Nasrimé, d’Istanbul à Tunis
524 pages
Français

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Nasrimé, d’Istanbul à Tunis , livre ebook

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Description

En écrivaine habile et talentueuse, Mélika Golcem Ben Redjeb nousraconte le périple d’une jeune noble turque qui devient unemalheureuse esclave dans le harem du futur Bey de Tunis.Bien qu’elle soit montée de toutes pièces, l’histoire de Nasrimé nousfait illusion d’une véracité inouïe, en nous offrant un délicieuxdépaysement spatial et temporel ! Tunis avec ses vieilles et petites ruelles.Les vieux palais et la cour beylicale avec ses conflits.Ses complots et sa cruauté.Mais aussi, La bonté et la bienveillance de certains protagonistesadjuvants.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2021
Nombre de lectures 266
EAN13 9789938076196
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait






Mélika Golcem Ben Redjeb







Nasrimé, d’Istanbul à
Tunis

(Roman)












Arabesques 2021

















Livre : Nasrimé, d’Istanbul à Tunis.
Auteure : Mélika Golcem Ben Redjeb.
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés à
l’éditeur: ARABESQUES EDITIONS
Conception de la couverture : Ramzi Taskiran.
ISBN : 978-9938-07-619-6
Première édition
er 5rue 20 Mars 1956,1 étage bureau n°3, Bab Saâdoun, 1005
www.editions-arabesques.com
E-mail :editionsarabesques.tunis@gmail.com



A la mémoire d’une très grande dame, ma
mère.

























Première Partie :


Nasrimé, la fiancée du Bey



ISTANBUL 1910


Chapitre I


Le ciel offrit une dernière fois ses cavernes aux trésors du
couchant, le soleil s’effaça et il ne resta plus au-dessus du Bosphore
qu’une frêle lumière rose. Près des coupoles de la Süleymaniyé surgit
soudain l’éclat bleuâtre d’une étoile dont le reflet discret glissa sur le
visage ardent de la fille du Pacha. En effet, sa blonde tête appuyée à
l’amandier en fleur, Nasrimé prenait l’air devant le kiosque en
marbre qui servait de refuge à ses rêveries. Laissant ses yeux bleus
s’emplir de la magie du crépuscule, elle humait avec délice les
senteurs enivrantes exhalées par des plantes rares des jardins du
gynécée. Respectant sa solitude, sa mère, l’orgueilleuse Circassienne
Nazli, ne tentait jamais de déranger sa méditation. Elle savait que
son enfant ne s’attardait point au-delà d’une vingtaine de minutes car
il fallait à cette héritière de l’un des plus puissants ministres de
Turquie la certitude de pouvoir échapper durant un laps de temps au
contrôle absolu des siens. Et elle ne manquait pas d’emmener dans
cette escapade sa compagne de tous les instants, Thaïs, la petite
persane blanche qu’elle chérissait. Combien de moments précieux
n’avait-elle point connus ainsi à méditer, tandis que dans ses bras,
dormait la tendre bête ? Un sentiment étrange de puissance et de
fierté mêlées accompagnait souvent ses songeries. De l’endroit où
elle se tenait, c’est-à-dire de la colline où quinze ans auparavant son
père avait choisi d’édifier l’une des plus belles habitations de la ville,
Nasrimé jouissait d’un panorama incomparable.
Istanbul déployait sous ses yeux les joyaux de son architecture.
L’or étincelant des dômes, les flèches des minarets, la dentelle des
monuments, tout cela créait le sortilège de "Stamboul la bienheureuse".
9 A l’ombre de l’Aya Sophia, Topkapi Sarayi conservait son
impériale allure tandis qu’ailleurs, la Turquie commençait à se
modeler un nouveau visage. La plupart des maisons s’illuminèrent en
même temps et ce fut comme une féerie qui se refléta jusque dans
les eaux argentées du fleuve où glissaient et remontaient les rames
des longs caïques sillonnant le Bosphore. Là-bas, à moitié dissimulés
par la pénombre du crépuscule, des navires se rapprochaient du port
et leur pâle silhouette se confondait avec la teinte violette de la
Marmara. Une paix infinie régnait baignant la Corne d’or d’un
silence si doux que la jeune fille n’eut plus aucune notion du temps.
Elle était comme transportée par un envoûtement qui lui ôtait tout
esprit critique. Sa ville lui appartenait à cet instant là et elle ne l’aurait
échangée pour aucun autre bien au monde.
« Istanbul ! ». Elle prononçait ce nom, et c’était exactement comme
si elle déployait soudain une somptueuse étoffe faite de soie, de
velours de brocart où les impressions naissaient et se perdaient dans
une harmonie sans fin. Istanbul ! Cité de rêve et de désir ! Douce
comme un loukoum qu’on savoure à l’aube d’un jour nouveau ! Tout à
son ravissement, Nasrimé demeurait immobile tandis qu’autour d’elle
la nuit jouait à cache-cache avec les collines, saisissant tantôt l’une,
tantôt l’autre, encapuchonnant d’une coiffe sombre les six minarets de
la mosquée bleue, enveloppant de noir les quartiers de Péra et de
Galata puis, glissant subrepticement, atteignait enfin les türbes
d’Eyoub où elle oubliait sa mystérieuse cape d’ombre. Istanbul
s’endormait ! Puis tout à coup montèrent comme une berceuse les
voix qui réclamaient de l’homme sa fidélité à Dieu : c’était l’appel à la
dernière prière du jour.
La jeune fille revint alors à la réalité. Comment était-ce possible
qu’elle ait pu oublier l’heure, alors que ses parents bien-aimés
devaient sûrement s’inquiéter de son absence ? Aussi était-ce la faute
de son esclave, cette pauvre Halimé habituée pourtant à demeurer
non loin d’elle afin de la rappeler à l’ordre si jamais elle s’attardait.
Où donc était-elle passée ?
Serrant contre elle la petite chatte, elle se retourna et son regard
sonda les alentours sans se heurter à aucune forme humaine. Dans le
cœur aimant de Nasrimé, une angoisse indéfinissable naquit puis
10 s’amplifia. Le paysage lui sembla soudain menaçant. Pourquoi ? Oui,
pourquoi avait-elle peur alors que tout à l’heure une félicité profonde
emplissait son âme ? Ne se trouvait-elle point à la même place, libre et
dominant de sa silhouette le plus beau panorama du monde ? Et puis
la lumière se fit en elle non progressivement mais d’un seul coup
comme si elle comprenait enfin les raisons de son anxiété : Ellesongea
à ses parents et se dit que depuis quelques jours aucun sourire n’avait
fleuri sur les lèvres de Nazli, aucune joie n’avait rayonné dans le
regard de Nazim Pacha. Et pourtant ils l’avaient habituée tous deux à
tant tendresse depuis l’enfance. Sa mère n'avait eu qu'elle et malgré
toutes les sollicitations malveillantes de son entourage, le pacha n’avait
jamais accepté d’imposer à sa femme adorée une seconde épouse qui
aurait en quelque sorte terni par sa présence l’image de l’orgueilleuse
Circassienne élevée au sérail du sultan Abdul Hamid II puis donnée
en récompense au meilleur serviteur du royaume. Tous dans cette
demeure savaient que telle une validé, Nazli régnait sans partage
dans le cœur de Nazim et que s’il venait à cet homme la fantaisie de
se distraire avec de jeunes odalisques, ce n’était un secret pour
personne que plein de remords, il reviendrait le lendemain courber le
front devant le visage couronné de tresses blondes et marqué d’un
dédain profond.
Car cette créature que le padischah avait dans un moment de
caprice jetée sur sa couche gardait de son passage dans l’univers du
seigneur ottoman un halo qui semblait la placer au-dessus des
mortels. Et lorsqu’on tentait parfois d’affaiblir sa fierté, on se
heurtait à une dignité souveraine. On se souvenait d’ailleurs des
paroles étonnantes qu’elle avait proférées juste après avoir appris que
sa dernière fausse couche la condamnait à la stérilité :
« Cette nouvelle est des plus réjouissantes car je n’aurai point ainsi
à souffrir que l’héritage de Nazim, cet héritage d’intelligence et de
cœur se transmette à d’autres enfants que Nasrimé. Ma fille
bienaimée réussira à incarner à elle seule les vertus de notre famille. »
Mais quand elle se retrouva le soir en tête-à-tête avec sa petite qui
n’avait alors que cinq ans, elle posa sa longue main blanche sur la
chevelure dorée puis d’une voix assourdie par la fureur, elle
murmura:
11 « Les imbéciles ! Ils n’ont rien cru à ce que je disais et pourtant je
ne mentais pas. Sais-tu ma chérie que Nazim Pacha n’aura jamais de
fils mais sais-tu également que j’en suis heureuse car pour un être de
mon sang, je n’aurais rien désiré de moins que le trône. Seulement
mon enfant, il en va tout autrement pour toi. J’ai caressé un rêve : Tu
seras Sultane, oui, Sultane comme Roxelane, la compagne adorée de
Soliman ! »
Sultane ! Un titre trop prestigieux pour une simple mortelle, avait
songé Nasrimé quelques années plus tard lorsque fidèle à son espoir,
la Circassienne avait élevé sa fille avec tous les soins réservés à une
future princesse. Pour cela, elle avait même fait appel aux
enseignantes de l’unique lycée de jeunes filles d’Istanbul, lycée créé
tout récemment par ordre impérial. Arrivée à la fleur de l’âge, la
jeune turque était devenue une personne accomplie qui pouvait citer
Saadi et Lamartine et savait raconter l’histoire de la plupart des
peuples soumis à la Sublime Porte. Cependant cette éducation si
soignée n’aurait pu suffire si la Circassienne n’avait tenté d’y joindre
un enseignement plus délicat, plus difficile : l’art d’être femme à
Istanbul, à l’aube du vingtième siècle.
« Retiens bien cela, ma chérie, confiait-elle à sa fille, le juste milieu
n’existe pas chez nous. Nous sommes destinées à être reines ou
esclaves. J’ai été esclave chez Abdul Hamid puis reine chez ton père.
Quand j’ai échoué dans les bras de Nazim, je n’avais pour moi que
ma beauté et mon désespoir. D’une jeune femme à la fierté brisée, il
a fait une dame, il a réussi à chasser de mon souvenir les images
pathétiques du harem de Yilzid. Oui, je sais ce que tu vas dire,
ajoutait-elle en posant ses doigts parfumés sur les lèvres qui
esquissaient une interrogation muette ! Tu te demandes comment j’ai
pu accepter sous mon toit la présence de ces créatures qui vivent
momentanément au harem. Mais c’est moi, ma chérie, qui suis allée
dénicher pour mon seigneur et maître les odalisques susceptibles de
combler ses désirs de conquête. Aucune de ces créatures n’a pu
devenir enceinte de ses œuvres. Comment s’est-il arrangé pour ne
pas insulter cette stérilité qui m’est venue après ta naissance, je me le
demande ! Mais je crois qu’il me chérit trop pour me blesser. Pour
lui, tu es et tu resteras l’unique héritière de son nom, de ses biens. »
Et comme Nasrimé se taisait, elle murmura avec douceur :
12 « Il faut apprendre ma chérie que les hommes sont comme des
enfants. Ils ont besoin de beaucoup d’amour et de dévouement. Si tu
comprends cela, tu seras reine, et non esclave ! »
Nazim s’était révélé meilleur que son ma

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