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Touaregs du Niger Le destin d’un mythe , livre ebook

370

pages

Français

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2010

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Date de parution

01 janvier 2010

EAN13

9782811103521

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

Emmanuel Grégoire
Touaregs
du
Niger
Le destin d’un mythe
Postface de l’auteur à la nouvelle édition
KARTHALA
TOUAREGS DU NIGER,
LE DESTIN D’UN MYTHE
KARTHALAsur internet : http://www.karthala.com (Paiement sécurisé)
Couverture :Aéroport d’Agadès, passage du janvier 1997. Photo, E. Grégoire.
© KARTHALA, 2010 ISBN : 978-2-8111-0352-1
Rallye
Paris-Dakar,
Emmanuel Grégoire
Touaregs du Niger, Le destin d’un mythe
Préface d7Edmond Bernus Postface de l7auteur à la nouvelle édition
Éditions Karthala 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
DU MÊME AUTEUR
Les alhazai de Maradi (Niger) : Histoire d’un groupe de riches mar-chands sahéliens, Éditions de l’ORSTOM, collection Travaux et Documents n° 187, Paris, 1986 (rééd. 1990). The Alhazai of Maradi : Traditionnal Hausa Merchants in a Changing Sahelian City,traduction de B. H. Hardy, Lynne Rienner publishers, Boulder (Colorado), 1992. Grand commerçants d’Afrique de l’Ouest, Pratiques et logiques d’un groupe d’hommes d’affaires contemporains, Éditions Karthala-ORSTOM, Paris, 1993 (P. Labazée, co-éditeur).
Cet ouvrage est publié avec le concours du Conseil général des Côtes d’Armor
Préface
Le travail d’Emmanuel Grégoire sur la région d’Agadez et l’écono-mie touarègue fait suite à l’ouvrage qu’il a consacré à Maradi et aux alhazai. Il a déplacé vers le nord son lieu d’observation, à proximité du Sahara et sur les routes qui relient l’Afrique noire à l’Algérie et à la Libye. Son point d’ancrage nouveau se trouve au cœur d’une région bouleversée par une révolte qui n’a pas ni de laisser des traces, et qui a succédé à une longue période de sécheresse. Alors que la région de Maradi a longtemps donné au Niger, grâce à l’arachide, sa première richesse et son principal produit d’exportation, la zone septentrionale était parcourue par des troupeaux conduits par des éleveurs dispersés et peu nombreux. Or brutalement l’Aïr et l’arron-dissement d’Agadez sont devenus le centre d’une région industrielle où se trouvent concentrées les principales richesses minières du pays. Grâce à ses industries, le département d’Agadez connaît le plus fort taux de population urbaine du Niger, dépassant même celui de Niamey : ceci, bien entendu, en raison de la faible densité du peuplement. Cet ouvrage nous fournit une documentation très riche sur la révolte, sur le développement régional autour de l’exploitation de l’uranium et la répartition de la rente minière. Vers les années 1980, les Nigériens se substituèrent aux rmes étrangères et les premiers commerçants à s’in-sérer dans le circuit d’approvisionnement des sociétés minières furent des Haoussas et des Arabes. Le poids relatif de ces deux groupes s’ac-centua en 1988, alors que la part des Agadésiens et des Touaregs restait très faible. En 1996, les hommes d’affaires djerma-songhay sont parmi les principaux bénéciaires de l’activité minière aux côtés des Haoussas alors que les Arabes moins nombreux se saisissent des plus gros mar-chés. Si les Touaregs restent marginaux, c’est parce que leur commu-nauté n’a jamais occupé de postes clés au sein des services d’approvi-sionnement des compagnies minières. Cette absence des Touaregs pose problème : il semble que le petit nombre de fournisseurs touaregs soit également dû au fait qu’ils se sont avérés des partenaires peu efcaces en raison d’un manque de savoir-faire et de tradition en matière commerciale. Bien entendu, la rébellion touarègue pense que leur éviction des responsabilités nationales et l’ac-caparement du pouvoir politique par les Djermas depuis l’indépendance expliquent cette exclusion et cette sur-représentation des autres groupes. Ainsi, exclus du secteur minier, « les Touaregs le sont sans doute encore
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TOUAREGS DU NIGER, LE DESTIN D’UN MYTHE
pour longtemps tant le retard accumulé sera difcile à combler d’autant plus qu’il continua de se creuser durant la rébellion. » Les échanges transsahariens sont analysés avec nesse ainsi que l’évolution des }ux, tributaires des relations entre États, le marché des changes et les tracs divers. Comme par le passé, les dattes ont été long-temps un des principaux produits d’exportation d’Algérie, et le bétail l’essentiel de l’exportation du Niger, mais les échanges ont été perturbés par l’insécurité des deux côtés de la frontière, alors qu’un important commerce de cigarettes américaines se développait frauduleusement en direction de l’Algérie et surtout de la Libye. La foire annuelle de Taman-rasset a donné lieu à une intense activité commerciale : à cette occasion, l’Algérie communique une liste des produits autorisés à l’importation et à l’exportation. On ne sera pas étonné, qu’à partir de 1984, le bétail nigérien – en particulier les ovins, mais aussi les camelins – soit exporté vers la Libye qui connaît un décit en viande important et dont les besoins se multiplient à l’occasion de l’Aïd el Kébir. De Libye arrivent des produits subventionnés, interdits à l’exportation, mais vendus avec la complicité des autorités libyennes. Comme vers l’Algérie, le commerce illégal de cigarettes américaines se développe. Enn on parle, à mots couverts, de tracs mystérieux concernant des armes et de la drogue. Le gros commerce entre l’Afrique noire et le Maghreb, et en particu-lier avec l’Algérie et la Libye, est entre les mains des Arabes : les Arabes nigériens sont le plus souvent les correspondants ou les prête-noms de Libyens ou d’Algériens. Les populations ont pris en mains ces échanges : Haoussas entre Niger et Nigeria, Arabes entre Niger et Maghreb. Après les migrations vers la forêt, vers la côte et les villes de Nigeria, du Ghana et de Côte-d’Ivoire qui constituent jusque vers les années 1970 le courant majeur, de nouvelles migrations s’organisent vers le nord : elles ne concernent plus exclusivement les habitants de la zone pastorale, en dépit de routes semées d’embûches et de tracasseries policières ; bien des jeunes migrants deviennent corvéables à merci, en raison de leur situation irrégulière dont protent les employeurs. On constate que, malgré les activités nouvelles de l’Aïr, les jeunes Nigériens n’hésitent pas à traverser le Sahara pour gagner le Sud algérien et la Libye. Parmi les migrants, on ne s’étonne pas que les Touaregs soient majo-ritaires : ils sont en effet familiers de ces routes, possèdent des relations dans ces pays, pratiquent souvent une même langue et partagent une même culture. On est frappé, par contre, du nombre des Gobirawa, des populations de l’Est nigérien et également des Aderawa plus nombreux vers l’Algérie que vers la Libye. Pour ces derniers, il s’agit d’une migration qui concerne des populations naguère attirées exclusivement vers le sud. Les récits de ces aventuriers permettent de comprendre les risques de tels voyages et les difcultés pour rassembler un petit pécule et le ramener intact.
PRÉFACE
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Le grand problème que pose ce travail est la faible part des Touaregs dans cette économie nouvelle, dans ce marché qui met en jeu des sommes considérables. Les revendications de la rébellion qui portaient, entre autres, sur l’exclusion des Touaregs de l’exploitation des nouvelles richesses minières de l’Aïr, semblent vériées. Cette exclusion s’appuie souvent sur un certain nombre de stéréotypes qui ont déni pour chaque population des aptitudes pour telle ou telle activité. Les Arabes et les Haoussas sont des commerçants qui ont su adapter une tradition com-merciale à de nouveaux marchés, qui ont su passer d’une économie de troc à un commerce qui joue avec le téléphone, le fax et sur le taux de change entre les monnaies. Le commerce pourtant n’est pas absent de l’héritage touareg, en particulier le commerce caravanier ou les activi-tés d’élevage et de commerce se fondent dans un alliage qu’ils ont su exploiter. Cette tradition se maintient chez les Touaregs de l’Aïr, les Kel Ewey, comme chez les Touaregs originaires de l’Aïr, vivant plus au sud, les Kel Geres. Les Touaregs se sont, par ailleurs, progressivement investis dans de nouveaux domaines. Lorsque les grands marchés du bétail se trouvaient sur la frontière qui sépare paysans et pasteurs, les gros marchés du sec-teur Nord de Tahoua étaient Shadawanka et Barmou ; la plupart des commerçants, des intermédiaires de vente au marché (amaddellel, plur. imeddellan), étaient alors originaires du Sud. Depuis une vingtaine d’années, des routes se sont construites, des villages et des villes ont été créés dans la zone pastorale, et de nouveaux marchés ont acquis une importance nouvelle comme Abalak, Kao ou Tchin-Tabaraden. Dès lors, des Touaregs sont devenus intermédiaires, pas encore grossistes ou exportateurs, et se sont installés dans ces nouveaux marchés qui maillent la région pastorale et rapprochent les éleveurs des lieux de vente. Mais c’est dans le domaine du tourisme que les Touaregs ont réussi à s’insérer dans cette nouvelle économie avec Mano ag Dayak comme gure emblématique, sachant séduire un public avide de déserts et faire connaître et aimer l’Aïr et le Ténéré ; sa disparition a bouleversé le marché à Agadez et a provoqué de nouvelles vocations et la multiplica-tion des agences. Cet ouvrage, qui fait appel à l’histoire, à l’économie et à la géogra-phie, nous donne une vision claire, mais jamais simpliste ou partiale, d’une région soumise à de multiples tensions : climatiques avec des sécheresses récurrentes, politiques avec la rébellion et l’insécurité, économiques avec la chute du cours de l’uranium. Les profondes modications du pastoralisme nomade, déjà perceptibles depuis de longues années, ont été accentuées par ces problèmes nouveaux qui ont été comme le révélateur d’une crise grave. Si, jusqu’à présent, les Touaregs n’occupent que des créneaux limités du développement régional et national, il faut espérer qu’ils sauront prendre leur place dans cette économie nouvelle, lorsqu’ils auront pu
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TOUAREGS DU NIGER, LE DESTIN D’UN MYTHE
créer des réseaux nationaux et internationaux à l’instar des Arabes et des Haoussas. C’est à ce prix qu’ils pourront bénécier des retombées des nouvelles richesses de leur pays. En 1978, je terminais ma thèse sur les Touaregs nigériens par cette phrase : « C’est en dénitive leur laisser la possibilité de choisir le type de civilisation qui leur convient, sans qu’ils soient pour autant connés dans une zone marginale, sorte de “réserve”, où ils seraient seulement autorisés à laisser la place aux nouvelles exploitations minières en four-nissant une main-d’œuvre à bas prix, ou à s’éteindre doucement sans faire trop de bruit. » Vingt ans après, il me faut faire amende honorable et avouer que les Touaregs n’ont pas subi passivement l’histoire comme cette phrase le laissait entendre : ils ont montré, par la révolte, la détermination de leur jeunesse à conserver une identité et à se tailler une place, enn à leur mesure, dans la région d’Agadez, comme au Niger. Pour l’instant, cet ouvrage le montre, ils n’ont pas encore réussi à s’insérer dans un État et une économie moderne : n’est-ce pas, dans ce domaine, le dé qu’il leur faut relever ?
Edmond Bernus
Introduction
1 Publier un tel livre est une tâche délicate tant le « problème » toua-reg, pour reprendre une expression employée dès 1967 par Boubou 2 3 Hama et reprise par la rébellion dans son Programme-cadre , a déchaîné les passions au début des années quatre-vingt-dix : des ouvrages, des articles de presse et des reportages sont venus alimenter les débats et les polémiques qui ont opposé les partisans aux adversaires 4 de la cause touarègue. Cette question touarègue est en effet revenue avec force sur le devant de la scène politique et médiatique avec le déclenchement d’un mouvement de rébellion qui toucha d’abord le Mali puis le Niger, l’Algérie étant épargnée par ce mouvement réalisant une meilleure intégration de ses populations. Le sujet est encore au cœur de l’actualité saharienne. Certes, les armes se sont heureusement tues après la signature d’accords de paix entre les différents fronts touaregs et les États concernés mais le fond du « problème » ne paraît pas dénitivement résolu pour autant. Au Niger, la restauration d’une paix durable dépend de l’application du traité de paix conclu à Niamey le 24 avril 1995. Or celle-ci se heurte à la banque-route de l’État incapable, sans une aide extérieure massive, de mettre en œuvre les réformes prévues dont certaines sont très coûteuses comme la décentralisation. De même, il ne peut assurer nancièrement l’intégra-tion d’une partie des ex-rebelles dans son administration civile et son armée. Enn, son budget d’investissement est trop faible pour lui per-mettre d’impulser une relance économique qui favoriserait la réinsertion de beaucoup d’autres combattants. L’insécurité résiduelle entretenue par des bandes armées incontrôlées freine de son côté le retour tant attendu des projets de développement et des touristes : la paix demeure précaire car des armes circulent encore dans la région malgré le désarmement et le cantonnement des fronts. Cet ouvrage porte sur le pays touareg nigérien bien qu’il prenne en compte des espaces qui débordent ses frontières septentrionales
1. Je remercie Edmond Bernus et André Bourgeot, qui ont accepté de lire une pre-mière version de cet ouvrage et de me faire part de leurs observations et critiques. 2. B. HAMA,Recherche sur l’histoire des Touaregs sahariens et soudanais, Publi-cation de la République du Niger, Éditions Présence africaine, Paris, 1967 (page 237). 3. Coordination de la résistance armée,Programme-cadre de la résistance, Niamey, 1994. 4. A. SALIFOU,La question touarègue au Niger, Éditions Karthala, Paris, 1993.
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