Nomade
271 pages
Français
271 pages
Français

Description

C'est du fond d'un hôtel sans âge où il est seul qu'un homme fait le bilan précoce d'une existence mal embouchée. Entre les heureuses réminiscences de son enfance en Algérie et de sa jeunesse dans le sud ouest, il évoque le déroulement de sa vie active. Dix ans plus tard, c'est le tourbillon des aventures en intérim, professionnelles ou sentimentales, et la précarité absolue. Des dizaines de milliers de kilomètres plus tard, une rencontre tardive et inespérée lui rendra l'espoir d'une vie simple...

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Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2011
Nombre de lectures 253
EAN13 9782296471634
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-55310-1 EAN : 9782296553101
Nomade
Du même auteur
Roman Les cris de papillons, Éditions Intervalles (épuisé), Sèvres, 1988
Rédactionnel
Qui vive,Hauts-de-Seine (92), 1988
Rédactionnel et illustrations
Banc public,Clamart, 1994
Bernard Chaigne
Nomade
Roman
L’Harmattan
Chapitre 1
No rush !
ous âgés d’une vingtaine d’années, ils fréquentaient le centre-ville, la T place de la Mairie et ses alentours, avec le stade à deux pas. Un bon quartier.
Laurent était un blond, plutôt blond, avec une coupe genre James Dean. Il avait une bande, formée de ses potes Avner et Habib, surnommé Biba.
Je les avais rencontrés par hasard dans un resto grec tenu par un marocain, Ali. Une sandwicherie orientale. C’était un soir d’hiver, il faisait nuit.
Dans la semaine suivante, après deux ou trois rencontres, nous avons fini par sympathiser. Il se trouvait qu’Avner était dans le même lycée et dans la même classe que ma nièce, dans la ville voisine.
Tout ce petit groupe avait ses trafics dans le parking de béton, sous le marché de la rue PVC, Paul Vaillant Couturier.
À cette époque, j’habitais dans un hôtel miteux juste en face du stade, un édifice vieux de deux siècles, avec ses murs de guingois.
C’était un hôtel pour rescapés de la grande solderie des années quatre-vingt-dix. Il y avait quinze locataires, tous des mecs. Au troisième étage, sous les combles, on avait trouvé la place d’en mettre deux.
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J’étais au premier, chambre 10, entre la 18 et la 15, au bout d’un couloir sombre dont les murs revêtus d’un papier peint aux tons beiges et bruns affichaient au moins quarante années d’usage. Au rez-de-chaussée, un panneau de bois étalait un avis jauni de la préfecture de Police au sujet des étrangers pour l’année 1942.
Au dessous, il y avait un bar. C’était le Baromètre.
Il faisait un coin de rue, avec un trottoir assez large pour y mettre deux tables de terrasse.
Voilà, c’était là.
Là que j’avais pris mes quartiers d’hiver, pour y devenir, par hasard, chauffeur dans la petite boîte d’unTosqui avait fait le taxi durant des années. Désormais il faisait tourner deux coursiers à moto ainsi que deux chauffeurs et garnissait le garage de son pavillon avec tous ses véhicules.
Comment revenir d’une longue histoire avec une fille trouvée, gagnée, puis perdue ?
Cinq ans de gain et la dèche au bout.
Un hôtel sans âge, un lit cassé, une piaule avec lavabo et gogues sur le palier.
Après ces années de vie auprès d’une femme à Grenoble, après cinq ans passés auprès d’un môme, un blondinet dont je n’étais pas le père, je cachais ma déprime au bar.
Je sirotais des whiskies et montais me coucher pour décaniller à six heures trente le lendemain matin.
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Je suis parvenu au transport comme un grand, tout seul, car après quinze années passées à faire le dessinateur industriel, je n’étais plus au point.
J’étais trop lent, ou obsolète, ou trop cher, à la conception assistée par ordinateur, même si j’ai toujours trouvé chez un patron une station de travail à nourrir. Des systèmes, j’en ai connu assez pour me retrouver un jour déclassé, dans les filets des ASSEDIC, qui me soutenaient le moral et tenaient à me garder en tant qu’abonné.
Lors de mon retour sur Paname, dans ma banlieue que j’avais connue minot, j’ai décroché un contrat d’intérim. Et durant deux ou trois semaines, je suis devenu monteur de stands sur les grands salons parisiens, dimanche compris.
Avec ma clé à cliquet, j’ai monté des stands à la porte de Versailles, puis à Villepinte, loin là-bas au nord, à cinquante bornes au bas mot. Puis à la Défense, où j’ai acquis une sérieuse expérience de la gratte en fin de salon. Dépouiller les stands des exposants dès la clôture était un sport pratiqué par l’ensemble des monteurs, démonteurs à l’occasion.
Mon équipier était un jeune venu des Charentes, qui créchait à Vanves. Nous débutions les journées à sept heures pour nous taper la route et souvent finissions à point d’heure.
En outre, tous ces magnifiques lieux d’expositions sont toujours dotés de comptoirs auprès desquels le moindre sandwich coûte le double de celui qu’on vous sert en ville.
Nous avons eu droit à un salon à la Défense, sous ce qu’on appelait le CNIT.
La discrétion, un peu comme la discrimination, avait poussé les exposants dans le sous-sol car c’étaient des négociants pour bar tabac.
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Nous avons eu le stand de la FDJ à monter.
C’était le plus beau, le plus grand, avec une estrade sur laquelle durant l’exposition s’animait un énergumène énormément énergique en malmenant son micro et, sur chaque pan du stand, des visages sur de hautes vitres gravés, des vestales visiblement peu vêtues, un verre de telle valeur que quatre de mes loyers suffiraient à peine pour l’acquérir.
A la fin de la manifestation, un dimanche soir, après avoir éclusé quelques gobelets de champagne, lampé quelques gorgeons de whisky et chouré quelques bouteilles, mon collègue a téléphoné au boss, afin de savoir que faire du verre gravé.
Il fallait s’en débarrasser.
Alors, muni de son marteau lancé à toute volée sur les vitres toujours debout, dans un fracas de crissements et d’éclats, il a brisé les vitrines.
A la suite de quoi, après avoir sué sérieusement, j’ai rencontré, par l’entremise de ma belle-soeur, un nouveau patron. Qui m’a embauché.
D’abord hébergé chez mon frère dans sa maison familiale, durant un mois et demi, j’ai trouvé ensuite un refuge par le truchement de ma mère. C’était chez le père Bracq, l’hôtel du Baromètre.
Je lui ai assuré que je travaillais en tant que chauffeur, sans préciser que ça datait de trois jours. Et j’ai hérité de sa piaule, satisfait comme un légionnaire de retour de Guyane ou de Djibouti.
Bien sûr, à mon grand âge, trente-huit ans, je ne pouvais qu’attirer les emmerdements.
Et, muni d’un patron, devenu chauffeur-livreur, je me suis démené.
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