Salina (Roman)
328 pages
Français

Salina (Roman) , livre ebook

-

328 pages
Français

Description

SALINA Ouvrage publié avec le concours de l'UNESCO et du Dewan Bahasa dan Pustaka de Malaisie @ L'Harmattan, 1997 ISBN: 2-7384-4873-2 ABDUL SAMAD SAID SALINA Roman traduit du malais par Laurent METZGER L'Harmattan L'Harmattan Inc. 5-7, rue de l'École-Polytechnique 55, rue Saint-Jacques 75005 Paris - FRANCE Montréal (Qc) - CANADA H2Y lK9 CHAPITRE I I Le soleil était presque au zénith lorsqu'une vieille camionnette aborda lentement et bruyamment la rue défoncée du village. Les habitants de ce village, essentiellement des Indiens et des Malais, étaient nombreux à regarder cette scène. Quelques-uns se tenaient sur le bord de la route pour voir de plus près les nouveaux arrivants. Les enfants suivaient le véhicule en criant. Quelques chiens aboyaient et l'un d'eux, malade, n'avait presque plus de poils. Lorsque la camionnette croisa un chemin de traverse, elle s'arrêta, mais le moteur continua de tourner. Un jeune homme, d'environ dix-huit ans, vêtu d'un short jaune passé et d'un maillot blanc, épais et déchiré, descendit de la cabine de la camionnette, suivi d'une dame dans la cinquantaine qui portait un long chemisier bleu et gris et une jupe en batik gris et jaune. Elle toussa en sortant de la voiture et elle chassa un chien qui s'approchait d'elle. «C'est bien ici, maman?» demanda le jeune homme, en s'essuyant le front couvert de sueur avec un mouchoir sale et déchiré. Il rejeta en arrière les cheveux qui lui tombaient sur les yeux et contempla le village.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1997
Nombre de lectures 183
EAN13 9782296329850
Langue Français
Poids de l'ouvrage 8 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

SALINAOuvrage publié avec le concours de l'UNESCO et du Dewan
Bahasa dan Pustaka de Malaisie
@ L'Harmattan, 1997
ISBN: 2-7384-4873-2ABDUL SAMAD SAID
SALINA
Roman traduit du malais
par Laurent METZGER
L'Harmattan L'Harmattan Inc.
5-7, rue de l'École-Polytechnique 55, rue Saint-Jacques
75005 Paris - FRANCE Montréal (Qc) - CANADA H2Y lK9CHAPITRE I
I
Le soleil était presque au zénith lorsqu'une vieille camionnette
aborda lentement et bruyamment la rue défoncée du village. Les
habitants de ce village, essentiellement des Indiens et des Malais,
étaient nombreux à regarder cette scène. Quelques-uns se tenaient
sur le bord de la route pour voir de plus près les nouveaux
arrivants. Les enfants suivaient le véhicule en criant. Quelques
chiens aboyaient et l'un d'eux, malade, n'avait presque plus de
poils.
Lorsque la camionnette croisa un chemin de traverse, elle
s'arrêta, mais le moteur continua de tourner. Un jeune homme,
d'environ dix-huit ans, vêtu d'un short jaune passé et d'un maillot
blanc, épais et déchiré, descendit de la cabine de la camionnette,
suivi d'une dame dans la cinquantaine qui portait un long
chemisier bleu et gris et une jupe en batik gris et jaune. Elle toussa en
sortant de la voiture et elle chassa un chien qui s'approchait
d'elle.
«C'est bien ici, maman?» demanda le jeune homme, en
s'essuyant le front couvert de sueur avec un mouchoir sale et
déchiré. Il rejeta en arrière les cheveux qui lui tombaient sur les
yeux et contempla le village.
«Oui, c'est là. Voilà le chempedak* et la maison est juste
derrière », répondit la vieille femme qui toussa encore en montrant
l'arbre sur lequel on distinguait des fruits, quatre en tout,
enveloppés dans des sacs de papier jaune et sale.
«Très bien», dit le jeune homme qui partit trouver le chauffeur
de la camionnette, un Chinois maigre, coiffé d'un chapeau gris et
sale et lui dit:
«C'est bien là, patron, tu peux t'arrêter.»
5Le chauffeur coupa aussitôt le moteur et sortit. Il avait le cou et
le front couverts de sueur. Il considéra les gens qui l'observaient,
puis jeta un coup d' œil vers le chempedak*.
Le village était connu depuis longtemps sous le nom de
«Kampung Kambing» *. Il était appelé ainsi - racontaient ceux qui
connaissaient son histoire - parce que les premières maisons qui
avaient été construites étaient à l'origine des bergeries. Les
propriétaires les avaient agrandies pour en faire des maisons de
location. Elles appartenaient à des Indiens qui travaillaient aux
Travaux publics de Singapour.
Ces maisons-bergeries étaient fort rustiques. Les murs étaient
faits de vieilles planches, provenant d'anciennes caisses de lait,
d'écorces moisies, de plaques de fer blanc et de bidons d'huile
rouillés et grossièrement aplatis. Le toit était lui aussi constitué de
plaques de bidons d'huile ainsi que de feuilles de palmier et
d'écorces sur lesquelles on avait étalé des nattes ou de vieilles
toiles caoutchoutées. Parfois du lierre grimpait sur les toits. Le
sol était presque partout en terre battue; un échafaudage de
planches sales, empilées plus ou moins haut, marquait le coin où
l'on prenait le repas et l'endroit où l'on dormait.
Une foule de gens habitaient là. La plupart des anciennes
maisons avaient été détruites par les bombes, ou bien elles avaient
changé de propriétaires et les habitants en avaient été chassés.
La vieille dame qui venait d'arriver s'était déjà rendue au
village une semaine auparavant, une amie lui ayant indiqué qu'il y
avait une chambre libre, et elle avait donc eu la chance de trouver
la pièce que l'on venait de quitter. Elle ne l'avait pas obtenue
facilement du reste. On lui avait réclamé cinquante ringgits* de
pas-de-porte et elle avait dû s'engager à payer vingt ringgits de
location par mois. Cette chambre avec son toit de plaques de tôle,
de feuilles de palmier, de vieilles toiles caoutchoutées couvertes
de lierre, ses murs de planches de caisses de lait, de plaques de
tôle, d'écorces et de carton, son sol en terre battue, serait
désormais leur demeure, l'endroit où la vieille dame et son fils
s'abriteraient de la chaleur et de la pluie.
«Il faudra que je fasse de nouveau attention », dit à la
cantonade un Indien chargé de veiller à la consommation de l'eau dans
le bâtiment de Travaux publics. «Je pensais qu'après le départ
6de Paliamah, personne ne voudrait habiter cette maison, mais
voici de nouveaux locataires », ajouta-t-il en retroussant ses
moustaches qui remontaient comme les cornes d'un buffle. De
ses grands yeux profondément enfoncés sous l'arcade sourcilière,
il considérait le jeune homme qui sortait les bagages de la
camionnette, arrêtée non loin de là. n retroussa encore une fois
ses moustaches.
Un groupe d'enfants se tenait à proximité de la vieille
camionnette, la plupart ne portaient ni pantalon, ni chemise. Deux ou
trois aidèrent à décharger les bagages légers, les autres restaient à
regarder. Trois ou quatre garnements plus audacieux grimpèrent
sur le siège du chauffeur, qui était entré dans la maison, et
actionnèrent le klaxon. Les spectateurs se mirent à rire et le chauffeur
sortit pour attraper les gamins. Les enfants s'égaillèrent un
moment mais ils revinrent plusieurs fois à la charge.
«Il n'y a pas grand monde cette fois-ci », dit le Sikh, «il n'y a
pas beaucoup de bagages ». n montra du doigt le chargement de
la camionnette, mais sa main retourna vite aux moustaches qu'il
ne cessait de retrousser.
Un grand Indien maigre en maillot blanc taché et pantalon bleu,
dans sa boutique proche, hocha la tête en ficelant un paquet de
piments secs et dit:
«Oui, les nouveaux locataires ne sont que deux, une mère et
son fils. La mère est venue la semaine dernière se renseigner sur
le logement. On lui avait dit qu'il y avait une chambre libre. J'ai
répondu qu'en effet la chambre de Kurupaya Samy était libre et
elle l'a louée.
- Oh! Oh! dit le Sikh de sa voix grave et forte. Quel est le
montant du loyer maintenant? Est-ce qu'il a encore augmenté?
- Oui, un peu. Lorsque les cinq membres de la famille de
Paliamah y habitaient, le loyer était de dix-huit ringgits* par mois. J'ai
entendu dire que Kurupaya Samy l'avait augmenté et ce serait
donc vingt ringgits* maintenant », dit le marchand indien, en
secouant la tête et en se frottant les mains, ce qu'il faisait
toujours lorsqu'il parlait.
- Oh là là ! Ce Kurupaya est un drôle de luron. n a déjà
beaucoup d'argent et il en veut encore davantage!» Le Sikh cracha
7par ten-e et alla s'asseoir sur un banc. «Combien la vieille dame
a-t-elle donné de pas-de-porte?
- Cinquante ringgits* », répondit le marchand en rentrant dans
sa boutique pour vendre un morceau de tissu. Une fois le client
sorti, il ajouta:
«De nos jours, cinquante ringgits*, on n'y fait plus attention,
on les paie. C'est très difficile de trouver à se loger. On paie
même jusqu'à cent ringgits*.
- Oui, oui, c'est vrai. Mais pénaliser les pauvres gens, ce n'est
pas bien », dit le Sikh.
Le marchand indien se tut; Kurupaya Samy était de sa famille.
Les ouvriers des Travaux publics et leurs familles habitaient en
face de Kampung Kambing* une longue maison divisée en
compartiments. La maison était en mauvais état et n'avait pas été
repeinte depuis longtemps. Les occupants étaient chinois, malais
et indiens, mais les plus nombreux étaient les Indiens. TIy avait
six compartiments, chacun était occupé par huit familles et il n'y
avait que deux salles d'eau. Ces salles d'eau posaient un
véritable problème aux locataires de la maison. En effet la majorité
des habitants du village venaient nécessairement y chercher leur
eau; ils considéraient que c'était leur droit, puisque ces salles
d'eau appartenaient à ceux qui leur louaient les maisons. De
fréquentes disputes éclataient à cause de ces salles d'eau entre les
habitants de Kampung Kambing et même entre les habitants de la
maison des Travaux publics. Ceux qui ne possédaient pas de local
à louer étaient jaloux de ceux qui en avaient et qui
s'enrichissaient rapidement. Les autorités avaient donc placé un Sikh pour
éviter que l'utilisation

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