MONDE OBSCUR   NOUVELLES
232 pages
Français

MONDE OBSCUR NOUVELLES , livre ebook

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232 pages
Français

Description

Dans ces nouvelles les hommes et les femmes sont précipités dans des situations limites. A travers secousses historiques et caprices du destin; neuf récits, de Berlin année 45 à un Sacrifice de la dame tout en tension érotique...

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Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 55
EAN13 9782296488526
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96523-2 EAN : 9782296965232
Un monde obscur
Essais
Du même auteur
Le concept de l’angoisse chez Martin Heidegger, Presses universitaires du Septentrion, Lyon, 1999. Une lecture duDiable et le Bon Dieupar Ricœur,inÉtudes sartriennes, Paris, 2009. Lecture des Pensées de Marc Aurèle,Édilivre, Paris, 2011. Apprendre à penser avec Marc Aurèle, Ellipses, Paris, (à paraître 2012).
Roman
Noir sur blanc et blanc sur noir,Mon Petit Éditeur, Paris, 2010.
Poésie
Chemins poétiques,Édilivre, Paris, 2010. Outre-Occident,Édilivre, Paris, 2010. Poèmes d’ailleurs, Édilivre, Paris, 2011. Tout enfant est l’enfant, Édilivre, Paris, 2011,
Nouvelles
Nouvelles métaphysiques,Édilivre, Paris, 2010. L’Ombre de l'homme,L’Harmattan, Paris, 2011
Robert Tirvaudey
Un monde obscur
nouvelles
L’Harmattan
Berlin, année 45
est du moins ce que l’on a dit. Personne n’a C’ vraiment su, ni vu, ni rien entendu. Mais le fait, pour étrange qu’il fût, n’est pas pour autant imaginaire. Nous avons déjà rencontré des faits similaires, avant, pendant et même après la guerre. À Berlin même, on ne parlait plus que de la disparition du Führer. Nous étions au courant du suicide dans son bunker. Cette loyauté au destin de l’Allemagne. Notre Führer est la seule voie à suivre. C’est Ulrike Leibman qui parle. Elle avait tout préparé, jusqu’au discours à tenir à son mari. Le lieutenant SS Harald Leibman, un pur Aryen, un homme de qualité, de ceux de la première heure. Elle aimait ses mots, Grandeur de l’Allemagne, Victoire sur le monde. Il avait cette grandiloquence-là. De dire la banalité en mots relevés. Toujours sur le mode du tragique. Surtout en parlant de l’Allemagne. Nous ferons ce qu’aucun peuple dans aucun pays n’a fait ni ne fera. Nous dépasserons les limites de l’Humain vers le Surhumain. L’homme d’aujourd’hui n’est qu’un pont, un mutant vers l’Histoire universelle. Nous vivrons heureusement la fin de l’histoire. Après nous, l’Histoire ne sera que de la Préhistoire, toujours un
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balbutiement de notre Avenir. Comment ne pas croire à ces mots-là ? Harald utilisait les mots de tous les Allemands, mais dans une tonalité, avec un regard autrement plus profonds. Même les mains ne laissèrent le moindre doute. Jamais tremblantes quelles que soient les circonstances, ses missions, son devoir. Sous le bras gauche, le signe de la ferme résolution qu’Ulrike se surprenait souvent à baiser, suivant de l’index les signes inscrits sur la peau. Les plus belles marques de la franche virilité. Le cheveu ras, les yeux d’un vert troublant, le corps résolument droit. Tout en lui résonnait du destin de l’Allemagne. Elle disait souvent : « Plus allemand que toi, on ne fait pas. » Harald Leibman. Presque douze ans. Ulrike était couturière. Venue de Pologne dès 1899 avec le père et la mère, les deux frères, le grand-père. Le grand-père maternel fut tué au bord de la future ligne Maginot. Il fut décoré à titre posthume de la croix de Fer, de la croix du Mérite pour avoir sacrifié sa vie en sauvant une escouade. Il avait combattu au côté du Führer, l’Amant de toutes les Allemandes alors simple soldat infirmier. Dans la famille, on disait volontiers de l’oncle Joseph qu’il tutoyait l’Homme de l’Allemagne, qu’il avait combattu dans les mêmes tranchées, partagé les mêmes obus, les mêmes fusillades, la même humiliation. Le frère jumeau de Joseph. Imre Lippmann. Le frère de sa mère lui aussi était mort, sur un autre front, mais pour les mêmes raisons. La constitution de la Grande Allemagne. Gloire du sang. Unité nationale, haine du communisme, détestation de toute démocratie. Mépris de toute faiblesse. Tout était dans le sang. Dans la race. Tout était joué d’avance. Il ne restait plus qu’à avancer. Le frère d’Ulrike
BERLIN,ANNÉE459
assassiné par les SS. À vingt ans déjà, au côté du Führer à Munich, un des premiers inscrits sur la liste du Parti. Le numéro 15, sous le nom d’Heinrich Lippmann. D’un extrémisme trop impatient. Il fallait agir massivement et maintenant. Ne pas tester les réactions ni du Peuple allemand ni celles des démocraties. L’Allemagne ne peut que seule accomplir ce Grand Combat. Mais le numéro 7 du Parti ne pouvait tolérer une telle initiative. Certes son père, en 17, lui avait été d’un secours précieux. Il n’avait rien dit sur la vie intime et trouble du soldat de première classe. Mais il devait mourir pour la Cause qu’il défendait lui-même. Une mort douce pour ce pur, celui qui avait un trop grand penchant pour Röhm. La Grandeur et la Puissance exigent parfois patience et sérénité. En 22, les actions d’envergure auraient été mortelles pour le Parti naissant. Même pour le fils d’Imre Lippmann, la pitié n’était alors pas de mise. L’Homme à venir ne pouvait rien refuser à la famille Lippmann. Impossible. Trop de signes d’allégeance au national-socialisme, chez ce grand lecteur et commentateur deMein Kampf. C’est son fils qui prit le relais, dès l’âge de dix-sept ans. Celui au doux surnom d’idéologue. Celui qui avait réponse à tout Il savait tout de la naissance du national-socialisme, de son développement, de sa puis-sance, de sa ferme détermination. Il a disparu dès juillet 28. On n’a jamais retrouvé son cadavre, perdu trop loin en Ukraine. Son nom ne fut jamais gravé dans le marbre gris. On saura par la suite, 1944, la crypte de Lippmann, détruite sur ordre spécial de la SS. Aucune trace des Lippmann ne devait ressurgir. Et en priorité la lettre. Celle
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du soldat de première classe à son ami et très dévoué Joseph Lippmann. Une tache, une seule tache dans l’historique de la famille Lippmann. Une douleur. Une sombre meurtrissure. Un couperet. Un glaive à jamais au-dessus de tous les membres de cette famille. Une marque à jamais inscrite dans la chair. Ineffaçable. Invisible et pourtant toujours présente. Tare indélébile et insurmontable. Une entrave douloureuse. Un poids discret mais toujours déjà là. Que les honneurs. Que la Gloire. Que des hauts faits militaires. Que l’amitié même ne saurait effacer. Ce qui réveille. La nuit. Cauchemar. Ce qui trouble chaque pas. Chaque geste. Chaque mot. Dégénérescence et putréfaction. Effet boomerang. Plus on le cache plus il apparaît. Péché originel qui frappe l’individu dans ce qu’il est, pense, sent, dit. Ce que la compétence, la bonté, la générosité ne sauraient retirer. Ce quelque chose et ce presque rien. Qui fait tout. Qui fait toute la différence. Cette plaie à jamais inguérissable. Toujours béante et saignante. La famille Lippmann. Tout tenait en un mot. Petit adjectif quand il n’était pas un substantif. Lippmann. Le nom de Lippmann. Tout tient dans ces deux syllabes. Lippmann. Polonais. Juif polonais. Durant la Grande Guerre déjà, une faille noircissait les exploits, les actes, les actions des Lippmann. Déjà beaucoup de morts pour l’Allemagne à venir. Tout autour les hauts gradés fermaient les yeux. Mais les compagnons, les soldats, même les amis parlaient. Lippmann. Lippmann. N’est-ce pas juif ? Lippmann, un nom juif ? De morts en morts, le doute étouffait. D’événement en événement, le soupçon revenait. Il y avait
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