Quel est votre nom ?
142 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Quel est votre nom ? , livre ebook

-

142 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Paris, les années 80. Un couple de jeunes étudiants, Pierre et Marie, héritent du journal de leur professeur de philosophie et père spirituel. Animés du désir d'en savoir davantage, ils enquêtent et rencontrent plusieurs protagonistes qui mettent au jour la complexité et les paradoxes de leur mentor. Comment a-t-il pu devenir antisémite et pétainiste en 1940 ? Comment expliquer son soutien à Dora Bruder, qu'il a hébergé dans un Paris occupé ? Pourquoi rejeter la psychanalyse de Lacan et suivre une analyse avec lui ? Pourquoi a-t-il légué son journal à ses étudiants ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mars 2015
Nombre de lectures 63
EAN13 9782336370880
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Déjà parus
Rue des Écoles
Le secteur « Rue des Écoles » est dédié à l’édition de travaux personnels, venus de tous horizons : historique, philosophique, politique, etc. Il accueille également des œuvres de fiction (romans) et des textes autobiographiques.
Déjà parus
Mbuyi Mizeka (Alfred) L’enfant noir d’Afrique centrale , 2015. Alain Nesme, Léa la Sainte , 2015.
Pham Ngoc (Lân), De père inconnu , 2015.
Duhameaux-Lefresne (May), Le sourire du père , 2015.
Brousse (Odette-Claire), Sortir de chez soi , 2014.
Beuchée (Laurent), Un regard de Haute-Bretagne , 2014.
Lemaître (Vincent), Risques salés , 2014.
Micaleff (André), Heimat , 2014.
Michelson (Léda), Les corps acides , 2014.
Leclerc du Sablon (Françoise), Derrière la seizième porte , 2014.
Nicole-Le Hors (Jacqueline), La croix ou la bannière , 2014.
De l’Estourbeillon (Hubert), La Cité des hauteurs, 2014.

Ces douze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent.
La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr
Titre

Thierry ALBERT



Quel est votre nom ?
*
roman
Copyright




















© L’Harmattan, 2015
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris

www.harmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

EAN Epub : 978-2-336-72099-9
Dédicace

À mon père
Quel est votre nom ?

Dans la salle d’attente d’un notaire de Deauville, ils tentaient de tuer le temps. Une aquarelle à la signature illisible suscitait la curiosité de Pierre tandis que Marie parcourait un magazine de mode. Après ce qui leur a semblé être des heures, le notaire vint enfin les chercher. Il était de grande taille et portait un costume sombre. Qu’allait-il leur apprendre ? Pierre et Marie ne connaissaient personne à Deauville.
Maître Wolf les fit asseoir dans son bureau austère et leur annonça :
« Henry Garnier est mort. »
Il marqua une pause, le temps de laisser Pierre et Marie retrouver leurs esprits, avant de poursuivre d’un ton solennel : « Henry Garnier vous lègue un manuscrit intitulé : “ le journal de ma vie” ».
Pierre et Marie ne posèrent aucune question et sortirent de l’étude en se tenant la main. Ils s’accrochaient l’un à l’autre pour ne pas tomber dans le vide. Le visage humide de pluie et de larmes, ils déambulaient dans Deauville. Au hasard des rues, le casino apparut baigné dans une vapeur blanchâtre. Ils étaient deux ombres dans un monde évanescent.
Dans la salle de jeux, Pierre lança sur le tapis vert en direction d’un croupier trois plaques de cent francs en annonçant d’une voix ferme : « trois, neuf et seize par cent ». Marie était née le 16 mars 1959.
Dans un brouhaha diffus, des joueurs attardés s’empressèrent de dicter leur annonce jusqu’au moment des quatre mots ultimes : « rien ne va plus », lâchés par l’un des croupiers. À cet instant précis, un étrange silence s’installa. Les yeux de Pierre étaient rivés sur le trajet de la boule. Pour un court instant, aveugle au reste du monde, il ne fit qu’un avec cette boule en ivoire. Était-ce préférable à l’ombre qu’il était devenu en apprenant la mort d’Henry ?
Bientôt, la boule ralentit, rencontra un dernier heurtoir et finit par se loger dans une case. « Trois, noir, impair et passe » annonça le chef de table.
Pierre regarda Marie. Elle souriait. Ils sortirent de leur torpeur, car ce qu’ils avaient attendu s’était produit. Les Dieux redevenaient cléments.
Ils quittèrent la salle de jeux et suivirent le couloir souterrain qui mène aux salons de l’hôtel Normandy. Le sol était revêtu d’une épaisse moquette bleu-azur. Les murs étaient recouverts de photos dédicacées d’artistes ayant séjourné à l’hôtel. Pierre s’arrêta devant une photo qui montrait Claude Lelouch en compagnie de Jean-Louis Trintignant et d’Anouck Aimée. Cette photo datait d’une vingtaine d’années, prise sans doute au moment du tournage d’un homme et une femme. Tandis que Lelouch et Trintignant arboraient un sourire, Anouck Aimée paraissait triste.
À peine arrivé dans la chambre, Pierre s’affala sur le lit pendant que Marie retira de son sac à main le manuscrit d’Henry. Elle commença à en lire le début, mais Pierre l’interrompit. Il ne tenait pas à ce que ce journal soit lu du début à la fin comme si c’était un roman acheté dans une librairie. Henry leur avait légué son manuscrit, à eux et à personne d’autre. Cela devait avoir un sens, et Pierre savait que la découverte de certaines vérités était le fruit du hasard. Ainsi, il proposa à Marie de lire de temps en temps quelques articles et voir où cela les mènerait.
Elle acquiesça, ouvrit le journal vers la fin et commença à lire.
10 septembre 1969
Proverbe juif qui m’a fait presque sourire : « un enfant sans père est un demi-orphelin, un enfant sans mère est un orphelin entier. » Serais-je orphelin plus qu’entier ? Oui, trop plein de vide, trop plein d’absences, trop plein de larmes.
Je n’ai jamais prononcé les mots de papa et maman et je pleure. Ce sont les larmes de l’absence. Personne n’y peut rien, même pas moi.
15 septembre 1969
Je suis de nulle part. Est-ce pour cette raison que le monde m’apparaît comme étrange et étonnant ? La présence des choses au monde ne me paraît pas évidente. Tout cela pourrait ne pas être. Ma tête devient lourde, j’ai le vertige. Et, personne pour en parler… « Énigme moi-même et avoir des exigences ? » Oui, mon cher maître Friedrich, j’ai l’exigence d’aimer et d’être aimé.
Marie continua en lisant le début du journal :
2 mai 1932
Ce matin, j’ai fait mes adieux aux Sœurs de l’orphelinat. Vingt années passées dans ce lieu… J’ai pleuré dans les bras de Sœur Izard. Que vais-je devenir ?
Marie referma le manuscrit. Pierre sanglotait. Elle lui demandait ce qui lui arrivait, mais il ne pouvait pas parler. Ce n’était pas le moment de poser des questions. Il finit par s’apaiser.
*
Pierre vivait dans une studette située au sixième étage d’un immeuble sans charme de la rue des Prêtres Saint Séverin. C’était un petit appartement très sombre éclairé par une seule fenêtre d’où il voyait les gargouilles surplombant le cloître de l’Église Saint Séverin. Certains jours, elles semblaient si menaçantes qu’il laissait les rideaux fermés. Depuis un an, il vivait avec Marie.
Pierre et Marie suivaient ensemble des cours de philosophie à la Sorbonne. Trois ou quatre fois par semaine, ils longeaient le cloître puis le presbytère, traversaient le boulevard Saint-Germain puis prenaient à gauche la rue de Cluny pour arriver dans la rue des Écoles. À l’angle de la rue des Écoles et de la Sorbonne se trouvait une pharmacie, à l’allure vieillotte avec ses boiseries du dix-huitième siècle, où Marie allait acheter des barres Ovomaltine. « C’est ma cocaïne ! », disait-elle avec un sourire malicieux.
Le pharmacien passait beaucoup de temps avec chacun de ses clients si bien qu’ils pouvaient attendre une vingtaine de minutes avant que vienne leur tour. Vingt minutes, c’était le temps nécessaire pour que les traces d’éther présentes dans l’air de l’officine finissent par les enivrer. Il arrivait alors à Marie de danser le charleston dans la rue de la Sorbonne ; Pierre l’observait en riant, en imaginant Joséphine Baker, la Caroline du Sud, Charleston. Il répétait plusieurs fois en détachant les syllabes : char-les-ton, char-les-ton… et il se mettait lui aussi à danser.
Ensuite, ils traversaient la cour d’honneur de la Sorbonne pour rejoindre l’amphithéâtre dans lequel avaient lieu presque tous leurs cours.
C’est dans cet amphi qu’ils se sont rencontrés pour la première fois. Pierre s’était trouvé par hasard à côté de Marie au début d’un cours sur le Banquet. Il n’avait pas osé lui parler. Sa beauté l’intimidait.
Ce fut Marie qui lui proposa de boire un verre dans un des cafés de la Place de la Sorbonne. Pierre commanda un double serré qu’il but d’une traite. Était-ce la caféine contenue dans cet expresso qui lui permit de parler avec force détails de la thèse qu’il s’apprêtait à soutenir ?
Le laïus de Pierre à peine terminé, Marie lui demanda :
« Comment s’appelle ton directeur de thèse ? » Il répondit sans méfiance :
« C’est Dunaud.
– Dunaud, Dunaud… ce n’est pas plutôt Dunez ? » Elle avait osé. Il fut comme pétrif

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents