Sous les toits
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Sous les toits , livre ebook

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Description

Le meilleur moyen de devenir écrivain, c’est encore de devenir chômeur. Écrire ne coûte rien, ce n’est pas comme la musique, le cinéma, ou même la peinture.Entre deux petits boulots, David mène une véritable vie de bohème et passe le plus clair de son temps à écumer les bars et les sex-shops parisiens. Ne devient pas Henry Miller qui veut. De solitude en partouzes, de mariage en divorce, de main en main, l’homme passe et ne s’arrête rarement.J’avais du boulot, putain ! Devenir écrivain, c’était ça mon boulot. Et je n’avais pas une minute à perdre.

Informations

Publié par
Date de parution 28 octobre 2011
Nombre de lectures 84
EAN13 9782363150554
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sous les toits
Sébastien Ayreault
Illustrations de Noémie Barsolle
ISBN 978-2-36315-155-1

Octobre 2011
Storylab Editions
30 rue Lamarck, 75018 Paris
www.storylab.fr
Les ditions StoryLab proposent des fictions et des documents d'actualit lire en moins d'une heure sur smartphones, tablettes et liseuses. Des formats courts et in dits pour un nouveau plaisir de lire.

Table des mati res

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Biographie
Chapitre 1
Boulevard Magenta, 7 ème étage, 9 mètres carré mansardés jusqu’à la raie, pas de douche, robinet d’eau froide et chiottes sur le palier, 400 euros par mois. Si le soleil ne tape pas trop fort, jette un coup d’œil tout là-haut, dans l’arrondi de la toiture en taule, derrière chaque vasistas se planque un type en manque de tout. Toute la journée, il guette, sa petite radio à piles posée sur les genoux, il écoute Les Grosses Têtes , les infos quinze fois par jour, il attend, il renifle, il tousse, il se marre, il dit merde, il roule sur son matelas, en écrase deux bonnes heures. Quand t’es pauvre, y’a pas grand-chose à branler, surtout à Paris. Marcher, s’asseoir sur un banc, lire deux-trois pages d’un journal, se rentrer, bouffer un cassoulet, descendre trois litres d’un rouge dégueulasse et basta. Tous les jours comme ça. Jusqu’à plus soif. Et rien en vue. Jamais.
On était vendredi soir, mon voisin avait recouvert de merde les murs presque blancs des chiottes du palier, et la femme de ménage ne serait pas là avant mardi.
J’ai cogné à sa porte.
Il a ouvert en tee-shirt calbute douteux.
Il était raide.
— Qu’est-ce tu me veux ? il a dit.
— Pourquoi t’as fait ça ? j’ai demandé.
— Pourquoi j’ai fait quoi ? il a dit.
— Les chiottes, j’ai dit.
— Si t’es pas content, c’est le même prix.
Il m’a claqué la lourde à la gueule.
Je suis retourné dans ma piaule en maudissant cet enfant de salaud. Trente ans qu’il vivait là, qu’il faisait la manche devant l’église de la gare de l’Est, ça lui donnait un certain pouvoir, quelques droits. J’ai ouvert une boutanche, me suis versé un verre, allumé une tige, et j’ai commencé à écrire des conneries sur un bout de papier histoire de passer le temps. Le temps d’être complètement cuit. Le temps que tous les souvenirs bien vaseux me remontent à la surface, d’enclencher la radio, et de chialer sur des musiques bien niaises.

*

On s’est rencontrés autour d’une boîte d’haricots verts, un soir après minuit. « T’aurais pas un ouvre-boîte ? » qu’elle m’a demandé comme ça. Je sortais des chiottes, et l’un dans l’autre, on a fini par déboucher une bouteille de vin, assis en tailleur sur ma moquette bleu mauve. On a discuté un peu de Bukowski, de John Fante, et puis elle a commencé à pester contre son loyer – le fameux 400 euros, 9 mètres carrés mansardés. J’ai gueulé aussi. Fumiers ! Salauds ! Et puis j’ai roulé sur le coté. Tu veux que je te suce ? Pas la peine, j’ai répondu. Ce vin dégueulasse, ce vasistas foireux – la chambre est si lumineuse, vous verrez, que du bonheur ! – toute cette merde me sapait le moral.
Au réveil, elle m’a demandé si je voulais bien l’accompagner chez son proprio. Elle avait un plan. J’ai dit okay. On s’est pointés à 10 heures. J’avais une gueule de bois pas possible. Je me tenais un peu en arrière, au bord de la gerbe. Le proprio a ouvert. Tronche de l’emploi. Je veux que vous baissiez mon loyer, elle a attaqué, je me suis renseignée, votre chambre n’est pas dans les règles. Pas dans les règles ? Tu veux payer combien ? 300 euros, elle a répondu. Marché conclu, il a dit. Je n’en croyais pas mes oreilles. Il m’a jaugé – je pesais pas lourd – il a ajouté, à une condition, poulette, que tu viennes me la sucer tous les matins. Le vent s’est levé quelque part du côté de Stalingrad. Un sale vent froid, un truc à vous râper les os. Aucun doute, on était bien à Paris. Le gros lard s’est marré. Il s’est marré, et puis il nous a claqué la porte à la gueule.
Elle portait un prénom allemand, prénom allemand que le temps a fini par emporter. Mais pas sa coupe de cheveux, toute au carré. Noir de jais.

*

Le meilleur moyen de devenir écrivain, c’est encore de devenir chômeur. Écrire ne coûte rien, ce n’est pas comme la musique, le cinéma, ou même la peinture. Mon meilleur ami – Le If – était peintre, il vivait sous un autre toit mansardé, du côté de Pigalle, et je me souviens que parfois, l’hiver, il avait bien du mal à se payer de la toile et des tubes de couleurs. C’était ça, ou bien couper le chauffage et se les geler jusqu’en avril. Je n’avais pas ce genre de problème. Je m’étais chopé une vieille machine à écrire à Cash Converter, des rubans d’encre, et puis des blocs de papier bon marché. 30 euros le tout. Après mon inscription aux ASSEDICS et à l’ANPE, je me suis senti comme un pape. Libre. J’allais devenir Henry Miller et je ne voyais pas bien ce qui pouvait m’en empêcher. Je n’y connaissais rien, je n’avais pas grand-chose à raconter, peu d’imagination, mais je me mis à taper sur les touches comme un dingue, des nouvelles et de la poésie, dix, douze heures par jour, coincé sous mon toit, tout là-haut, au 31 du boulevard Magenta. Sur les coups des 17 heures, je descendais m’acheter un pack de dix Kro et deux bouteilles de rouge au Franprix du coin. Jambon, baguette, chips au fromage. Je me baladais un peu autour de la place de la République, je regardais les vitrines, les terrasses des brasseries, les cuisses et les seins des passantes, puis je remontais me branler et me relire. Je me branlais beaucoup en ce temps-là. Et j’en causais à chaque coin de vers :
15 heures 32
Soleil noir
Comme une flaque dans le vasistas
Je me branle
Éjacule
Remonte mon jean
Le monde est moche
Sur quoi, je dévissais une bière, j’allumais la radio et écoutais les infos sur France Inter. J’étais devenu un écrivain. Personne ne le savait et je m’en foutais pas mal. « On ne peut vivre dans le souci de l’opinion d’autrui », écrit Ron McLarty.

*

Le moins commode, c’était l’hygiène.
Un jour, j’ai quand même fini par me décider. J’ai pris mon savon de Marseille, ma serviette, un caleçon et une paire de chaussettes neuves, enfourné le tout dans mon sac à dos, et je suis parti au bain public, au 42 de la rue Oberkampf. C’était gratuit. Sur le chemin, je me suis demandé combien on pouvait être dans ce cas-là ? Dans le cas des types qui sont obligés de se taper deux bornes pour aller prendre une douche ? Rien que sous mon toit, on était déjà trois.
À l’accueil, il s’est passé un drôle de truc : un type dégarni m’a filé un petit ticket, ensuite de quoi il a fait le tour, est sorti de sa cabine – tee-shirt, short, claquettes – et il m’a conduit jusqu’à la douche. Arrivés là, il m’a repris mon petit ticket des mains.
— Je ne peux pas le garder ? j’ai demandé.
— Non, il m’a répondu.
— Bon, j’ai dit.
— C’est la bonne heure, y’a pas grand monde.
— Il est quelle heure ? j’ai demandé.
— 14 heures 20. Tu as jusqu’à 14 heures 40. La pendule est juste au-dessus de ta tête. Mais tu peux déborder un peu si tu veux. C’est la première fois que tu viens ici ?
— C’est la première fois, j’ai dit.
— Bonne douche, alors.
J’ai dit merci, j’ai fermé à clé, me suis foutu à poil et je me suis collé sous la flotte. J’ai pris mon temps, je me suis frotté comme il faut. Deux cabines plus loin, un type écoutait Nostalgie en sifflotant – J’ai oublié de viiii-VRE – Tranquille. Comme à la maison.
En sortant de là, je me sentais en pleine forme. Je me suis dit que j’allais y venir tous les jeudis. 14 heures 20. La bonne heure. Je me suis baladé un peu sous le soleil de mai, et puis je suis rentré et me suis installé devant ma machine à écrire. Je me sentais le courage d’accoucher d’une nouvelle, d’un poème, de n’importe quoi.

*

Quand je n’avais plus rien dans le ventre, plus rien à écrire, je reprenais la marche à pied. Quand on n’a pas d’argent, pas de boulot, on a le choix entre rester dan

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