Une année de grandes vacances
141 pages
Français

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Une année de grandes vacances , livre ebook

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Description

Jules et Jim, version d'aujourd'hui. Non.
César et Rosalie, peut-être ? Non plus. Pourtant, si, un peu.
Bref, Juliette et Jean, simplement.
Une vie paisible et rangée.
Et puis Juliette et Pierre et Octave.
Autre chose. L'aventure. Le danger, même.
Et sinon, où le bonheur se cache-t-il ?
La vie est-elle seulement une succession d'échecs, entrecoupée de quelques instants précieux ?
Le bonheur n'est-il pas finalement un choix ? La décision, notre liberté de le choisir, ce bonheur, de le vouloir vraiment, à un moment de notre vie ?
Une quête d'indépendance et de sens ou comment s'affranchir des normes sociales et du regard des autres pour accomplir le désir de vouloir vivre sa vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 avril 2015
Nombre de lectures 15
EAN13 9782363154545
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une année de grandes vacances


Julie de Besombes

2015
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY, un outil de production simple pour créer des ebooks aux formats epub et mobi Pour plus d'informations rendez-vous sur le site: www.iggybook.com
1
 

 
Juliette prend la sortie Compiègne Sud, elle se souvient des conseils de son moniteur de conduite : suivre la ligne blanche lorsque la visibilité est mauvaise, s’en remettre à cette géométrie rassurante.
La pluie n’en finit plus de noyer les contours, d’effacer les distances, la rectitude de l’autoroute laisse désormais place à une voie plus étroite. Un panneau rappelle au conducteur d’adapter son allure, un premier rond-point contraint, la pluie s’intensifie, Juliette s’engage pour un deuxième tour, les indications sont floues, elle choisit de suivre « Compiègne ville historique, pôle technologique ». La buée brouille sa vision, elle enclenche la climatisation, l’air froid agit plus efficacement. De grands arbres minces et décharnés bordent la chaussée, des hêtres certainement, un alignement militaire, triste. La radio grésille, les voix sont inaudibles, de longues étendues plates succèdent à cette forêt émaciée : champs en jachère, ou simplement abandonnés ? Une enseigne publicitaire émerge puis vient le déferlement de toutes les autres : Buffalo Grill, Espace discothèque, Jardiland… Les contours d’une ZAC se dessinent, pourquoi faut-il toujours entrer par ce vestibule décadent ? Les villes ont-elles perdu leur orgueil ? Elles préféraient les portes des empereurs triomphateurs. Le rond-point Charles de Gaulle est planté des drapeaux européens, une profonde ornière brise la monotonie de cette pelouse calibrée, la trace d’une roue imprimée dans la terre grasse. La chaussée humide scintille, les gouttes s’écrasent contre le pare-brise, la gorge se rétracte, peut-elle encore faire demi-tour ?
 
 
2
 

 
La Résidence Clos Eugénie II est fidèle à la description faite par l’agence Cornis fils : des abords parfaitement entretenus, un parc paysager, des troènes taillés en haie, une multitude de petits massifs « à l’anglaise ». La pluie révèle des nuances de vert, une palette de couleurs à laquelle elle n’est plus habituée, le Sud préfère les camaïeux ocre. La végétation mouillée exhale une puissante odeur d’herbe coupée, Juliette respire ce parfum à travers la vitre baissée, une senteur qu’elle avait presque oubliée, c’est un monde qui lui revient, les orages de fin d’été dans le jardin de Fontainebleau, le glas des vacances, une petite nostalgie.
Une forme en mouvement vient l’extirper de sa rêverie, elle distingue une silhouette derrière le sas vitré de l’entrée, Angélique Savreux l’attend certainement à l’abri. L’eau roule sur les parois de verre, la femme ressemble à un spectre, des contours évanescents, fumeux. Juliette sort en hâte de la voiture, elle courbe la tête comme si cette position lui permettait d’éviter les gouttes. Elle pousse la porte, la forme prend vie, elle tient à la main une chemise cartonnée sur laquelle on distingue une inscription dactylographiée : Dossier Juliette Jarry, 22 rue du Président Wilson, 60200 Compiègne .
— Mademoiselle Jarry je suppose ?
Juliette acquiesce.
— C’est toujours agréable de mettre un visage sur un nom ! Ravie de vous accueillir, j’espère que la route n’a pas été trop éprouvante ? Si vous voulez bien me suivre, l’appartement se situe au troisième étage gauche. Comme je vous l’ai mentionné au téléphone, cette résidence est très prisée : la proximité du centre-ville et de la forêt, l’eau chaude et le chauffage compris, les locataires de qualité : des personnes âgées essentiellement, une assurance de sécurité, de calme.
 
Juliette respire mal, elle sait pourtant cacher son trouble, mais il ne s’agit plus d’un trouble, elle voudrait fuir, maintenant, comment a-t-elle pu faire ça ?
Le plan de l’appartement n’offre pas de surprise, il est conforme aux constructions des années soixante-dix, l’agent immobilier déplore que la cuisine ne soit pas une cuisine à vivre , qu’elle soit une pièce à part, séparée du salon :
— Les mœurs ont changé… La cuisine à l’américaine est tout de même beaucoup plus pratique pour ce genre de petite surface… Cela dit vous avez de la chance, le propriétaire a fait une propreté , l’appartement vient d’être repeint en blanc, les meubles sont neufs, c’est rare croyez-moi… Votre dossier, impeccable, vous a donné la priorité, une fonctionnaire c’est idéal…
Juliette réussit à contenir ses larmes le temps d’un état des lieux sans fin, l’autre semble inventorier Versailles : une cafetière First line état neuf, un grille-pain inox massif sans rayures, une poêle revêtement Téflon immaculé, un…
— Immaculé ? Vous pensez qu’on peut dire ça pour une poêle ?
— Sans rayures si vous préférez ou « nickel »…
— Oh non… Écrire que du Téflon est nickel, c’est un non-sens ! Enfin… Peu importe, inscrivez ce que vous voulez.
— J’oubliais que vous étiez enseignante, le français j’imagine ?
— Je suis professeur de lettres en effet.
— Les lettres c’est bien le français, non ?
— C’est la même chose.
— Où avez-vous été mutée ?
— Collège Saint-Simon.
— Saint-Simon, vous avez de la chance, c’est relativement tranquille, enfin si on peut dire, aujourd’hui on n’est à l’abri nulle part… Surtout dans l’enseignement public. Pourquoi n’enseignez-vous pas dans le privé, les gosses sont plus respectueux dans le privé ?
— Quitte à être enseignante, autant avoir la sécurité de l’emploi.
— Ah oui, sans ça vous n’auriez jamais eu cet appartement, je vous le répète, mais moi vous savez, je vous admire, jamais je ne pourrais faire ce métier, quelle horreur ! J’ai deux enfants, parfois j’ai envie de les rendre alors trente dans une classe… Le collège en plus, c’est l’âge le pire, ils ne s’intéressent à rien, RIEN ! Avant encore il y avait la peur de l’adulte… Enfin, vous êtes toujours dans une belle ville, tranquille, Paris est à quarante minutes, Roissy à trente et maintenant il y a les vols low-cost depuis l’aéroport de Beauvais… Marseille, Milan, Barcelone…
— Merci Madame pour toutes ces informations mais il est tard, la route a été longue et demain j’ai ma prérentrée.
— Oui bien sûr, n’hésitez pas à m’appeler en cas de problème.
 
 
 
 
 
 
 
 
3
 

 
Elle referme la porte.
L’odeur de peinture fraîche est insoutenable, elle ouvre la baie vitrée du salon, le balcon est plus grand que la représentation qu’elle s’en était faite, mais elle aurait dû penser au panorama, elle imaginait une vue sur le golf, l’hippodrome ou la forêt. De l’autre côté de la rue les lumières fluettes d’une maison de retraite s’allument les unes après les autres, elle songe aux feux follets.
Un grand saule meuble le jardin nu, ce devait être le parc d’une maison bourgeoise, début XIX e siècle, certainement. Un squelette de kiosque survit sous la lumière clinique d’un lampadaire municipal, la vie est loin maintenant. Elle respire l’air humide, elle sent la mousse, les feuilles en décomposition. Elle aime la pluie pour ça, pour le bruit aussi : Par terre et sur les toits ! / Pour un cœur qui s’ennuie / Ô le chant de la pluie ! C’est ce romantisme qu’elle voulait, un climat qui incite à l’introspection, qui prenne soin de son cœur lassé ; de toute façon elle n’avait pas le choix, rester c’était continuer à enseigner dans les quartiers nord de Marseille, ça ou une académie lointaine, là où personne ne voulait aller. Elle avait choisi Amiens, les autres l’avaient prise pour une démente, Jean s’était mis dans une telle colère : le quitter pour aller vivre dans un trou au nord de Paris 

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