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Description
Informations
Publié par | Les Éditions du Net |
Date de parution | 29 octobre 2014 |
Nombre de lectures | 1 |
EAN13 | 9782312029078 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0017€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Un car pour Zada
Jacques Annabi-Perdriau
Un car pour Zada
LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2014
ISBN : 978-2-3120290-7-8
À coco
Je remercie pleinement mon épouse
Brigitte Joseph pour l’aide précieuse
apportée à la réalisation de cet ouvrage.
J. A.
Vérité
Vérité, tendre amie, j’ai allumé une bougie et sacralisé mon écriture…Pareil à la couleuvre des sables, j’ai investi ta chevelure en broussaille.
Je me suis nourri du suc de ton sang.
Tu étais endormie innocente et rêveuse, et ma pensée brûlante a goûté à la source de ta langueur…
Ta peau toute de transparence laissait à deviner l’émoi d’un Eden lointain…
Je me suis pris à t’aimer d’un amour fraternel à la fois tendre et ambigu.
J’ai osé butiner le miel de la reine des abeilles.
En songe, j’ai visité ton corps d’où s’échappaient des senteurs de myrrhe et d’encens…
Sous ta tendre pesée, mes sens se sont imprégnés des vérités premières de l’adeptat.
À L’abri du voile noir de ce rêve éveillé, je t’ai volé un peu de ton éternité, là, où ton œil et le mien n’en font plus qu’un : LE TIEN.
Livre premier
TOFLA
Au pied du Djebel Bouguetrane, sur la petite parcelle de Tofla, à portée de vue de la tribu d’AZZRA, tout près de la ferme de Aïn Cerdouc, Hamadi s’amusait à se dire intérieurement, que pour travailler si droit, sa jument devait avoir capturé l’étoile polaire. Des heures durant, haletant, il labourait profond la grasse terre de Tofla. Il surveillait le tranchant de sa charrue dont le soc poli, à la façon d’un miroir, lui renvoyait par instant sans prévenir l’éclat éblouissant d’un fugace éclair de soleil.
En bout de sillon, il jeta un rapide coup d’œil à l’ombre de l’olivier situé en bordure de la source de Aïn Cerdouc, tout près du sentier qui menait à la ferme, au travers du verger.
L’ombre dense de l’arbre au feuillage dru, croulant sous la poussée des fruits bientôt mûrs, venait lécher la pierre étrange qu’il avait posée là, sur les conseils des Anciens, il y aurait de cela bientôt dix-huit mois à la prochaine lune.
Déjà midi, constata Hamadi. Il détela, enfila la musette par-dessus le col de la jument, servit la ration d’orge bien gras.
De ce même geste répété de père en fils depuis des millénaires, assis à même le sol, les jambes croisées sous son séant, il délia le nœud du linge blanc qui retenait son repas, commença d’y fouiller pour en extraire le contenu.
Affamé, appréciant sa nourriture, son regard embrassait les plaines et les monts de Kroumirie endormis sous la chaleur écrasante d’un soleil à son zénith.
Il releva le chef, parcourut du regard le nimbe des cieux, interrogeant hardiment le cosmos et l’ensemble de la Création.
Quelque chose, comme une sorte de pensée, qu’il lui était impossible d’analyser, qu’il ne pouvait que pressentir, le fit tressaillir. Fataliste de nature, il n’en tint pas compte s’en remettant à son destin…
Rassasié et reposé, riche de ses nouvelles forces, il reprit son labeur.
À la tombée du soir, il détela la jument, ensemble d’un même pas, ils regagnèrent la ferme.
La nuit s’était posée sur la paisible parcelle de Tofla l’enveloppant d’un épais manteau de brume bleutée.
Au bord du chemin, le brabant au repos gisait immobile dans son sillon.
Hamadi prit son repas du soir en famille, soucieux du respect qu’il devait à son père, pria Si Salah de bien vouloir l’excuser.
Il regagna son abri de tourbe et de chaume, défit ses sandales de peau de mouton, souffla la mèche de la lampe à huile, s’enroula dans sa couverture de couleur et songea au lendemain, jour de repos, de fête et de grand départ.
Rêveur, il s’endormit du sommeil du juste pensant à sa promise.
LE TRIBUN
Tremblant de peur Hamadi s’approcha de la meule de fumier qu’il escalada, répondant ainsi au vœu de Mohamed, homme de confiance de Si Salah.
Dès l’aurore, la tribu s’était rassemblée, s’interpellant joyeusement, comme à chaque fois qu’un événement extraordinaire se produisait.
Aujourd’hui, c’était au tour de Hamadi de partir au désert. Mohamed n’attendait plus que Si Salah pour entamer son discours. Dès que le saint homme parut sur le seuil du gourbi qui lui tenait lieu d’abri, Mohamed, tout à son allégresse, gravit à son tour sans plus attendre le monticule nauséabond présentant son dos au soleil levant. Protecteur, entourant de son bras droit les deux épaules du néophyte, il leva la main, fit taire la foule rassemblée et entama d’une voix forte un discours improvisé.
– Musulmans mes frères, fils du ciel et de la terre, nous savons tous la nouvelle : Hamadi part au désert. Qu’il sache bien entendre et travailler avec ardeur et humilité. S’il réussit dans son entreprise, au jour de son retour, la communauté de toutes les tribus avoisinantes se rassemblera, ici même, en ce lieu béni de date immémoriale.
Dès son retour à Azzra, Hamadi sera invité à tenir récit fort et clair, si possible haut en couleurs, de la totalité des péripéties de son voyage.
Alors tous les conteurs, tous les voyageurs de passage, et ceux-là venus des quatre vents s’en retourneront égrainer à toute la planète, et ce jusqu’à ce que mémoire leur en perde, le légendaire conte de la métamorphose, qu’émailla de son éclat le combat séculier de l’ŒIL ET DU DIAMANT…
Au lendemain de ce jour béni d’entre tous les jours, son union formelle avec Aïcha sera consacrée devant toute la communauté.
La cérémonie terminée, Si Salah le meilleur d’entre nous, accompagné de sa famille, prendra le périlleux chemin de la montagne pour y terminer sa vie dans la contemplation du Très Haut !
Alors seulement, si le vote de toutes les voix de la communauté d’AZZRA lui est favorable, sans qu’aucune d’entre elles ne manque à l’appel, alors seulement le fils succédera au père dans le cœur de ses frères, parce qu’il aura su, au cours de ses épreuves démontrer à chacun d’entre nous, que son cœur est sincère et sa pensée sœur de la nôtre.
J’ai dit ! Qu’il en soit fait ainsi, que la fête commence !
AZZRA
L’œil de Hamadi scrutait le visage de Si Salah, son père bien aimé. Rentré depuis peu de son voyage à Djénavos, Si Salah était assis sur une couverture de laine aux larges bandes de couleurs vives.
À l’arrière-plan, assises en arc de cercle, les femmes d’Azzra s’activaient à en tisser de nouvelles.
Attentif, Hamadi admirait en silence le jeu agile, le geste vif et précis des tapissières aux mains fraîchement décorées au henné qui agitaient le peigne dans l’entrelacs des fils multicolores.
Aïcha se savait observée. Pour rien au monde elle n’aurait voulu laisser paraître son émoi. Le regard que Hamadi posait sur elle la troublait profondément, le rythme de son cœur lui échappait. Se reprenant et s’appliquant à l’extrême, elle s’imprima volontairement la contrainte d’une respiration mesurée.
Ses mains expertes passaient et repassaient le fil de laine. Elle se devait de terminer son ouvrage, ne serait-ce point en cette couverture que demain et tous les autres jours qui suivront, s’enroulerait, pour s’y endormir, son bien aimé au cours de sa périlleuse traversée ?
Hamadi s’en allait pour quarante jours, disait-on, quarante terribles journées, durant lesquelles il aurait à surmonter des épreuves innombrables.
Comment lui reviendrait-il ? Et Si Salah, si bon, si miséricordieux, pourquoi imposait-il un tel sacrifice à ce fils unique si vénéré ?
Aïcha sondait son cœur, mesurant combien étaient vains ses tourments égoïstes.
Au comble de l’émotion, elle fondit en prière.
Si Salah sait ce qu’il fait