Rachel au hockey
107 pages
Français

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Description

Rachel a commis une grave erreur et rencontre Marc dans un bistro pour s’excuser. Pour qu’il puisse comprendre son geste, c’est toute sa vie qu’elle doit lui raconter.
D’abord sa jeunesse, bercée des analyses des commentateurs sportifs et des cris de la foule ; son adolescence de mouton noir au sein d’une famille au coeur tatoué bleu-blanc-rouge dont l’existence entière s’articule autour des patinoires et des calendriers de matchs ; et sa haine lentement développée pour le hockey. Puis son exil en Europe, là où les contes de fées sont de nouveau possibles ; sa quête de chefs-d’oeuvre de l’histoire de l’art ; et sa collection de châteaux débusqués dans la solitude. Finalement, son retour en sol québécois et les effets de son voyage sur sa nouvelle vie.
Qu’a donc fait Rachel de si terrible ? Pour le savoir, il faudra attendre la toute fin de ce roman vif et drôle, dans lequel les rêves de princesses tout comme ceux de Ligue nationale se heurtent à la réalité, au son d’une ballade de Paolo Noël.
Après tout, une adorable fillette en justaucorps, collants blancs et petits chaussons qui s’amuse à tournoyer sur des tapis de gymnastique en se prenant pour une princesse, c’est tout aussi honorable (et beaucoup moins cher en équipement) qu’un joueur de hockey, non ? En fait, ma famille n’a jamais exigé de moi que je joue au hockey mais, suivant la logique du gros bon sens, on s’attendait seulement à ce que je sois normale face au hockey, c’est-à-dire complètement cinglée. À noter que la gymnastique a été le seul sport que j’ai pratiqué, mon intérêt pour les sports autant que mes aptitudes sportives se dégradant d’année en année jusqu’à me transformer en véritable courge à l’âge adulte. Je sais patiner, ça oui, sauf que je suis incapable d’arrêter, d’aller de l’arrière ou de tourner. Mais aller vers l’avant, ça je peux. J’avance, donc je patine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 septembre 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782764430118
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice

Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Julie Villemaire
Révision linguistique : Sylvie Martin et Élyse-Andrée Héroux
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Les paroles de la chanson Souvenir d’un refrain d’amour ont été reproduites avec l’aimable autorisation de Paolo Noël.

Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
L’auteure tient pour sa part à remercier le Conseil des arts du Canada pour son soutien financier.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Vertefeuille, Anne-Marie
Rachel au hockey
(Latitudes)
ISBN 978-2-7644-3024-8 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3010-1 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3011-8 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Latitudes (Éditions Québec Amérique).
PS8643.E774R32 2015 C843’.6 C2015-941555-1 PS9643.E774R32 2015

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2015
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2015

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2015.
quebec-amerique.com



RÉCHAUFFEMENT
Ce que j’ai fait est inacceptable et j’en prends l’entière responsabilité. Il n’est pas question pour moi de tenter de minimiser ma faute ou de me défiler à l’aide de défaites évasives qui tiennent avec de la bouette. Je ne suis pas là pour ça. Je suis là parce que j’ai fait une chose terrible et que je veux demander pardon. Cela vient avec le risque de recevoir, de l’homme que j’attends depuis plus d’une demi-heure, une décharge d’insultes assez forte pour me pulvériser. Idéalement, une telle chose n’arrivera pas. Ça serait étonnant de sa part compte tenu de sa personnalité peu encline à la méchanceté. Mais, après ce qui s’est passé, comment savoir. Et idéalement, je cesserais d’être aussi tendue et retrouverais un semblant de calme. Je me sers d’un journal pour dissimuler au reste du monde mon agitation. J’essaie de le lire, de rester concentrée au lieu de me liquéfier sur ma chaise et de m’écouler par le drain du plancher. Le système de santé, les salles d’attente qui débordent, han han, oui, quoi déjà ? Je relis la même phrase quatre fois, mais elle s’efface dès que je passe à la suivante, comme si se trouvait à la place de mon cerveau un Etch A Sketch constamment secoué dans tous les sens.
Il ne me reste plus que des micro-ongles lorsque Marc me rejoint à l’intérieur du café-bistro, à onze heures. Pourtant, il n’y a pas de quoi s’énerver : nous allons discuter calmement comme deux adultes responsables, je vais tout lui expliquer, lui déballer mes arguments avec sincérité, simplicité, sans m’enchevêtrer dans des propos décousus ni monter le ton en le pointant du doigt avec une voix chevrotante, ni même me mettre à bégayer des excuses pathétiques en braillant. Pourvu, pourvu que je ne merde pas !
Puisque Marc n’a jamais rappelé pour confirmer notre rendez-vous, la possibilité qu’il ne se présente tout simplement pas, pour me punir et rire de moi avec ses amis dans le café d’en face avec des jumelles ou une longue-vue afin de mieux observer ma déconfiture, m’a trotté dans la tête jusqu’à ce que j’aperçoive à travers la fenêtre son beau visage fatigué et son air froid. Et sa maudite barbe. Même si son langage non verbal indique clairement que Marc me fait une faveur en m’accordant un dernier plaidoyer, je lui adresse un regard rempli de gratitude et ne peux m’empêcher de songer que tout espoir n’est pas perdu, puisqu’il s’est donné la peine de venir m’entendre. Mon message téléphonique spécifiait que je voulais prendre le temps de tout lui raconter, alors son air de « j’ai pas toute la journée » n’est que protocole d’usage pour me faire sentir comme une marde, n’est-ce pas ?
Marc accompagne son « salut » distant d’un signe de tête au lieu d’un baiser, ou de mille baisers, ou même de deux becs secs sur les joues ; ce n’est pas de bon augure. Il ne cesse de s’agiter alors que je le dévisage en silence, cherchant à accrocher son regard tandis qu’il dépose son manteau, déplace la salière, aborde la serveuse pour un café, frotte ses mains raides ensemble et souffle un peu dessus pour les réchauffer : il fait trop froid pour le mois de mai. Il replace son napperon de papier, lance des coups d’œil vers la fenêtre – probable ment pour s’assurer que ses amis l’attendent bien dans le café d’en face. Parce que mon magnifique Marc n’a pas l’air de vouloir s’attarder dans le coin. On croirait plutôt qu’on l’a obligé à s’acquitter d’une besogne poche dont personne ne veut du genre écouter un clerc de quatre-vingt-dix-sept ans lire les dernières volontés d’un épinglettophiliste ou nettoyer les vomissures d’un être entièrement fait de vomissures ; enfin, c’est ce que je ressens. Il porte une montre. Je remarque ça. Il porte une montre. Il regarde sa montre. Je décide que je déteste sa montre. Je voudrais la lui arracher du poignet et aller la jeter aux toilettes pour l’empêcher de regarder l’heure toutes les dix secondes, l’empêcher de s’impatienter et d’être irrité par la vitesse de mon débit, ma face molle sans arrêt désolée, ma présence tout entière. Marc daigne finalement me regarder dans les yeux. Un regard plein de rancœur et de chagrin, qui me retourne l’intérieur et m’étouffe le cœur. Ramassant ma dignité, je relève la tête et le remercie d’être venu. Ma voix tremblotille rien qu’une miette, mais je chasse le trémolo d’un bon raclement de gorge. Courage.

Je suis née quand je me suis sentie prête, un après-midi doux, d’un père joyeux et d’une mère volubile. J’ai grandi au village, avec ses petites maisons alignées, sa Caisse populaire, sa modeste église et son bureau de poste. Le nombre d’habitants reste stable depuis les années soixante-dix en raison de l’exode constant des étudiants et des jeunes professionnels vers les grandes villes pour cause de pas grand-chose à faire ici. Pour ça, il y a l’embarras du choix, Montréal, Sherbrooke et Trois-Rivières se trouvant toutes à une distance plus ou moins égale de chez nous. Mon village est donc un village de vieux, mais des bons vieux de qualité, pas des vieux ronchonneux qui haïssent les jeunes. Nos vieux à nous font du vélo jusqu’à passé quatre-vingts ans, ils aiment chanter, entretenir leurs plates-bandes fleuries et organiser des concours de plus grosse tomate de jardin, et ils prennent soin de la jeunesse parce qu’ils savent que, sonnés ses vingt ans, elle va probablement décamper pour ne plus revenir. Ma mère a grandi ici et mon père, sur le 3 e Rang en campagne ; après leur mariage, ils ont acheté une maison dans le nouveau développement du village et ne l’ont jamais quittée. Pour certains, le bonheur se trouve entre la piscine et le carré de gazon, et les rêves se réalisent sur le chemin reliant le presbytère à la voie ferrée. Et moi, je les admire. Quoi qu’il en soit, la vie m’a choyée d’une enfance des plus heureuses, à grands coups de balades à bicyclette jusqu’au dépanneur pour m’acheter des Fun Dip et des bagues en bonbon, et d’escapades dans le labyrinthe naturel qui se forme en été dans le champ de blé d’Inde derrière le terrain de l’école primaire. On m’a aussi affublée de deux petits frères, Guillaume et Jean.
Nous avons vécu une existence semblable à celle de milliers de foyers québécois : notre famille se rendait à Old Orchard pour les vacances d’été

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