Les trois tanbou du vieux coolie
298 pages
Français

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Les trois tanbou du vieux coolie , livre ebook

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Description

Chronique de la vie quotidienne d'une famille dans le quartier misérable de "la Ravine", à la périphérie de Foyal, ancien nom contracté de Fort-de-France (Fort Royal). Cette tranche de vie va de l'époque d'avant la Seconde Guerre mondiale (36-39) jusqu'à un événement qui marque la fin brutale d'une époque pour Stephen, le héros, sa famille et tout le quartier.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2007
Nombre de lectures 258
EAN13 9782336267203
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lettres des Caraïbes
Collection dirigée par Maguy Albet
Déjà parus
Ernest BAVARIN, Les nègres ont la peau dure , 2007.
Jacqueline Q. LOUISON, Le crocodile assassiné , 2006.
Claude Michel PRIVAT, La mort du colibri Madère , 2006.
Danielle GOBARDHAN VALLENET, Dumanoir, l’incroyable destinée , 2006.
Max DIOMAR, Flânerie guadeloupéenne , 2006.
Le Vaillant Barthélemy ADOLPHE, Le papillon noir , 2006.
Christian PAVIOT, Les fugitifs , 2006.
Danielle GOBARDHAN VALLENET, Les enfants. du rhumier , 2005.
Philippe Daniel ROGER, La Soulimoune , 2005.
Camille MOUTOUSSAMY, J’ai rêvé de Kos-City , 2005.
Sylvain Jean ZEBUS, Les gens de Matador. Chronique , 2005.
Marguerite FLORENTIN, Écriture de Griot , 2005.
Patrick SELBONNE, Cœur d’Acomat-Boucan , 2004.
Danielle GOBARDHAN VALLENET, Le secret du Maître rhumier , 2004.
Marie-Flore PELAGE, Le temps des alizés , 2004.
Pierre LIMA de JOINVILLE, Fetnat et le pistolet qui ne tue pas , 2004.
Christian PAVIOT, Les Amants de Saint-Pierre , 2004.
Henri MELON, Thélucia , 2004.
Max JEANNE, Un taxi pour Miss Butterfly, 2003
Eric PEZO, Passeurs de rives , 2003.
Jean-Pierre BALLANDRY, La vie à l’envers , 2003.
Jean-Claude JOSEPH, Rosie Moussa, esclave libre de Saint-Domingue , 2003.
Monique SEVERIN, Femme sept peaux , 2003.
Eric PEZO, Passeurs de rives , 2003.
Marcel NEREE, Le souffle d’Edith, 2002.
Josaphat LARGE, Les terres entourées de larmes , 2002.
Gabriel DARVOY, Les maîtres-à-manioc , 2002.
Timothée SCHNEIDER, Rue du Soleil Levant – Voyage dans le territoire de la Guyane, 2002.
Manuela MOSS, Sous le soleil caraïbe , 2002.
Les trois tanbou du vieux coolie

Raphaël Caddy
© L’HARMATTAN, 2007 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296030756
EAN : 9782296030756
Sommaire
Lettres des Caraïbes - Collection dirigée par Maguy Albet Page de titre Page de Copyright CHAPITRE I CHAPITRE II CHAPITRE III CHAPITRE IV CHAPITRE V CHAPITRE VI CHAPITRE VII CHAPITRE VIII CHAPITRE IX CHAPITRE X CHAPITRE XI CHAPITRE XII CHAPITRE XIII CHAPITRE XIV CHAPITRE XV CHAPITRE XVI MES SOURCES. REMERCIEMENTS CHALEUREUX L’HARMATTAN, ITALIA - Via Degli Artisti 15 ; 10124 Torino
Afrique
Ne tremble pas le combat est nouveau,
Le flot vif de ton sang élabore sans faillir
Constante une saison ; La nuit c’est aujourd’hui au fond des mares,
Le formidable dos instable d’un astre mal endormi,
Et poursuis et combats – n’eusses – tu pour conjurer l’espace
Que l’espace de ton nom irrité de sécheresse.
Boutis boutis

Terre trouée de boutis
Sacquée

Tatouée
Grand corps
Massive défigure où le dur groin fouilla
(Aimé Césaire)

CHAPITRE I
Le tonnerre des Tanboularavine 1 montait des fonds à l’assaut des mornes environnants. Et d’abord du morne Pichevin, après être passé sur la route des Religieuses telle une ardente léchure vorace et puissamment sensuelle, secouant cette dernière jusqu’en ses profondeurs, de chez man Paule 2 jusqu’à la boutique d’Acoma.
C’était l’appel aux joutes et danses ancestrales. Le vent, complice, le propulsait partout, en rafales, loin, très loin, plus loin que les hauts murs, remparts du parc à mazout, dont les nombreux échos le répercutaient à l’infini, le lançant, tel un projectile, contre les édifices de pierre de La Folie, 3 puis sur les casernes de Gerbault, Desaix.
Dans cet appel, il y avait, mêlés, entrelacés, imbriqués, des cris de révolte ; il y avait, s’étreignant, se repoussant aussi presque brutalement parfois, pour mieux après s’unir, s’harmoniser ; il y avait de multiples invites.
Et d’abord, celle de se rassembler pour crier, hurler, se frotter, se confronter, danser. L’invite à extérioriser l’expression maximale d’une joie hors des temps présents, une joie des retrouvailles d’un temps d’Homme, d’un temps à ne jamais oublier, à ne jamais laisser s’effacer de la mémoire. L’invite surtout à une restitution de soi-même.
On distinguait dans cet orage de rythmes le son ou plutôt la voix, la voix claire, jeune, provocante du tanbou solo 4 hélant les hommes, les mâles, à l’affrontement, en défi à la vie d’ersatz qui leur était imposée.
Puis, la profonde et envoûtante voix du vieux tanboubas 5 qui, pourrait-on croire, tempérerait par sa sagesse l’ardeur, la fougue du jeune solo mais qui au contraire, la renforçait, lui donnant raison de manifester ainsi son cri, son grand cri, de manifester ainsi sa joie profonde du moment.
Alors, à chaque séquence d’appel, le vieux tanboubas approuvait en profonds et sourds Anhan ! Anhan ! Anhan ! , pour finalement instaurer un long et heureux dialogue avec le jeune tanbousolo.
C’était d’une beauté, d’une puissance, d’un grandiose à vous donner le frisson.
C’était noble, irrésistible comme les coups de gueule de la Liberté en liberté.
Dominant tout ce volcanisme, comme pour rappeler urbi et orbi qu’il ne s’agissait que d’une invite, d’une simple invite à la danse et non point d’un appel à la rébellion : il y avait, au mitan 6 de tout ce tonnerre et le canalisant, l’ostinato minas 7 tak pitak pitak des tibwa 8 , comme des lancinements de la mémoire au cœur, du cœur à la mémoire. Et, dès lors, surgissaient en vous des tas de souvenirs enfouis depuis des temps et des temps, depuis des générations. Montait alors du moi profond de chacun l’impérieux désir d’effacer, de tout effacer. Oui, de tout effacer pour mieux se souvenir, se souvenir de l’aube et de l’or de tous ces soleils brisés, réduits en miettes et puis éparpillés aux quatre points de la planète. De se souvenir de tous ces soleils capturés, interdits, interdits parce que de liberté.
Du pont Démosthène au morne Pichevin, du parc à mazout à La Folie, on entendait rouler l’orage des Tanboularavine 9 .
Il courait le long de l’étroite route des Religieuses, à l’assaut des mornes Vannier et Lacoste, annexant L’Entraide, puis roulait jusqu’aux bassins de Moutte la bourgeoise. Et, ainsi qu’un vent de folie, un souffle d’ivresse de ressourcement, il interpellait chacun.
Et d’abord, cette Afrique que nous avons en nous et qu’une majorité tente d’occulter.
Oui, d’abord cette Afrique que tout dans ce pays s’acharne, jour après jour, à effacer, à gommer comme s’il s’agissait d’une tare, d’une faute infamante. Et d’abord, cette Afrique que l’Eglise avait depuis longtemps occultée, que l’instruction publique avait occultée, que la bienséance avait occultée, que le savoir-vivre avait occultée, que les familles respectables avaient, bien entendu, occultée.
Il interpellait puissamment cette Afrique qui sommeillait en chacun de ces êtres méprisés par une société bourgeoise nouvellement promue, empruntée et semblant définitivement coincée entre une Eglise dominante et une instruction publique jalouse d’un savoir qu’elle avait décidé, malgré les lois laïques, de ne distribuer qu’à une classe de privilégiés.
Une société qui refusait la vérité historique, pour hisser au pinacle le mensonge bien empaqueté.
Il interpellait tous ceux, issus du grand voyage, du grand déracinement. Petits et arrière-petits-fils des rescapés de la Traversée, les rescapés de l’iniquité.
Et voilà que cet orage des Tanboularavine, transformé en un souffle impétueux, irrésistible, les rassemblait tous, dans le fond, anfonwa 10 et singulièrement à lakou Siamen , cette petite place de terre battue qui s’étendait de la case du dénommé Isidore jusqu’au vieux cocotier étêté, souvenir de la foudre, marquant le début du terrain de Laurence, la sœur de Monsieur.
Des arbres majestueux, dont deux manguiers généreux, répandaient en ces lieux leur bienfaisant ombrage.
Oui, ils descendaient des mornes environnants, tous les hommes, vers lakou Siamen, cette place où, en temps ordinaires, dès la sortie de l’école, les gamins jouaient au dékan 11 avec tout ce qui leur tombait sous les pieds, notamment les fruits à pain coulés.
C’était par un splendide après-midi, un samedi, de l’année 1939.
Une journée de « semaine anglaise », et les miséreux de La Ravine et des quartiers limitrophes pouvaient presque dire ouf !
Le peuple du

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