Trois femmes
185 pages
Français

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Description

Paolina avait délaissé le théâtre pour Hector, son grand amour, mais le destin va en décider autrement… Alors que l'actrice qui devait incarner le personnage principal d'une pièce étrange, Le Retour de Vénus, est victime d'un accident, Paolina est pressentie pour reprendre le rôle de Vénus, une audacieuse femme d'âge mûr. Contre toute attente, elle va remporter un vif succès… mais à quel prix ?

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 65
EAN13 9782812915840
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MarconRégis et Jacques Recettes d'été
Autres éditeurs
DU MÊME AUTEUR
Appelle-moi Emma Donner la vie,avec Sylvie Marion Et nous aurions beaucoup d’enfants Et nous dirons oui au monde Gabrielle ou le désarroi L’Environnement de l’enfant,avec Anne Denner L’Été du Diable La Constellation familiale La Femme du Sud La Réfugiée de Saint-Martin Le Regard de Myriam Le Pharmacien de Saint-Pol Les Noces de Camille Mon frère, ma sœur et moi Tota Rosa,Grand Prix RTL 1983
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. © Éditions du Rocher, 2005
©
, 2015
JACQUELINEDANA
TROISFEMMES
Pour Roxane
« La vita è troppo breve, ce ne vorrebbero due : una per provare, l’altra per recitare. »
« La vie est trop courte, il en faudrait deux : l’une pour répéter, l’autre pour jouer. »
Vittorio Gassman
« Dès lors qu’on a une vie intérieure, on mène déjà une double vie… »
Pierre Assouline
Première partie
Pauline
Chapitre 1
Pare décisive. Pas unuline n’avait pas le sentiment de traverser une heu instant elle n’avait imaginé que cette tendresse en révolte, cette violence sans éclat particulier apportaient les germes d’une autre vie. Né du hasard, d’une absence, un destin de rechange se glissait derrière la brume du quotidien. Insidieux, entêté, il grattait à la porte quand personne ne l’attendait. Julia non plus ne pressentait rien. Pourtant, si Pa uline lui résistait, son désespoir était inévitable. Sa colère, son chagrin, son égoïsme, car elle ne se préoccupait que d’elle alors qu’elle sifflait ses e xigences, allaient enclencher cet étrange engrenage. – Dis oui – sa voix était plus aiguë que d’habitude –, accepte, enfin, tu es la seule qui puisse nous sauver. Elle s’était arrêtée un instant, avait hésité, puis avait répété, le doigt en l’air, théâtrale, comme cela s’imposait en de telles circo nstances. Du moins, le pensait-elle. – La seule, oui, la seule qui puisse nous sauver. S ans toi, nous sommes perdus… La mère et la fille étaient face à face dans le sal on. Julia avait l’air d’une enfant. Ses cheveux blonds en bataille, ébouriffés d’angoisse, sa peau blanche tachée d’émotion. – Julia, ne te mets pas dans un état pareil… Les pupilles bleues de Julia, rétrécies de colère, enchâssées dans un petit lac de lumière, fixaient Pauline avec rage. Un voile s’était glissé entre la fille et la mère. Jamais elles ne s’étaient heurtées aussi brutalement. Julia avait tapé du pied rageusement : – Mais maman, comment peux-tu refuser ! Toute ta vi e tu n’as rêvé que de cela sans vouloir l’avouer… Et aujourd’hui, tu te d égonfles ! Elle se tut. Pauline se sentait mal à l’aise sous l e regard sans indulgence de sa fille, qui l’observait avec mépris. Elle se rebella intérieurement : « Moi !… Moi qui ne pense qu’à elle, qui m’ingénie à la protéger, à ne pas lui faire prendre des risques inutiles. Moi qui veux se ulement être honnête avec elle, car je connais mes limites, mes faiblesses, m es défauts. » Elle lança avec agacement : – Repoussez la générale de trois semaines et trouve z une autre comédienne, plus talentueuse que moi, plus entraînée, plus conn ue. Julia, elle, était entraînée et talentueuse. À ving t ans, elle était douée. Sa mère avait tout fait pour cela. Elle réussirait. Cela su ffisait à Pauline qui n’en demandait pas plus au théâtre et à la vie. Elle est si belle, Julia… Ces yeux d’azur, hérités de la grand-mère paternelle, une Suédoise, cette peau de lait, cette figure si fine, auréolée de cheveux blonds frisés, et les lèvres rondes et roses comme un coqu illage, plantées au-dessus d’un menton pointu mais tendre… Sans parler de l’ov ale du visage… Parfait, cet ovale. Julia, c’était le printemps. Pendant longtemps, Pauline n’avait pas imaginé qu’u ne telle blondeur pût
efantée.xister et c’était elle, la noiraude, qui l’avait en Elle avait élevé sa fille pour regagner tout ce tem ps qu’elle-même avait laissé s’enfuir, pour que Julia soit fière et sûre d’elle, armée pour la scène comme pour la vie, prompte à déjouer les pièges, expérimentée avant même d’avoir vécu. Pas question qu’elle s’use dans l’ombre comme Pauli ne. La vie de la mère aura été le brouillon de celle de la fille ; et c’est à celle-ci que devait revenir la victoire.
***
Ce jour-là, Julia toisait sa mère, lèvres pincées, œil soupçonneux… Tout ça parce qu’une vieille actrice s’était cassé le col d u fémur en se prenant les pieds dans la laisse de sa petite chienne pékinoise… Julia bousculait souvent Pauline mais, cette fois-c i, la situation était nouvelle, la fille jugeait la mère avec férocité. Alors Pauline se fâcha, cria qu’elle était fatiguée , cela ne se voyait peut-être pas, mais elle avait perdu une bonne partie de son dynamisme, se sentait rongée par tant de rêves inaccomplis, et le temps, le corps, les hormones la trahissaient. Elle ne voulait pas être jetée en pât ure aux autres alors qu’elle se sentait si faible. Elle n’avait plus vingt ans… – Ma pauvre mère… Sale gosse, sa voix voilée, si belle quand elle réc ite des poèmes, était montée un cran trop haut, et crachait des mots qui tournai ent en sarabande. – Ma pauvre mère !… Cela te plaît donc d’être une c omédienne ratée ? À trente ans, tu as renoncé. Tu as déposé armes et ba gages, avec une trop belle excuse : tu avais trouvé le grand amour, tu avais r encontré papa. Tu l’aurais suivi au bout du monde : l’as-tu assez répété ? Pau vre papa sur qui tu as fait peser le poids de tes incertitudes… Bon… Tu l’as fa it… Tu as suivi papa en Guyane. Pas de théâtre en Guyane… La belle histoire d’amour était plus pratique qu’elle n’y paraissait… Finies les ambitio ns, la scène, la lutte, écarté le danger. Tu as tout lâché… Tu aurais pu résister, le succès, cela demande du temps, des efforts, de la fatigue, tu aurais pu att endre, t’accrocher… Tu n’as pas été persévérante… Tu as eu peur de perdre. Oh ! Je sais ce que tu vas me répondre : tu as choi si le bonheur, l’amour, la famille… Tu parles ! tu as choisi le renoncement, l a frustration, la fuite plutôt que de te mesurer à la réalité. Qui te dit que papa t’a urait moins aimée si tu avais continué le théâtre, si tu ne l’avais pas suivi, so umise et amoureuse, de l’autre côté des océans ? Ose me dire que tu n’as jamais eu de regrets ! Tout es ces pièces de théâtre que tu écrivais et qui finissaient dans la corbeill e, ces spectacles d’amateur que tu organisais dans les écoles de Kourou… Comédienne de patronage, cela t’a suffi ? Quelle tirade ! Quelle méchanceté ! Pauline a parfaitement deviné ce qu’elle pense, ce qu’elle hésite encore à lui lancer à la figure… Parce qu’elle a trop crié, qu’e lle est essoufflée, qu’elle a la bouche sèche, et qu’elle a peut-être un peu peur de la réaction maternelle. Cette fois-ci, la petite est hors d’elle et n’hésit e plus. Sa mère, Bon Dieu, sa mère, comme elle est lâche ! Et vieille ! Oui, elle est vieille avant l’âge. Elle sait donner des conseils, surtout quand on ne les lui de mande pas, mais lorsqu’il
s’agit de descendre se battre sur le terrain, elle s’enfuit. Elle reprend, avec agressivité : – Aujourd’hui, c’est l’occasion de ta vie. La vieil le Nolhitas, avec ses mousselines et ses liftings, s’est cassé la gueule. Prends son rôle, on te l’offre sur un plateau d’argent, à toi, comédienne oubliée… Tu connais le texte par cœur, tu le joues bien, tu me l’as si souvent fait répéter. En trois jours, tu seras prête. Erik est d’accord, il a confiance en toi, il te connaît depuis trente ans. Les autres suivront, ils n’ont pas le choix. La vieille Gloria a déjà accepté, parce que tu ne lui fais pas peur et qu’elle compte sur toi p our lui conserver sa place bien au chaud… Tout le monde t’attend, tout le monde tré pigne… C’est la chance qui passe… Et toi, non, tu prends ton air de chaisière et tu fais la difficile, tu refuses, tu geins : je suis trop vieille, j’ai perdu l’habitude… Comme si c’était une question d’habitude ! C’est une question de talent. Tu n’as jamais eu de talent, si tu n’es pas capable de remonter sur les planches à la premi ère occasion, de tout retrouver, comme à vingt ans, retrouver la vraie vi e… Celle que l’on décide, que l’on récite, que l’on commande. Tu invoques ton âge ! Quarante-neuf ans ! Parlons-en ! Tu sais quel âge a Gloria Nolhitas ? S oixante-cinq ans !! Cela t’étonne ? Non, cela n’étonne pas Pauline, Gloria est une viei lle star, est-ce une raison pour prendre sa place ? Julia, l’air triste et buté, s’est appuyée au mur d u salon. Pauline parle avec lassitude, cette discussion l’ép uise, elle remue au fond d’elle tant de souvenirs, tant d’angoisses oubliées : – Tu t’imagines que je suis indispensable, parce qu e tu as peur. Peur de voir tout le travail de la troupe s’effondrer, des semai nes de répétition réduites à néant. Peur de jouer avec une actrice trop célèbre. Avec moi, tu es rassurée, on a tellement travaillé ensemble ! Tu te sens en terr ain familier. Tu es contente d’être débarrassée de Gloria que tu n’aimes pas, tu me réclames pour affronter ton premier grand rôle. J’arrange tout le monde : j e suis une comédienne inconnue, une doublure sans couleur, qui connaît le texte par cœur, qui a déjà travaillé avec le metteur en scène, une fourmi doci le et discrète, prête à réintégrer son logis dès qu’on n’aura plus besoin d ’elle. Pauline soupire et s’effondre sur un pouf de cuir, les bras ballants, la tête vide. Julia était une dompteuse et possédait une aisance, une assurance dont elle, sa mère, avait été l’artisan, mais qu’aujourd’hui elle lui enviait. C’est vrai, elle était terrorisée à l’idée de remon ter sur les planches après tant d’années d’absence. Cela faisait vingt ans qu’elle n’avait plus joué devant un vrai public, dans un authentique théâtre. Vingt ans qu’elle avait changé de vie. De quoi aurait-elle l’air sous les feux de la rampe , abandonnée au milieu de tous ces jeunes comédiens bien rodés, entraînés ? Elle, avec ses cinquante balais, son visage brouillé, ses rides autour des yeux, son cou qui se flétrit insidieusement, ses gestes moins souples, son corps moins délié ? Jouer aux côtés de cette fille – la sienne –, si éblouissante de jeunesse qu’elle allait certainement l’asphyxier de sa force. Elle n’a pas la moindre envie de se mesurer à sa fille. Elle est son enfant, son œuvre. Pas sa partenaire ni sa rivale. Renaître à quarante-neuf ans ? Ils sont fous !…
***
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