Paradis n° 202, Le : Roman Adulte

Louis-Philippe Ouimet

Description

Prix Rue-Deschambault, Finaliste 2005
Un appartement minuscule avec vue sur un stationnement. Un paradis perdu dans les Plaines. Une jeune femme part à sa conquête. Par nécessité. Par besoin. Isabelle aime un espace bleu, une ville en sol manitobain. Winnipeg l’accueille avec son froid mais surtout avec la chaleur de ses résidants. Parfait pour se refaire une vie. « Le sentiment de pouvoir repartir de zéro dans une ville qui doit repartir de zéro stimule Isabelle. Elle se sent en territoire vierge malgré les gros édifices et les quelques néons. Winnipeg est un champ de bataille pour les idées. »

Sujets

• Coming of Age
• Fiction

Informations

• Publié par: Éditions des Plaines
• Date de parution: 23 mars 2003
• Nombre de lectures: 3
• EAN13: 9782896113156
• Langue: Français

Extrait

Les ditions des Plaines remercient le Conseil des Arts du Canada et le Conseil des Arts du Manitoba du soutien accord dans le cadre des subventions globales aux diteurs et reconnaissent l aide financi re du minist re du Patrimoine canadien (PADI et PICLO) et du minist re de la Culture, Patrimoine et Tourisme du Manitoba, pour ses activit s d dition.
uvre sur la couverture : " Skyline of Winnipeg from Saint Boniface , Marcien Lemay Conception de la maquette couverture : Relish Design Mise en page : Plaines Imprimerie : Hignell Printing, novembre 2004
Catalogage avant publication de Biblioth que et Archives Canada
Ouimet, Louis Philippe
Le Paradis n 202 / Louis Philippe Ouimet.
ISBN 2 89611 008 9
I.Titre.
PS8629.U45P37 2004 C813 .6 C2004 906827 X
L P Ouimet, ditions des Plaines, 2004 382, rue Deschambault Saint Boniface (Manitoba) R2H 0J8
D p t l gal : Biblioth que nationale du Canada, Biblioth que provinciale du Manitoba et Biblioth que nationale du Qu bec.
Le Paradis n 202
roman
Louis Philippe Ouimet

Plaines
Janis, le b b bison blond. Ma muse. Pour la petite Marianne, le b b bison brun. Kakhou.
PRÉLUDE
Isabelle n existe pas. Ce n est pas un personnage mais plut t un mirage. Perdu dans le d sert du sommeil, j en r ve toutes les nuits. Est ce une folie de mon inconscient ou un d sir inassouvi Sans aucun doute les deux. J ai tant essay de la faire vivre travers les pages qui suivent. Son histoire est un songe urbain. Comme le docteur Frankenstein, je veux que cette cr ature se l ve pour conqu rir un nouveau monde.
J ai relev le d fi de vous la pr senter dans toute sa solitude. l re d Internet et de la t l r alit , les communications deviennent de plus en plus vides. Les gens n ont plus rien se dire. Peut tre est il temps qu ils se parlent eux m mes.
Imaginez. Une jeune femme de trente ans pour qui n importe quel homme laisserait tout tomber. Un corps svelte et agile. Un esprit alerte n importe quelle heure du jour. La perfection, le
" mod le de l ann e annonceraient certains concessionnaires automobiles. Tous les musiciens vous diraient que ses longs doigts pourraient faire honneur n importe quel piano. Les camionneurs n oseraient m me pas la regarder, de peur de souiller sa puret . La plupart des grands cerveaux de sa g n ration en veulent son audace. Cette cr ature a tout ce que peut d sirer un homme ou une femme. Elle r gnerait sur New York si seulement elle n tait pas n e Montr al. Malgr tout, elle est la recherche du bonheur. Un bonheur de plus en plus difficile trouver en ce nouveau mill naire. Cette femme doit communiquer avec elle m me.
Imaginez. Une ville utopique, mais o va et viennent des milliers de r sidants. Personne ne sait vraiment pourquoi ces gens y restent. Des mes flirtent dans ce grand espace tout en ne se souciant gu re de son avenir. Pourtant, entre le b ton et la splendeur des champs de bl , c est un endroit tonnant. Les capitalistes ont r ussi s y frayer un chemin malgr son architecture similaire celle d anciens tats communistes. Depuis sa fondation, il y a plus de 130 ans, cette ville de 700 000 mes meurt chaque jour. " Manque de vision , disent les nouveaux arrivants. Car le potentiel est l pour que ce village devienne une capitale artistique et conomique. Je suis tomb amoureux de cet endroit. Je lui pr te mon mirage. Il me donne une partie de son me.
Imaginez. La rencontre d Isabelle avec cette ville. Deux entit s la recherche d un apaisement. Deux entit s qui peuvent conqu rir le monde.
J entends les rumeurs de la ville. D une ville. Winnipeg.
Je suis Fils du vent.
PREMIER MOUVEMENT
1.Vol plan
Le ciel se d chire au dessus du Canada. C est la faute des moteurs r action. Ils produisent une musique m canique, un grand d sordre qui d range les anges. M me les nuages ne peuvent plus tre tranquilles. Mais personne n y pr te attention, puisque les pi tons ne daignent lever la t te pour regarder autre chose que le macadam.
Que sera votre vie quand le silence entre les sons se remplira de cris
(Pierre Alferi, Que sera votre vie, interpr t par Kat Onoma)
Passant inaper u malgr sa bruyante pr sence, un avion en provenance de Montr al emporte avec lui un flot de voyageurs. Ils ont tous leur histoire. Des hommes, des femmes, constamment la recherche de bonnes affaires, d un repos bien m rit ou d une folie passag re. Entass e dans un boeing d mod repose cette foule fatigu e par une p nible escale Toronto et par une autre semaine de travail. Parmi tous les passagers, seuls restent veill s un entrepreneur la mine s v re, un tudiant mal habill et un artiste d sabus qui se partagent la deuxi me rang e. Le grand sommeil est si d rangeant pour ces compagnons de fortune. Acceptant les nombreux sourires des h tesses en service et scrutant le ciel travers le hublot pour y apercevoir le noir de la nuit, tous trois respectent le silence impos par le sommeil des autres voyageurs. Ce petit tableau n a rien d tonnant. Pas de place pour les couleurs. C est le r gne des lumi res tamis es et de l air recycl .
Seul le cliquetis du chariot de boissons roulant dans l all e vient troubler le doux repos d Isabelle. Presque coupable de s tre livr e ainsi au sommeil, elle redresse la t te en sursaut, le hublot est froid, mais le silence environnant la rassure. En soupirant, elle d gage sa nuque de ses magnifiques cheveux bruns, objet de la jalousie des femmes qu elle rencontre et de la grande convoitise de tous les hommes. Elle est belle et fragile. Mais si forte en m me temps. C est clich . Pas grave, Isabelle aime la photographie. Tout est dans la pose.
Ses yeux font aussi r ver malgr leur clat brun tre. C est qu ils ont toujours voulu voir ce qu il y avait de merveilleux chez les autres. Difficile cependant d apercevoir le grandiose. Quelquefois, le regard d Isabelle tombe dans le vide. Les gens hypnotis s par sa gr ce perdent leur identit . Ils ne veulent que la s duire et s approprier une partie de son monde. Un personnage, un clown des temps modernes, remplace leur me. Pour la jeune femme, l amour est mort. C est maintenant le jeu de l amour. Le r le de l adolescente attard e, ce n est d cid ment plus pour elle.
Remontant nouveau la couverture sur ses paules, Isabelle n ose pas trop bouger par souci de ne pas r veiller sa voisine trop bavarde, ou encore, pour ne pas entendre nouveau le cri du bambin assis devant elle. Ses gestes sont limit s, mais ses pens es s envolent. Le corps laisse place l esprit. Ses lunettes noires enfonc es sur le nez, elle tente de s expliquer le geste qu elle a pos il y a quelques heures peine : l achat d un billet aller simple pour le centre des Prairies canadiennes. Elle a d j entendu le nom de la ville qui l attend, sans toutefois pouvoir y rattacher une vision. Son aventure n est pas une escapade, mais une fuite en direction de La Terre du Milieu. Peut tre que les gens y sont plus sympathiques. Elle a cette urgence de retrouver une beaut qui n est pas la sienne. La cr ation d un nouveau monde. Un monde secret qui n existe que lorsque les p les n gatifs et positifs se rencontrent. Isabelle veut d fier Cronos et retourner dans le pass .
Pourquoi Alexandre avait il t aussi cruel Cruel avec un grand C. Ils taient si amoureux pendant ces deux ann es de vie commune dans leur minuscule appartement de la rue Saint Denis. C est avant qu elle ne r alise qu il l entra nait dans une voie sans issue. Un trou noir qui ne d bouche sur aucune autre galaxie. a commence par des baisers et a finit en brasiers. La torture psychologique que lui infligeait Alexandre Le Grand n tait tout simplement plus supportable. Du reste, il ne se donnait m me plus la peine de la conqu rir, pr f rant d autres territoires. Le grand jeu de l amour. Isabelle devait se faire une raison, sinon elle la perdrait pour toujours. " La lessive, le m nage, la tendresse sens unique et les mauvaises caresses, je devenais reine au foyer. Comme l poque de ma m re , pensait elle en souriant. Car Isabelle n en pouvait plus de se faire reprocher constamment sa soif de vivre, son go t de la solitude et sa passion pour la musique. La jalousie est elle l ennemie de l amour ou partie int grante du jeu Elle se sentait endormie par son fianc , un peu comme si le temps n tait qu une pause publicitaire entre deux feuilletons.
La t l vision rit du temps de millions de t l spectateurs en leur imposant un horaire. La fin du monde n est pas 19 heures.
Une chose est certaine, Isabelle tait d sesp r e. Elle ne voulait pas conna tre le destin que lui tra ait son roi. Avait elle t l che de le quitter avec une simple note coll e au r frig rateur et un ch que totalisant la majeure partie de ses maigres conomies
Je l ve l ancre. Je pars au loin sans l intention de revenir. Prends bien soin de Miles. C est une bonne chatonne. Je te laisse un peu d argent pour payer le loyer des six prochains mois. Je te quitte avec ce que j ai de plus pr cieux : moi m me. Ne me cherche pas. Je me suis perdue. Amour, paix et lucidit .
La trentaine entam e, Isabelle d cide de se faire deux cadeaux. Premi rement : quitter le Qu bec sans laisser de trace. Deuxi mement : se procurer une guitare acoustique pour ne pas tre trop seule.
Elle a un petit cahier divis en deux. Dans la premi re partie ses joies, dans la deuxi me ses peines. Isabelle classe tout par sentiment, au diable l ordre alphab tique ou num rique. Depuis les derni res semaines, c est surtout dans la derni re partie de son livre qu elle griffonne ses r flexions. Pas facile de se s parer de ses amis et de recommencer la case d part. Pas facile de quitter son emploi de journaliste apr s huit ans de travail pour une multinationale au bord de la faillite. Les sondages lui donnaient cependant raison. D s sa sortie de l universit l ge de 22 ans, ses apparitions au