On peut-tu rester amis?
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On peut-tu rester amis? , livre ebook

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Description

« Ça se fait pas, être amie avec son ex, s’exaspérait mon entourage. Ça t’empêche de passer à autre chose, tout le monde sait ça. » On aurait préféré que je l’enferme dans une longue boîte rectangulaire où il fait très noir et que je l’ensevelisse sous des pelletées de terre jusqu’à assourdir ses cris. Si quitter l’autre, ça voulait dire accepter de l’enterrer vivant, je n’étais pas douée pour quitter : j’avais beaucoup trop peur de la mort pour ça.
Est-il possible de rester ami avec son ancienne personne préférée ? Et surtout, est-ce une bonne idée ? L’ex de Philippe se pose la question, celle-là et plusieurs autres : peut-on encore se rendre de petits services comme plier un drap contour ou aller ensemble au IKEA ? L’insomnie peut-elle se régler en dormant la tête orientée vers le nord ? Les jelly beans au pamplemousse rose ont-ils un pouvoir anxiolytique ? Et la course dans tout ça : est-elle dangereuse pour le cerveau ? Tout cet afflux d’endorphines nous fait-il prendre des décisions qu’on pourrait regretter ?
Une comédie douce-amère pour tous les ex de ce monde. Et ceux à venir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 mars 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782764437247
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice

Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Marylène Plante-Germain
Révision linguistique : Sylvie Martin et Julie Therrien
Illustration en couverture : Cath Laporte
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Leclerc-Dion, Marie-Eve, auteur
On peut-tu rester amis? / Marie-Eve Leclerc-Dion.
(Littérature d’Amérique)
ISBN 978-2-7644-3722-3 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3723-0 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3724-7 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Collection Littérature d’Amérique.
PS8623.E399O5 2019 C843’.6 C2018-942597-0 PS9623.E399O5 2019

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2019
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2019

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2019.
quebec-amerique.com




L’indélébile
Paraît qu’il ne faut surtout pas aller se faire tatouer après avoir couru un marathon. Paraît qu’il ne faut pas, car on aurait alors un degré anormalement élevé d’hormones dans le cerveau – quelque chose comme un gros caillot d’endorphine. Et en attendant que ce pain de bonheur se dissolve, on serait porté à faire des choses qu’on pourrait regretter.


Le toit à dix mille dollars
— Y a quelqu’un d’autre, c’est ça ?
— Non, y a personne d’autre. Y a juste moi.
Philippe a semblé contrarié par ma réponse. Il a regardé l’écran de télé plasma quarante-deux pouces sur le mur du salon, les lattes du plancher en chêne, puis encore l’écran de télé plasma quarante-deux pouces. On aurait dit qu’il attendait sa réplique sur le télésouffleur.
— Tu peux pas me laisser : on vient juste de refaire le toit.
Sa dernière carte c’était ça : dix mille dollars de bardeaux d’asphalte. J’ai eu un peu pitié de lui.
— Je t’aime pus, Phil.
— Pogne tes affaires pis décalisse. Je veux pus jamais te revoir la face.
Voilà, c’était fait : je venais de mettre fin à une relation de six ans. Je venais de laisser l’homme avec qui j’avais une maison, une auto, un compte conjoint, une assurance-vie, un nouveau toit ; ma personne-contact en cas d’urgence. Je venais de quitter l’homme de ma vie et pourtant, je ne ressentais rien du tout. Je m’étais soudainement transformée en robot et ça ne m’avait pris que quatre heures, vingt-deux minutes et cinq secondes. Je n’avais désormais plus besoin de personne. Car quand on est capable de courir 42,195 kilomètres en quatre heures, vingt-deux minutes et cinq secondes, on est capable de faire n’importe quoi dans la vie. Seule.
J’ai ramassé quelques affaires en vitesse et les ai entassées dans mon immense fourre-tout IKEA bleu. J’avais l’impression de magasiner dans ma propre maison. Je prenais ce qui m’apparaissait important, crucial, j’avais des réflexes de gestion de crise. Téléphone, ordinateur, jeans, t-shirts, sous-vêtements, passeport, livres, déodorant, shampoing, brosse à cheveux, parfum, crème hydratante, carte d’assurance sociale. J’ai ajouté ma brosse à dents lousse sur le dessus et je suis partie. Recroquevillé sur notre divan en L, ses écouteurs sur les oreilles, Philippe avait l’air d’une petite bête meurtrie catapultée sur le bord de l’autoroute. Lui qui était d’ordinaire si fort, si bien ancré, il semblait misérable pour la première fois de sa vie. « Bienvenue dans le monde des humains ! » que j’avais envie de lui écrire sur une banderole colorée. Car normalement c’était lui le robot : toujours en contrôle de ses émotions, à n’avoir jamais peur de rien. Même pas de la mort.
— T’as pas peur de la mort, toi ? que je lui demandais parfois.
— Non, à quoi ça sert ? Quand je vais être mort, je vais être mort : je m’en rendrai pas compte.
— Dit de même.
Je lui en voulais d’être si rationnel. Ça me faisait sentir encore plus bibitte avec toutes mes peurs et mes angoisses. Mais cette fois-ci, il avait trouvé une adversaire de taille : la bibitte s’était métamorphosée en robot elle aussi. Fallait juste me donner le temps de comprendre le mécanisme de mon Transformer.


Les pots Mason
Un pot Mason d’un litre contient quatre onces d’alcool pour la non modique somme de dix-sept dollars. J’ai regardé longuement la liste des cocktails avant de décider le goût qu’aurait ma nouvelle liberté : purée de fruits de la passion, rhum Bacardi Superior, rhum Captain Morgan brun, jus de lime, sirop simple, grenadine et jus d’orange. La serveuse a pris la peine de mentionner que j’avais fait un bon choix. Ça m’a confortée dans tous mes choix. J’ai eu du mal à me retenir de ne pas caler le liquide rouge-orangé d’une seule traite avec ma paille tellement c’était bon et sucré. J’ai eu envie d’en commander tout de suite un deuxième – un Hurricane – pour ne pas avoir à patienter quand mon bocal ne serait plus qu’un hôtel de glaces. J’ai verbalisé cette pensée tout haut aux gens autour de la table. Tout le monde a ri. J’étais cette fille drôle, légère, spontanée. Mes nouveaux amis ne me connaissaient pas encore : je pouvais leur déballer ma nouvelle personnalité. À cette collègue « vraiment de party » avec qui je ne serais jamais sortie dans mon ancienne vie. À ce gars croisé en arrivant au bar qui est l’ami de l’ami de je ne sais plus qui. À ce couple ouvert qui a toujours sa table de réservée parce que, de toute façon, il l’a déjà payée plusieurs fois en vodkas soda. Devant ces visages moins familiers, je réussissais à me faire croire que j’étais quelqu’un d’autre : la fille qui parle aux inconnus dans le line-up des toilettes, celle qui connaît le barman par son nom, qui paye des tournées de shooters de Goldschlager, qui improvise une piste de danse où bon lui semble. On dit que le bonheur est déterminé à cinquante pour cent par les gènes d’une personne, j’étais cette fille qui a la bonne génétique. Qui aime la vie. Qui aime les gens. Qui sait profiter de chaque instant comme si c’était le dernier.
Alors que Stronger de Kanye West se mettait à jouer, j’ai remarqué un ami de Philippe au loin. J’ai vu qu’il m’avait vue. J’ai vu qu’il me jugeait. Ou était-ce moi qui me jugeais à travers lui ? Non. Nul besoin de jouer la veuve endeuillée pour sauver les apparences. Je n’avais pas encore trente ans. Ma vie ne faisait que commencer. Je la croyais pourtant tracée au Sharpie pour les cinquante prochaines années. Dessinée dans les moindres détails, les moindres vacances de Noël séparées entre deux familles, les moindres samedis gaspillés à magasiner un nouveau luminaire, les moindres séries regardées en mangeant devant la télé. Je sentais maintenant que j’avais droit à une deuxième chance. J’ai soutenu le regard de l’ami de Philippe, lui ai montré que je n’avais rien à me reprocher, me suis avancée vers lui sur le « Let’s get lost tonight » de Kanye, en levant les bras et en bougeant la tête, comme me le dictait ma nouvelle personnalité. Il a semblé mal à l’aise.
— Tu danses pas ?
— Quoi ?
— TU DANSES PAS ?
J’ai dû hausser le ton pour enterrer la musique.
— Ben y a pas vraiment de piste de danse.
— On s’en fout : la piste de danse, c’est toi qui décides où elle est. La vie, c’est une piste de danse. Faut que t’arrêtes de toujours t’en faire avec ce que les gens vont penser.
— Ouin, t’as peut-être raison…
— C’est Kanye qui a raison.
— Qui ?
— Kanye West. Quand il dit « What doesn’t kill you only makes you stronger ». C’est tellement vrai.
— C’est pas Nietzsche qui a dit ça ?
— Hum, ça me surprendrait.
— Je suis pas mal sûr que c’est Nietzsche.
— Je pense vraiment que c’est Kanye.
Convaincue de l’avoir éclairé sur le sens de la vie, je l’ai quitté – en dansant – pour aller commander un autre pot Mason. Deux, même. Bus le ventre vide. Puis la soirée s’est écoulée sans que je ne puisse plus jamais la narrer. Était-ce ça, vivre pleinement dans le moment présent ? Ne pas avoir peur d’en manquer des bouts puisque, inévitablement, ce serait bientôt du passé ? Ne pas voir ces fragments d’existence comme volés, mais bien vécus ?
J’ai attendu le last call , puis la brutalité des lumières du bar, puis les regards insistants du staff , avant de rentrer me coucher. J’ai titubé jusque chez mon amie Mathilde, qui m’avait offert son appartement en attendant que ma tempête conjugale passe. Elle irait vivre chez son chum du moment d’ici là – j’aurais fait la même chose pour elle. Mathilde était persuadée que la situation n’était que temporaire, que j’allais finir par revenir avec Philippe. Une étrange certitude venant de sa part, elle qui se refusait à prendre l’amour au sérieux. Elle ne croyait pas à la fidélité, ni qu’on puisse passer toute notre vie avec une seule âme – sœur ou pas. Mais je soupçonne que Philippe et moi, on était son couple phare. Ou qu’elle doutait de ma capacité à vivre seule. « Vous êtes faits l’un pour l’autre », qu’elle ne cessait de me répéter. Moi je lui répondais que plusieurs personnes étaient faites pour plusieurs personnes et que, parfois, le temps était venu d’effectuer une rotation. Bien entendu, il n’existait pas tant d’êtres que ça prédestinés à chacun de nous. Ça rendrait l’amour beaucoup trop banal, voire anecdotique. Mais il n’y en avait pas non plus qu’un seul. Ça rendrait la vie beaucoup trop

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