LES Souliers de mandela

Eza Paventi

Description

Quand marcher demande de mettre son coeur en bandoulière...
Lorsque Fleur Fontaine débarque en Afrique, c’est un être fané que le continent accueille. La jeune femme, qui a eu la chance de naître du bon côté de l’équateur, avance sur un fil de fer. Dans un pays en reconstruction, elle affronte ses propres territoires ravagés. Inspirée par le père de la nation sud-africaine, Nelson Mandela, elle apprivoise ce que l’on a oublié de lui transmettre; comment se reconstruire, comment pardonner. Mais pour marcher sur ce long chemin vers la liberté, les souliers de Mandela lui semblent de bien grosses pointures à chausser...
Je ne connais rien de l’Afrique. On croit savoir parce qu’on lit des livres, des articles dans les journaux, mais ces informations-là ne sont imprimées que sur du papier, pas dans le cœur. Et dans ce cas, on ne peut prétendre que l’on sait vraiment. Enfin, c’est ce qu’elle dit, Bongiwe. Lui donner raison, ce serait admettre que je ne connais rien d’elle, rien de son pays. Ce serait lui avouer que je ne peux ni comprendre sa façon d’aborder la vie, ni saisir la manière dont les gens pensent ici. Parce que ce n’est pas inscrit dans mon cœur. Et pourtant, lorsque je marche sur cette terre, ce petit bout d’Afrique au sud de l’hémisphère Sud, je devine son âme ravagée. Lorsque j’observe ce pays, avec mon regard du nord de l’hémisphère Nord, je vois des plaies que personne n’arrive à panser.

Sujets

• Reportages
• Stage
• Pardon
• Résilience
• Reportage
• Rupture
• Voyage
• Journalisme
• Fiction
• Amour
• Liberté
• Nelson Mandela
• Afrique du Sud

Informations

• Publié par: Québec Amérique
• Date de parution: 06 novembre 2019
• Nombre de lectures: 1
• EAN13: 9782764440490
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

« Avec un souffle qui nous soulève dans les instants d’euphorie et qui nous accompagnent dans les moments de mélancolie, Paventi a construit une histoire aux profondeurs insoupçonnées. Sensible et fort talentueuse, l’écrivaine a le don de nous raconter un pays en décrivant le rythme du cœur de ses habitants et de ses visiteurs, ô combien humains, imparfaits, bourrés de contradictions et de complexes, mais tellement attachants. »
Samuel Larochelle, Huffington Post
« L’écriture sensible de la cinéaste Eza Paventi nous plonge littéralement dans le quotidien triste et tangible de ceux qui n’ont rien et qui, bien souvent, ont cessé de chercher. Les commentaires de Fleur dans les marges dynamisent ce récit bouleversant et réaliste. »
Élise Jetté, 24h
« J’ai trouvé le tout extrêmement juste. La découverte de l’Afrique, biaisée par le regard occidental et les idées préconçues, l’évolution de cette vision, l’Afrique de l’intérieur qui nous est donnée à découvrir. On s’y croirait. La force de certaines images est incroyable. »
Mon coin lecture
« Eza Paventi possède une écriture sublime et une impressionnante sensibilité. Elle suscite des réflexions tant troublantes que nécessaires. »
Yannick Ollassa, Livresquement boulimique




De la même auteure chez Québec Amérique
Parce qu’il fallait t’oublier un peu , Éditions Kennes, 2018.
Safari , série Je sais tout , Éditions Les Malins, 2015.
Les Souliers de Mandela , coll. Littérature d’Amérique, 2013; coll. qa, 2019.




Édition originale dirigée par Isabelle Longpré, éditrice

Conception graphique : Claudia Mc Arthur
Mise en pages : Marylène Plante-Germain
Révision linguistique de la première édition : Andrée Michaud et Diane-Monique Daviau
Lecture de sûreté : Marie-Lise Demers
En couverture : Photographie de Jean-François Noël
Illustrations intérieures : Anouk Noël
Conversion en ePub : Fedoua El Koudri

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.


Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre : Les souliers de Mandela / Eza Paventi.
Noms : aventi, Eza, auteur.
Collections : qa (2019).
Description : Nouvelle édition. | Mention de collection : qa
Identifiants : Canadiana 20190032278 | ISBN 9782764440254
Classification : LCC PS8631.A8854 S68 2019 | CDD C843/.6—dc23
ISBN 978-2-7644-4048-3 (PDF)
ISBN 978-2-7644-4049-0 (ePub)

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2019
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2019

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2019.
quebec-amerique.com




Pour C.


Prologue
La lumière crue des plafonniers lui fait l’effet d’une douche froide. Elle se déplace à petits pas dans l’aéroport, son sac de voyage aussi lourd que sa tête. Elle est descendue à Johannesburg. Elle pourrait être à Sydney, Tokyo ou Helsinki. Ça n’a pas d’importance. Elle lance quelques regards à tout hasard. C’est étrange, aucun Noir ne se promène dans les corridors luisants de propreté. Une majorité invisible dans ce pays, suppose-t-elle. Elle cherche à travers la foule le responsable de son stage, un certain Thomas. Elle croit le reconnaître près d’une tabagie. Le jeune homme ressemble étrangement à l’image qu’elle s’est faite de lui après quelques échanges de courriels. Un grand brun, des cheveux en bataille, des lunettes noires à la monture carrée et un corps de félin. Il tient entre ses mains un carton sur lequel son nom à elle a été gribouillé à la hâte. Il va lui demander si c’est un pseudonyme, tout le monde lui pose la question. Fleur Fontaine. Qui peut trouver le courage de nommer son enfant ainsi ? Sa mère, visiblement. Elle a traversé l’Europe à son âge avec, devant elle, la vie et un ventre bien rond. Tout s’est joué devant un champ de fleurs sauvages dans les Alpes. Était-ce à cause de l’odeur sucrée qui planait dans l’air à cet instant, des hormones ou du regard de l’homme à ses côtés ? Voilà comment se dessine un destin, à petits coups de moments anodins. Et puis un jour, sans que l’on sache pourquoi, on se retrouve à l’autre bout du monde… Elle se dirige vers le jeune homme en lui souriant. Il la reconnaît sans lui poser de questions. Il lui enlève doucement son sac, la libérant ainsi d’un immense poids. Il lui souhaite la bienvenue d’une voix grave, en lui tendant la main. Une main douce avec des doigts effilés de pianiste et des ongles rongés au sang. Elle pousse un léger soupir. La fatigue. Ou peut-être le sentiment trouble de trouver un peu de réconfort dans les yeux d’un étranger.




Septembre
Première partie
(de mon stage)


Le long chemin vers la liberté
Je ne connais rien de l’Afrique. On croit savoir parce qu’on lit des livres, des articles dans les journaux, mais ces informations-là ne sont imprimées que sur du papier, pas dans le cœur. Et dans ce cas, on ne peut prétendre que l’on sait vraiment. C’est ce qu’elle dit,
Bongiwe 1 . Lui donner raison, ce serait admettre que je ne connais rien d’elle, rien de son pays. Ce serait lui avouer que je ne peux ni comprendre sa façon d’aborder la vie, ni saisir la manière dont les gens pensent ici. Parce que ce n’est pas inscrit dans mon cœur. Et pourtant, lorsque je marche sur cette terre, ce petit bout d’Afrique au sud de l’hémisphère Sud, je devine son âme ravagée. Lorsque j’observe ce pays, avec mon regard du nord de l’hémisphère Nord, je vois des plaies que personne n’arrive à panser. Tiens, par exemple, il y a ces nouvelles rues propres dans le township de Soweto dont le nom évoque encore les sombres années de l’apartheid. L’agglomération construite en banlieue de Johannesburg, refuge des Noirs à une époque où on leur interdisait de circuler en ville sans permis, a tenté de se refaire une beauté au cours des années qui ont suivi la chute du régime. Mais ces maisons en briques rouges construites selon le même modèle, ou encore ce petit centre commercial devant lequel nous venons de passer, ce sont des sourires que l’on grimace pour maquiller la noirceur d’un esprit. Des façades qui ne servent qu’à masquer le reste, les centaines d’abris de tôle rouillée et de bois rongé qui se cachent derrière, leurs habitants coupés des services d’eau courante ou d’électricité, et partout au pays, des milliers d’êtres humains qui vivent avec moins de quelques dollars par jour. Ils portent tous un fardeau, la couleur de leur peau. La même que celle de Bongiwe. Des années après la fin de l’apartheid, ce sont des cicatrices qui ne s’effacent pas.
Bongiwe a tout de même de la chance, elle sait porter un fardeau avec élégance. Dans les rues de Soweto, elle marche d’un pas assuré, le dos cambré et les seins qui pointent vers le ciel de l’Afrique, comme s’ils étaient tournés en permanence vers un avenir plus clément. En la voyant traverser une rue envahie d’enfants qui frappent, pieds nus, un ballon de foot dégonflé, je lui envie son aplomb et sa grâce. Bongiwe, légère et lumineuse sous un soleil de septembre, me conduit jusqu’à la porte d’une des maisonnettes en briques rouges. « Entre », dit-elle en s’emparant de ma main. Une marque d’amitié à laquelle je n’arrive toujours pas à m’habituer. Ici, il est commun de se balader en se tenant par la main. Même les hommes le font entre eux. Quelques jours après mon arrivée sur le continent, je sursaute encore lorsque je sens les doigts de ma colocataire sud-africaine se glisser entre les miens. Mais j’aime voir ma main ainsi, ma main blanche entrelacée à sa main noire.
Nous pénétrons