Sémiramis au pays de Dounia
106 pages
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Sémiramis au pays de Dounia , livre ebook

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Description

« Selon les légendes anciennes, Sémiramis qui veut dire colombe en assyrien, est également le nom d’une reine guerrière qui a fondé Babylone et créé les fameux jardins suspendus. Je suis née à Sémiramis, enfin d’abord à la clinique mais depuis ma venue au monde, j’habite dans l’immeuble qui porte le nom d’une femme politique originaire des temps sombres de l’humanité où la science moderne n’existait pas. Mais peut-être qu’à cette ère avant les religions monothéistes, les grandes civilisations babyloniennes, égyptiennes, grecques ou assyriennes n’ont pu exister que parce que les mythes et les pratiques païennes ne focalisaient pas de haine particulière sur la femme. L’ignorance étant aussi dangereuse pour les hommes que pour les femmes ». Ainsi écrit Dounia, étudiante de 23 ans à la faculté des sciences sociales à Oran. En 1992 elle se lance dans un début de vie d’adulte semé de questionnements prenant racines dans son enfance. Armée de son carnet de notes, elle cherche à comprendre ce qui se passe dans son pays.
Politique, économie et sociologie s’entremêlent dans son esprit. Traversée également par le souffle de la jeunesse, elle ne résiste pas aux appels des fougues sentimentales en vivant pleinement ses états d’âmes amoureux. À ceux-là, aucune politique dans son pays n’apporterait de réponse.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 octobre 2022
Nombre de lectures 12
EAN13 9782312128962
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sémiramis au pays de Dounia
Zoubida Berrahou
Sémiramis au pays de Dounia
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2022
ISBN : 978-2-312-12896-2
À Nawel
« Tout ce qui peut être imaginé est réel »
Picasso, peintre surréaliste
« Suffit-il de se persuader intensément qu’une chose existe pour qu’elle soit ? En des siècles d’imagination, la conviction profonde a déplacé des montagnes »
William Blake, poète romantique
P REMIÈRE PARTIE : 1992
Oran, le 15 septembre 1992
Tel l’athlète en fin de compétition, la chaleur se relâche enfin. Si oublier la canicule éprouvante du mois précédent me fait du bien, le bonheur que me procure encore, le souvenir de la toute fraîche championne olympique algérienne du 1500m à Barcelone n’a pas son égal. Comment, en plus de cet exploit, ne pas se remémorer le magnifique short et les bras dénudés de l’athlète féminine algérienne dont les images ont, depuis le 08 août fait le tour de la planète, alors qu’au même moment, les libertés vestimentaires des femmes de mon pays sont menacées.
Assise à la véranda de la maison familiale, Dounia relit ces quelques notes écrites hier sur son carnet personnel. Les récents jeux olympiques ne cessent de lui procurer une joie frétillante. En s’identifiant aux distinguées Heike Henkel, la championne Olympique allemande du saut en hauteur et la française Marie-José Pérec, la médaillée d’or du 400m, son imagination l’entrainait sur la piste de Dounia, l’Algérienne jouant dans la cour des grandes et ramenant un trophée dans ces disciplines. Il y a quelques années, elle avait excellé au lycée dans le saut en hauteur avec des performances dépassant de loin toutes ses copines et tenant même tête aux garçons de sa classe.
Aujourd’hui encore, il lui arrive de se projeter en championne internationale, sauf que son potentiel sportif restera en dormance. Pourquoi ?
Parce que dans son pays, les filles comme elle, ne font pas dans la carrière sportive, elles étudient, puis c’est tout. Et pourtant, la jeune lycéenne aurait pu faire un exploit si sa famille l’avait encouragée à se perfectionner dans le saut en hauteur ou se consacrer sérieusement au basket, voire même au volley-ball. Mais les siens ne pouvaient s’y aventurer. La défaillance des structures sportives chargées de cette mission, ne donnait guère aux gamines studieuses de la classe moyenne, la possibilité d’en faire un choix personnel. Un échec scolaire restant le seul recours et encore ! En rejoignant Heike et Marie-Josée sur la première place du podium olympique, la reine algérienne du 1500m à Barcelone est venue prendre la revanche de toutes les algériennes dont le talent sportif restera ignoré.
L’inconnu
Voici que l’expression du visage de Dounia se dénue de toute euphorie. Elle n’a plus l’air d’être plongée dans son imaginaire sportif. Il transparaitrait même qu’elle soit tout bonnement ailleurs avec une envie de vide dans sa tête.
Elle reprend son calepin et lit pêle-mêle ses dernières notes
… L’Algérie chemine vers l’inconnu. Cela a commencé par l’invraisemblable émergence en 1989 d’un parti anticonstitutionnel (religieux) qui a raflé le 21 juin 1990 les élections municipales avec une technique de fraude rappelant le pillage d’étalages. Et que dire du scrutin législatif du 26 décembre 1991 qui a failli semer le chaos tout comme son précédent report à cause d’une insurrection civile menée par des individus semblant s’être échappés de l’âge des cavernes. Résultat : un état de siège décrété, la démission du gouvernement et l’emprisonnement des 2 illuminés à la tête de ce non-parti.
… Je n’arrive plus à comprendre ce qui se passe dans mon pays et surtout à la capitale puisque depuis Oran, le quotidien demeure encore plus ou moins tranquille. Les évènements d’octobre 88 ont débouché malgré leur tragédie sur le projet étatique de l’instauration de la démocratie. J’ai participé timidement avec quelques amis à des marches citoyennes en scandant « Algérie libre et démocratique ». L’effervescence à la fac était telle qu’on y parlait parti politique, tendance idéologique et théories du développement économique. Certes l’apparition de plus en plus criarde d’étudiants en kamis, barbe hirsute et regard noir avait semé le trouble dans l’enceinte universitaire, mais personne n’avait présagé la déferlante religieuse. Dans ma grande naïveté, j’avais considéré cet habillement et apparence physique comme la manifestation d’une crise existentielle chez une jeunesse qui se cherchait, comparable au mouvement punk ou gothique !
À présent, l’actualité me démontre chaque jour que ce n’est pas une rébellion de jeunesse avec son versant fécond dans l’art et la création comme cela s’était vu dans les pays développés. Ces jeunes habillés par la mort veulent la semer partout en commençant par tuer leur apparence physique avant de l’imposer par la force aux autres.
… Jamais je n’oublierai cette première fois où j’ai fait mon devoir citoyen. Voter à 20 ans et mourir, il s’en est fallu de peu pour que ça devienne une citation célèbre ! Des élections législatives remportées haut la main par le parti anticonstitutionnel en procédant à une fraude légale puisque contrôlant l’administration des collectivités locales. Si j’ai zappé le scrutin communal c’est parce que j’entendais dire autour de moi que depuis 1962, le pouvoir en place avec son parti historique le FLN gagnait toutes les élections, même si en parallèle il était désigné comme le réceptacle de la prédation et des échecs du pays.
Cette première leçon fatale en matière d’hécatombe électorale m’a précipitée au bureau de vote pour ce crucial second rendez-vous afin de sauver ce qui pouvait encore l’être. La réputation légendaire des tenants du pouvoir à programmer les résultats des élections avant leur déroulement a encore une fois endormi le bon sens des algériens. Avec un fort taux d’abstention, le résultat législatif a été un coup de massue, à la fois à la démocratie tuée dans l’œuf et à la dictature endémique. Menacée sérieusement par une théocratie avec laquelle les décideurs institutionnels ont joué à un jeu pervers pensant l’arnaquer, le verdict biaisé des urnes appelant à un second tour pour les départager a été le scénario inattendu.
J’ai donné ma voix à un parti démocratique, moderne et progressiste, le RCD. Mais j’ai été dégoutée de voir ce dernier inexistant dans les résultats du scrutin. Je réalise que tout ceci n’est qu’énorme mise en scène, que le peuple n’est pas assez nourri du ventre pour choisir ces victuailles de la modernité que sont la démocratie et le suffrage universel. Ajouté à cela, un système de non gouvernance ne pensant qu’à nourrir son compte en banque pour son unique survie.
… En moins d’une année, les évènements se sont accélérés en Algérie. Un président démissionné en janvier 1992, le second tour des législatives annulé également puisque les échappés de l’asile « des fous de dieu » étaient à deux doigts d’être aux commandes du pays. Une structure collégiale a été créée pour remplacer le poste de chef de l’Etat. HCE, CNC et FIS sont devenus les acronymes de la fantomatique République Algérienne qui se prétend en plus démocratique. Le premier assassinat survenu en mars 1992 à Alger a vite refroidi les ardeurs démocratiques des plus naïfs.
… Ces évènements se concentrant surtout dans la capitale me parviennent via la télévision ou la presse écrite. Pour moi Alger est devenu un autre pays par rapport à Oran. Est-ce ma position sociale de privilégiée qui me fait ressentir les choses ainsi. Je sollicite sans cesse mon père pour des explications, il a souvent de bonnes réponses mais il ne me satisfait pas. Je cherche à comprendre l’état d’urgence proclamé en février 1992, la dissolution tardive du parti-anomalie et à la fin l’assassinat en direct du président du HCE, ce héro (Mohamed Boudiaf) historique épargné par la guerre de libération, voilà qu’il a subi le même sort que celui de Lincoln. Tout ceci est la preuve qu’il manque encore des vérités à connaître .
Sélim ou Réda
A presque sept-heures du soir, Dounia qui n’a pas vu s’écouler le temps depuis son retour à la maison, demeure toujours assise sur le sofa à une place de la véranda. Il y a un an, cet espace n’était encore qu’un grand balcon. Après quelques travaux effectués par de simples artisans, le lieu a été transformé en une agréable véranda en fer forgé. L’aluminium très en vogue alors pour construire ce genre de structure n’a pas fait déroger le père de Dounia du classique acier, ce matériau noble qui a su tout comme la pierre et le bois traverser le temps.
La jeune-femme à la silhouette frêle et les cheveux souvent attachés en queue de cheval n’est pas arrivée à chasser de sa tête la phrase à l’origine de son malaise actuel, des paroles prononcées par Sélim à son encontre. Même si entre temps, Ilias son jeune frère, venu comme à son habitude lui parler, la trouvant morose, lui a préféré la télévision beaucoup plus joyeuse alors qu’en temps normal ils s’amusaient beaucoup ensemble.
Dounia, certes préoccupée par son pays, est également traversée par le souffle de la jeunesse. V ivre pleinement ses états d’âmes amoureux est le défi du quotidien. A ceux-là, aucune politique en Algérie n’apporterait de réponse. Note - t-elle sur son carnet avant de poser ceci :
Je ne comprends pas pourquoi Sélim m’a dit : « j’en ai marre de cette situation Dounia , laisse-moi tranquille… ». Voilà ce qu’elle écrit pour le moment comme réplique à son incompréhension muette. Est -ce parce qu’il est plus âgé que moi que je l’ennuie à présent ! Pourtant j’ai souvent soulevé ce point avec lui. Je me remémore très bien une ancienne discussion datant du début de notre rencontre, il y’a plus de huit mois.
Elle feuillète les précédentes pages de son livret et lit :
Écoute Sélim, ce n’est pas tant le nombre d’années qui font une personne mais ce qui se passe dans sa tête, et même si à 23ans je suis encore loin de tes 35 ans, je pense avoir appris a

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