Quatuor pour cordes sensibles
39 pages
Français

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Quatuor pour cordes sensibles , livre ebook

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Description

Une histoire à quatre temps. Quatre humains qui refusent de se mouler aux modes, aux vues de leur époque. Ils dévoilent en vibrations orageuses, amères, ironiques ou tendres leur sensibilité écorchée et leur ardeur à s’affranchir des modèles imposés et des idées en vogue.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 février 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782896992997
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Quatuor pour cordes sensibles

De la même auteure
 
 
 
 
 
 
 
Chez le même éditeur
À ta santé, la Vie ! , trilogie romanesque
Tome i : Cognac et Porto , 2001
Tome ii : Café crème et Whisky , 2003
Tome iii : Un doigt de brandy dans un verre de lait chaud , 2004
Et les regrets aussi... , roman, 2006
Passerelles, poésie , 2008
Du chaos pour une étoile , roman, 2009
Le fol aujourd’hui , poésie, 2010
Villery , trilogie romanesque
Tome i : Du chaos pour une étoile , 2009
Tome ii : Avant que ne tombe la nuit , 2011
Tome iii : Le long hiver du jardinier , 2015

Michèle Matteau
 
 
 
 
 
 
 
 
Quatuor pour cordes sensibles
 
Nouvelles
 
 
 
 
 
 
 
 
2000
Collection Vertiges
L’Interligne

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
 
Matteau, Michèle, 1944-
Quatuor pour cordes sensibles
 
(Vertiges)
ISBN-13 : 978-2-921463-37-9
ISBN-10 : 2-921463-37-7
 
I. Titre. II. Collection : Vertiges (Vanier, Ont.)
 
PS8576.A8294Q37 2000C843’.54 C99-901614-8
PQ3919.2.M37Q37 2000
 
 
 
 
 
 
 
L’Interligne
435, rue Donald, bureau 337
Ottawa (Ontario) K1K 4X5
613 748-0850
communication@interligne.ca
interligne.ca
 
Distribution : Diffusion Prologue inc.
 
ISBN 978-2-89699-299-7
© Michèle Matteau 2000
© Les Éditions L’Interligne 2000 pour la publication
Dépôt légal : 1 er trimestre de 2000
2 e tirage : 1 er trimestre de 2004
3 e tirage : 1 er trimestre de 2010
Bibliothèque et Archives Canada
Tous droits réservés pour tous pays

À Guy,
pour ce temps qui est le nôtre

 
 
 
Tout feu
tout flamme
1917
I
 
 
 
 
 
 
 
J ’ai attendu qu’elle soit endormie pour partir. Ses derniers mots m’ont décidée à fuir. Je venais de perdre ma seule alliée.
En quittant la chambre des enfants ce soir, elle n’est pas venue m’aider à faire mon lit sur le divan du salon comme elle le fait toujours. Habituellement, quand les garçons et la petite Kathy sont couchés, quand papa est bien endormi, elle me retrouve à la cuisine.
Elle feuillette mes livres de classe pendant que je termine mes devoirs. Elle m’interroge sur l’école. Elle est fière de moi, de mes résultats, des prix que je remporte à chaque fin d’année scolaire. Ces livres reçus en récompense, elle les dévore autant que moi. Quand j’ai terminé mon travail, elle baisse un peu la lampe et nous causons. J’aime quand nous discutons comme ça toutes les deux. De tout et de rien. Comme des amies. Elle me fait répéter ce que dit sœur Edna dans les cours d’histoire et de géographie. Elle écoute en me dévorant des yeux. Elle ose même quelques questions en science, une matière que j’adore. J’aime lui faire part de mes découvertes, de mes connaissances, de mes interrogations. Elle me parle toujours en français dans ces moments-là. Je lui réponds en anglais : je fais tellement de fautes en français. Elle m’appelle Marie quand nous sommes ainsi, rien que nous deux. C’est comme un code, un secret entre nous. Dans la famille ou à l’école, chacun m’appelle Ann. En fait, je m’appelle Marie-Ann.
Mais ce soir, maman s’est longtemps attardée dans la chambre des enfants ; elle a même pris le temps de revêtir sa robe de nuit avant de venir me rejoindre. J’avais déjà rangé mes cahiers, installé mes couvertures. J’avais roulé mes vêtements de nuit et je les tenais tout contre moi pour les réchauffer. Il fait toujours humide dans la maison. Dès l’automne, il fait froid. À l’hiver, nous gelons.
Quand elle a ouvert la porte de sa chambre, j’ai pu entendre les longs ronflements de papa. Elle est venue s’asseoir en face de moi dans la pièce sombre et froide. Elle avait couvert ses épaules d’un châle usé. Elle toussait, hésitait et son visage étiré s’était laissé envahir d’une tristesse immense.
La dispute du souper m’avait assaillie comme une mauvaise odeur dans un jardin fleuri. Elle persistait en moi et j’en avais encore la nausée. Les disputes, on ne sait jamais comment elles commencent. On ne sait jamais quel mot, quel geste, va faire jaillir une étincelle et exploser les émotions.
Rien ce soir ne laissait supposer une telle fin de repas. John et Peter avaient fait leurs devoirs sans que maman ait eu à les rappeler à l’ordre ; ils avaient même rentré le charbon ! Kathy avait mangé tout ce qui était dans son assiette, ce qui est rare depuis qu’elle a été malade. Maman, qui est toujours plus fatiguée en fin de journée et souvent impatiente, semblait presque heureuse aujourd’hui. Elle savourait à l’avance le plaisir de chacun de nous à la vue de la surprise qu’elle avait préparée. Non, aucun éclat n’était à prévoir ce soir. Je n’en voulais pas. Surtout pas ce soir. J’étais si heureuse. J’avais plein de projets en tête...
— Il avait un peu bu ce soir, Marie, me dit-elle en s’asseyant dans le vieux fauteuil aux ressorts aplatis.
— Comme tous les soirs, maman. C’est pire depuis que l’on a fermé les tavernes.
— Ton père travaille fort, Marie.
— N’essayez donc pas toujours de l’excuser !
— Essaie de comprendre, ma fille.
Maman parlait lentement, en cherchant ses mots :
— Il a besoin d’un peu de repos après l’usine. Je suppose... Enfin... Il n’a pas la vie facile, tu sais.
Elle laissait traîner les phrases, comme si elle n’avait pas vraiment le goût de les terminer. Comme si elle avait cessé d’y croire avant la fin.
Je hais ce ton résigné qu’elle prend quand elle parle de papa. Je hais quand elle s’incline ainsi devant ses désirs ou ses gestes, comme devant la fatalité. Je sens la rage monter en moi. Mon cœur bat plus vite. Je serre les dents. Je me sens comme un volcan prêt à entrer en éruption.
Au fond d’elle-même, maman n’est pas cette femme résignée. Je le sais. Je connais ses rêves de jeune fille, ses espoirs quand elle a quitté la Baie Sainte-Marie à dix-huit ans. Elle voulait sortir de la misère des campagnes. Elle a trouvé celle de la ville. Pauvre maman ! Mais ce qu’elle n’a pas réussi pour elle-même, elle veut le réussir à travers nous.
Contrairement à papa.
Lui, il se dit né pour la misère. Il dit qu’il faut accepter son sort, reconnaître son rang et savoir s’en contenter. Comme si on naissait pour le bonheur ou pour le malheur. Comme si tout était écrit dans un manuel et que nous n’avions, chacun de nous, qu’à suivre les instructions pour vivre notre vie !
Maman, elle, nous encourage. Elle se fait forte pour nous. Elle nous incite à aller plus loin, à croire en nous-mêmes. Elle nous pousse à réaliser nos rêves. Des rêves bien à nous. Tant pis s’ils ne ressemblent pas tout à fait à ceux de sa jeunesse.
Ce soir, maman n’avait plus la même force ; elle avait perdu toute la joie que j’avais lue dans ses yeux au souper quand elle avait sorti le gâteau d’anniversaire de l’armoire.
— Bon anniversaire, ma grande ! avait-elle dit en m’embrassant.
Deux heures plus tard, ce n’était plus la même femme qui était là, assise devant moi. Elle avait troqué son regard enjoué pour le regard abattu, résigné des O’Reagan. Celui de mon père, celui de ses frères, et celui d’Élizabeth, ma cousine.
— Il vieillit vite. Il n’a plus la force d’autrefois, poursuivait maman.
Jamais, avant ce soir, elle n’avait approuvé mon père dans ses excès de colère. Elle s’était toujours contentée de rester muette. Pourquoi ce soir changeait-elle d’attitude ? Regrettait-elle son silence de tout à l’heure quand mon père m’avait intimé l’ordre de quitter le couvent dès vendredi, juste avant les examens de Noël ?
Maman continuait d’une voix faible, amère et traînante :
— On a besoin d’aide, Marie. Comprends donc. Depuis que Freddy n’est plus là, il n’y a que ton père pour mettre du pain sur la table.
— Je veux juste finir mon année, maman. Dans six mois, j’aurai mon diplôme et je pourrai entrer à l’école des infirmières. Ça ne vous coûtera pas un sou, ce cours-là. Sœur Edna me l’a assuré.
Je suppliais presque.
— J’ai besoin de ton aide, Marie. Kathy nous a coûté cher en médecin et en médicaments l’été dernier.
— Dans deux ans, je vous aiderai encore bien mieux. Je vous sortirai de la misère. Un salaire d’infirmière, c’est quand même mieux que le salaire de la Dominion Textile.
— Nous avons besoin de toi, maintenant.
Elle s’était levée. Elle se tenait bien droite devant moi. Sa voix était devenue ferme, presque autoritaire :
— Tu as dix-sept ans, Marie. L’hiver est presque là. Nous n’avons plus d’argent pour payer le charbon. À peine de quoi pour la nourriture. Si Freddy n’avait pas laissé ses vêtements ici avant de s’enrôler, je n’aurais rien pour habiller John et Peter cet hiver. Ton père a raison. Tu dois entrer à l’usine pendant qu’ils embauchent encore.
— Mais, maman... si vous avez tant besoin d’argent, que papa arrête de boire !
— Je t’en prie, ma fille, lança-t-elle avec des flammes dans les yeux.
— Vous n’êtes pas fatiguée de le voir rentrer ivre, tous les soirs ?
— Je ne veux pas entendre un mot de plus.
Ses traits s’étaient tendus. Elle se mordait les lèvres, ses doigts tordaient la laine de son châle.
— Pourquoi, moi ? Les garçons sont assez vieux pour aider...
— Parce que depuis que Freddy est parti, depuis qu’il nous a abandonnés, c’est toi, l’aînée. Parce que tu as maintenant dix-sept ans et qu’il le faut.
Elle grelottait tout à coup. Ses mains s’agitaient nerveusement. Elle retenait son châle plus fermement sur ses épaules pour calmer ses tremblements.
— Pourquoi, maman ?
Je pleurais, j’étais secouée de sanglots. Les larmes mouillaient mes cheveux, les collant sur mes joues :
— Pourquoi ça m’arrive à moi ?
— There is

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