l’âge de quatorze ans, sous le plus grand manguier de la cité, que Makane t KoCungourou,le morceau. la connaissance de celui qu’on surnommait
Koungourou était nain et bossu. Il venait se coucher là, sous le feuillage, et xait les branches an, disait-il, de capter l’instant magique où la mangue passe du vert au jaune. Mais son but ul-time, précisait-il, était de fabriquer une lampe qui égaierait la ville et l’homme en éclairant leurs ombres tout en éteignant leurs misères.
Matinal, il était. Il aimait marcher, à l’aube, où qu’il fût. C’est en ce moment, se plaisait-il à dire, que le monde est sans écume. Et il ne cessait de chercher des mots pour décrire son état d’âme lorsqu’il s’imaginait marcher avec les siens, tous les siens, dans les allées boisées et euries de ce monde immaculé.
Makane, lui, y venait avec l’espoir de revoir l’homme à la toge sombre et au regard amboyant, l’étranger qui, durant toute une semaine, debout de l’autre côté de la rue, aux mêmes heures, s’était mis à l’observer, comme s’il venait enn de dé-couvrir un être qui habitait en lui depuis fort long-temps, qu’il ne voyait que de dos et dont il avait tant imaginé le visage. Ce fut en n d’après-mi-
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Les marcheurs de Bougreville
di du septième jour que l’homme à la toge avait ni par se détacher du pied de la géante pancarte auquel il s’adossait, la pancarte dont il haïssait la publicité mais chérissait l’ombre. Boitillant alors sous un corps massif, avec un instrument de mu-sique à corde en bandoulière, les yeux chargés d’étincelles, le voyageur était venu s’asseoir à côté de lui, au pied du manguier, mais était reparti beau-coup plus tard, vers le crépuscule, sans lui adresser un mot, alors que lui, Makane, attendait au moins un air de l’instrument de musique qu’il portait.
Il avait eu le sentiment que le pèlerin avait un message à lui transmettre, un secret à lui livrer, et qu’il allait revenir sur les lieux comme tout as-sassin, car c’était bien en cet endroit qu’il tuait le temps.
Makane savait que son père avait quatre femmes et vingt-huit enfants. Quel n’avait été son désarroi en surprenant un voisin de quartier dire : Les vingt-six minuscules de l’alphabet de Fama-kan. Certes, le nom de l’ainé des enfants de Fa-makan commençait par A et celui du dernier par Z, mais était-ce là une raison pour clamer qu’ils étaient au nombre de vingt-six ? Qui étaient les deux intrus ? Pourquoi les qualiait-on tous de minuscules ? s’était-il demandé. Et au cas où il se serait questionné à haute voix, il s’était retourné pour vérier qu’il n’y avait personne de sa famille dans les environs, car chez lui on ne posait jamais certaines questions et l’on ne recevait jamais de ré-ponse à d’autres.
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Les marcheurs de Bougreville
Makane ne comprenait pas pourquoi Han-na et lui n’avaient ni les cheveux crépus ni le teint noir foncé des autres membres de la famille. Mais depuis le jour de la leçon de génétique à l’école, il s’était fait une raison, il voyait un homme ou une femme blanche dans son ascendance et se disait qu’il serait normal de voir, un jour ou l’autre, sur-gir quelques enfants ayant les traits à eux deux. Il demeurait cependant préoccupé par le fait que sa mère, absorbée par les travaux de ménage quo-tidien, dépensait tant d’énergie pour apporter une attention et une affection particulières à Hanna et à lui, comme s’ils étaient les plus fragiles ou les plus nécessiteux du troupeau.
L’homme à la toge, songeait-il, reviendra avec des mots qui auront mûri et pourront expli-quer ce que je ne peux comprendre, voire accep-ter maintenant. Aussi, commencerais-je peut-être à découvrir Hanna, cette îlle d’une douceur inînie à mon égard, cet être qui n’a ni l’usage de la parole ni celui de l’écriture, mais de belles petites mainstremblantes qui ont su dessiner des pêcheurs va-quant à leurs occupations, en train de toiser au passage deux enfants, une îlle et un garçon, assis dans une pirogue échouée sur le banc de sable de la berge, les yeux levés vers un ciel clair-obscur. Ce tableau, devenu mon inséparable compagnon, Hanna l’avait réalisé sur l’unique page blanche de mon cahier de chevet. Ce fut un soir, pendant que je dormais. Et je me mettais souvent à dormir ou fai-sais parfois semblant de dormir juste pour qu’elle
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Les marcheurs de Bougreville
vienne dessiner. C’était sur ses dessins que je comp-tais découvrir ce que me cachaient les adultes.
Makane venait donc s’asseoir sous le man-guier, rêvant du retour de l’homme à la toge. Il ou-vrait son fameux cahier de notes et scrutait encore et encore le tableau, jusqu’à ce jour où il rencontra Le Nain, qui interpréta le ciel clair-obscur dessiné par Hanna comme une aube crépusculaire.
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