mépapasonlà
102 pages
Français

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Description

Un roman très amusant, mais grave aussi, sur les hauts et les bas d’une famille homoparentale qui a décidé de prendre le bonheur au sérieux.
«  — Peux-tu me décrire, mon hibou, ce que tu avais dessiné dans ta classe? poursuit Ricky, encore un peu secoué par le tintouin amplifié de notre crocodile.
— Une grande plage avec des jeux et la mer et le soleil et des oiseaux et des châteaux de sable et des ballons et des parasols et des coquillages et des écrevisses et des bateaux à voile… retrace-t-il avec la main droite pour bien rapporter la position de chaque élément sur une feuille imaginaire.
— Est-ce qu’il y avait aussi des gens sur ton dessin ?
— Oui. Moi, les Cormier et vous deux sur vos chaises longues. J’avais écrit…
Il recommence à mugir de plus belle avant de compléter sa phrase. Il court dans son sac chercher le dessin et reviens, toujours en larmes.
C’est alors que l’on comprend mieux l’infâme outrage de la pauvre Madame Lucie… Elle a daigné biffer en rouge “mépapasonlà” pour écrire en dessous : “Mes papas sont là.”… à même l’œuvre d’art ! La pauvre enseignante se voit ainsi vouée à l’enfer pour l’éternité. »
À la différence des enfants de nos voisins du bout du chemin — les Un roman très amusant, mais grave aussi, sur les hauts et les bas d’une famille homoparentale qui a décidé de prendre le bonheur au sérieux.Cormier — qui tartinent de circonflexes toutes les voyelles quand ils parlent, les « A » de ma sauterelle sont pointus comme la tour Eiffel.
— Oui, Jacob ?
— L’AUTRE PApaaaaa…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 mars 2016
Nombre de lectures 11
EAN13 9782895975625
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

mépapasonlà
Alain Pierre Boisvert
mépapasonlà
Chroniques rurales d’une famille acadienne heureuse.
Très heureuse.
Et de ces tristes hasards qui viennent éprouver son bonheur.

ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Boisvert, Alain Pierre, 1970-, auteur mépapasonlà / Alain Pierre Boisvert.
(Indociles) Publié en formats imprimé(s) et électronique(s). ISBN 978-2-89597-535-9. — ISBN 978-2-89597-561-8 (pdf). — ISBN 978-2-89597-562-5 (epub)
I. Titre. II. Collection : Indociles
PS8603.O369M47 2016 C843’.6 C2016-900438-4 C2016-900439-2

Les Éditions David 335-B, rue Cumberland, Ottawa (Ontario) K1N 7J3 Téléphone : 613-830-3336 | Télécopieur : 613-830-2819 info@editionsdavid.com | www.editionsdavid.com

Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 2 e trimestre 2016

Les Éditions David remercient le Conseil des arts du Canada, le Bureau des arts franco-ontariens du Conseil des arts de l’Ontario, la Ville d’Ottawa et le gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada.
À la mémoire de Melina Walanda. À la septuagénaire de l’épicerie qui a su protester sans faire de bruit. À une juge de bonne foi pour qui le bon sens fait encore loi. À notre Angela enjouée et futée dont la juste intuition a su à jamais transformer nos vies, nos vocations.
Nuit caniculaire.
À cette période de l’été, presque tout le voisinage plie bagage : avec lui, part la brise du fleuve. Nul feuillage n’ose frémir. Chaud. Très chaud. Au point où les huards se plaignent autrement : médiocre imitation du coït entre une anche de hautbois coincée et la culasse d’un basson désaccordé.
Calme plat sur l’eau. Miroir scintillant d’un ciel de début d’août endiablé. À l’apogée des Perséides, la seule pluie à l’horizon en est une d’étoiles filantes venues embraser le rideau de velours ébène qui recouvre notre vallée.
Les pleurs de Jacob font soudain contrechant à la complainte des plongeons. Notre fiston a fêté ses quatre ans aujourd’hui. Et, quelque part entre le coucou de vingt-trois heures et de sa demie, son estomac s’annonce aussi à l’envers que mon hangar de jardinier. Catastrophe annoncée à laquelle nous avons bien malgré nous contribué…
— PaPAaaAaaAA…
À la différence des enfants de nos voisins du bout du chemin — les Cormier — qui tartinent de circonflexes toutes les voyelles quand ils parlent, les « A » de ma sauterelle sont pointus comme la tour Eiffel.
— Oui, Jacob ?
— L’AUTRE PApaaaaa…
Me voilà comblé ! Pas besoin de bouger sous cette chaleur infernale. Quand le petit a mal au ventre ou à la gorge, seul Ricky peut le réconforter. Moi, je ne suis l’élu que pour les éraflures, les échardes et les maux de dents : qu’on ne vienne jamais argumenter que les bobologues n’ont pas de spécialités !
Sur le dos, nu, se dévoilant sans pudeur dans toute sa cuirasse lustrée et basanée, Ricky s’abandonne peu à peu aux bras de Morphée, après une longue journée sous un soleil de plomb. Nuit si humide que même les draps satinés ont pris le poids de cette moiteur d’été. Je lui murmure que son oiseau pourrait dégobiller d’une seconde à l’autre, soufflant sur son nombril à découvert pour le chatouiller. Ma statue de bronze s’anime lentement, roule hors du lit, en me réservant sa bouille de dégoût accentuée d’un rictus en coin. Il grommelle tendrement vers la chambre du petit :
« J’arriiiiive mon hibooouuu . »
Trop tard. On entend contre le bois franc, sur un fond de râles de délivrance, cette distincte éclaboussure de vomissure… que j’imagine orange et mauve…

Six heures trente du matin, brumaille de prélude automnal. Je me glisse sous la douche. Ricky, vieux boxer carreauté à demi décousu suspendu bon gré mal gré à sa ceinture d’Apollon, s’affaire dans la pénombre au-dessus de la cafetière, les paupières encore plissées.
On sonne à la porte. Notre garçon roupille toujours, son réveil routinier prévu trente minutes après le nôtre. J’ai une brève pensée amicale pour celui ou celle qui s’est aventuré si tôt dans notre cour interminable : mon chum, pourtant reconnu pour son entregent et sa bonne humeur, ne sourit aux visiteurs qu’après huit heures. Avant, il les badigeonne de jurons comme ses toasts de cretons. « On n’a certainement pas choisi d’habiter le fin fond d’la campagne, à un kilomètre du chemin, parce qu’on rêvait d’entendre notre doorbell à sept heures moins vingt ! »
Les fins de semaine sont à peine plus farouches : il cible les importuns trop matinaux avec ses pantoufles de caoutchouc du balcon de la chambre principale. J’avoue avoir un faible pour son côté protecteur, voire canin : labrador le jour, doberman du crépuscule au petit matin.
— What the hell ? … quoisse qui v’nont nous vend’ à c’t’heure-cite ? J’espère qu’y avont pas encore déjeuné parce qu’y allont avaler sa boîte de candies avec le wrap pis toute !
Danger en perspective… même marmonnée, l’éruption de la langue vernaculaire, magma volcanique en ébullition, annonce une tempête mémorable près du vestibule…
— MaTHUUU ! I’a un cop pis une madame à porte pis chu à motché naked ! What the … Geeez… i’nous prennent-tu pour un twenty-four hour doughnut shop ?
Je sors de la douche en un seul mouvement et enfile le peignoir de Ricky, trop court pour moi — vraiment trop court. Mais l’état d’urgence appelle au compromis vestimentaire : les policiers n’étant pas particulièrement reconnus pour leur tolérance à encaisser babouches et blasphèmes, l’élan l’emporte sur le style. J’attrape au passage, pour mon bulldog sur le point de sortir les crocs, un t-shirt suspendu à une poignée de porte.
— Qu’est-ce qui se passe Ricky ? interromps-je poliment.
Je pose ma main sur son épaule pour le calmer : le tempo de son souffle annonce qu’il est à quelques respirations de l’explosion. Un jeune policier peu avenant (on l’a depuis décoré du titre de « constabulaire vestibulaire ») se braque dans l’embrasure derrière une dame au mitan de la vie, mal coiffée, porte-documents collé sur une poitrine surgonflée qui déborde d’un chemisier de toute évidence mal ajusté.
— Tu vas pas croire ça. Monsieur pis Madame icitte, i’ s’invitent che nous à sept heures du matin pour checker sur not’gars. J’te laisse badjeuler parce que moâ… Mon hibou , sapré djeu… quesse qui pouviont penser qu’on fa du mal à mon hibou …
Je lui offre le vêtement pour qu’il l’enfile. Il le prend et le lance avec ardeur au bout du corridor et ajoute, les dents serrées, assez fort pour se faire entendre par les deux épouvantails plantés sur le seuil :
— Merci. Mais si y vouliont nous ouère all dressed up, dammit , i’ avont juste à débarquer à une autre heure d’la journée !
Je souris. Fier de constater que l’impulsion pugnace de mon lutin les a fait reculer de quelques pas. Mais la situation n’a rien de drôle. Complètement absurde. Quelqu’un a porté plainte contre nous à la Direction de la protection de l’enfance…

Les yeux pers de Ricky m’ont hypnotisé sur-le-champ. De sa pupille jusqu’aux frontières distinctes de son iris, s’étendent de fines lamelles tirant sur l’olive, aussi délicates que celles du champignon. Puis, se dissimulant quelque part aux confins du cristallin, de discrètes écailles ambre vert se superposent, certaines plus opaques, d’autres translucides. Je m’imagine qu’au microscope sa paupière voile les coups de spatule d’un Riopelle s’amusant avec les teintes de mousse végétale. Ou dissimule les granules verdâtres des doux cailloux de Peggy’s Cove dans les toiles de Royle.
Son clin d’œil, accentué par des cils démesurés, a eu l’effet d’une éclipse solaire : en le fixant sans me protéger, intimidé, je me suis senti ébloui, le temps d’une pulsation ou deux… S’il prétend n’avoir pas encore pleinement pris conscience du pouvoir d’attraction de sa lunette sau(va)ge, il s’amuse tout de même à y ajouter, ici et là, un cillement évocateur, qui ponctue avec charme et naïveté un magnétisme oculaire des plus ensorcelés…

Pas plus d’un quart d’heure après le conte de Mazarou (faites-moi penser d’y revenir) et du rituel prédodo, notre fiston se permet de contrarier nos habitudes… Furtif comme un chat qui surveille sa proie, il se faufile au salon pour nous poser une question dans sa voix la plus ouateuse et angélique, la même qu’il emprunte avec ruse pour demander à sa grand-mamie ce qu’elle cache dans sa jarre à biscuits…
— Qu’est-ce que ça veut dire vivre d’amour et d’eau fraîche ? nous murmure-t-il, une octave au-dessus des cumulus.
On ne sait jamais trop d’où il repique ses nouvelles expressions… Du potinage des voisins autour des châteaux de sable à la plage Mactaquac ? Des reprises de vieux téléromans que ma mère revoit pour la quinzième fois quand elle le garde ? Des conversations téléphoniques pimentées de Véro, ma confidente ?
Confortablement emmitouflé sur le sofa, sangria glacée en main et brie frais sur baguette rompue, je tapote sur un de nos millions de coussins assortis — extravagance de designer — pour inviter notre chaton à s’approcher.
Clin d’œil taquin vers Ricky. « Ton tour, mon chéri. » Ces jours-ci, nous nous relayons pour résoudre chacune des nouvelles énigmes de Jacob qui se suivent au rythme des traverses d’une voie ferrée. Systématiquement, depuis au moins vingt-quatre mois, nous subissons le supplice de l’enfant curieux, tel un perpétuel interrogatoire : examen coriace dont la note de passage se dérobe à tout instant de notre portée.
En famille et entre amis, sans même chercher à épater la galerie déjà conquise par son humour (et par une douce mélodie acadienne qui teinte tout discrètement, ici et là, les intonations de sa voix), mon chum geint allègrement, prétendant chaque fois tomber sur les colles d’expert du petit.
— À Mathu, il pose des questions innocentes du genre : « Ça ressemble à quoi un pic-bois ? Ça veut dire quoi roucouler ? Ça fonctionne comment un cerf-volant ? »… Et quand arrive mon tour, il me malmène : « C’est quoi des menstruations ? Pourquoi les adultes divorcent-ils ? Ça pousse où le stea

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