UNE ENFANCE À FÈS
160 pages
Français

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UNE ENFANCE À FÈS , livre ebook

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Description

Comme un tribut à la mémoire, l’auteure relate avec les yeux émerveillés de l’enfance des souvenirs et des scènes vécues durant les premières années de sa vie à Fès. Personnages, lieux, impressions, traditions et valeurs ayant appartenu à une époque révolue et qu’elle ressuscite avec tendresse et nostalgie.Le récit est aussi un maillon de la trame dont est tissée la vie à Fès dans les années cinquante, juste avant l’indépendance du Maroc.Des traditions ancestrales, un savoir-vivre spécifique et un mode de vie bien structuré vont finir par céder à la tentation d’une ascension économique et d’une certaine modernité lors du flux migratoire des familles fassies vers Rabat et Casablanca.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2018
Nombre de lectures 3
EAN13 9789954744369
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

UNE ENFANCE À FÈS
Roman © Editions Marsam - 2018
Collection dirigée par Rachid Chraïbi
15, avenue des Nations Unies, Agdal, Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Conception graphique
Quadrichromie
Impression
Bouregreg - Salé - 2018
Dépôt légal : 2018MO3902
I.S.B.N. : 978-9954-744-36-9 Amina Mtiri Saoudi
UNE ENFANCE À FÈS
Roman Couverture :
Intérieur de la maison natale de l'auteure à Fès
Derb Jiar - 1975A la mémoire de mes parents.
A Y ahia, mon mari et mon ami.
Qu’aurions-nous été l’un sans l’autre ?
Merci de m’avoir toujours hissée vers le haut.

A Myriam, Mehdi et Amine, mes enfants.
Merci d’avoir donné un sens à ma vie.
A Yasmina et Hind, mes belles-flles.
A Skander, mon gendre.
Que dure notre complicité !
A Kamil, Omar, May et Lila, mes petits-enfants.
C’est pour vous que j’ai écrit ce livre,
un modeste aperçu de ce que fut mon enfance
pour que vous sachiez d’où vous venez.7
Chapitre I
Mon école


Mon petit garçon avait trois ans. Comme chaque
début d’année scolaire, cela m’était particulièrement
agréable d’accompagner mes enfants le premier jour de
la rentrée. Une présence qui les rassurait face à l’inconnu
qui les attendait et toujours pendant ce premier petit
quart d’heure de fottement où les enfants inquiets,
scrutaient leurs camarades en quête d’un visage connu,
mon mari et moi-même saisissions l’occasion de faire la
connaissance de leurs maîtres ou professeurs et visitions
parfois les salles de classe. Pendant tout le trajet, mon
fls me tenait par la main. Une fois le portail de l’école
franchi à contrecœur, mû par l’appréhension, mon enfant
se cramponna tout à coup à mon bras, essayant d’entraver
ma marche. Bien entendu, je devinais sans peine la suite
des évènements pour l’avoir vécue à cor et à cri lors de
la première rentrée scolaire de mes aînés. Des pleurs,
des cris, des supplications et des déchirements de part
et d’autre qui fnissent toujours par une résignation
silencieuse.
Malgré ce sentiment de ferté et la satisfaction du
devoir accompli, ce n’est jamais très gai une rentrée de
classe.
J’ai pensé soudain à la mienne. Mais il ne m’en reste,
en vérité, que peu de choses ou ce que m’avait raconté
ma mère. On est trop petit pour se souvenir. De mon
temps, il n’y avait ni garderie ni jardin d’enfants. On 8 Une enfance à Fès
rentrait à l’école à sept ans, un point c’est tout. Comme
tous les enfants, moi aussi j’ai eu mon gros chagrin mais
aussi curieux que cela puisse paraître le seul souvenir
qui m’aura marqué ce jour-là n’a absolument rien à voir
avec l’école.
A l’époque, nous habitions à Fès et occupions
momentanément le Riad de mon grand- père maternel.
Celui-ci venait d’emménager à Casablanca et avait
sollicité de mes parents de s’installer dans sa maison le
temps d’en trouver un acheteur. Les lieux étant toujours
meublés, il craignait un vol ou un dégât domestique.
Cela ne dérangeait en rien mes parents qui acceptèrent
de bonne grâce puisque notre propre maison était
parfaitement bien gardée par mes deux oncles avec
qui nous cohabitions. Ce qui les a le plus décidés, je
pense, c’est le fait que le Riad se trouvant au quartier
Bouâjjara, leurs enfants n’avaient qu’à traverser le petit
pont de l’Oued Fès pour se trouver en cinq minutes à
leur école « Al Âdoua » qui était située dans le même
quartier.
Ce premier jour d’école est toujours très fou dans ma
mémoire. Nous n’y sommes restés qu’une demi-journée
d’ailleurs, le temps de faire connaissance avec les lieux,
notre salle de classe et les deux maîtres qui devaient
nous enseigner toute l’année.
Le premier était le maître d’arabe, Monsieur
Âbdelhaq, comme l’appelait tout le monde à l’école.
Un homme grand et sec au visage sévère et aux cheveux
noirs et lisses qui lui tombaient en permanence sur
les yeux et qu’il balayait toujours d’un coup de main
nerveux.
Il dégageait une telle gravité et une telle raideur que,
plus tard, à la seule évocation de son nom, nous nous
sentions littéralement paralysées. De surcroît, le ramage Chapitre I : Mon école 9
ressemblait vraiment au plumage ! Il avait la réputation
du maître le plus dur et le plus exigeant de toute l’école
et nous en faisions les frais tous les matins de la semaine
puisque l’école étant bilingue, nous avions une matinée
d’enseignement arabe et un après-midi d’enseignement
français.
Monsieur Âbdelhaq était de la vieille école, tout
comme nous le serons plus tard naturellement et
il maniait avec dextérité la règle et appliquait des
méthodes radicales. Au moindre écart, surtout lorsque
les leçons n’étaient pas bien apprises, les coups de règle
pleuvaient à loisir, et pas n’importe où. Il s’acharnait
avec ingéniosité sur le bout des doigts ramassés en
bouquet. Ou alors, il attrapait une grosse touffe de
cheveux en haut de la tête et secouait furieusement
celle-ci à la désarticuler ! Autant de pratiques non
seulement inimaginables de nos jours, mais fortement
répréhensibles, même à l’époque, mais les parents
ne disaient rien. Ils vouaient un respect excessif
à Monsieur Âbdelhaq dont le secret se trouvait noir sur
blanc dans le Coran où le statut de celui qui transmet
le savoir est presque sacré. Nos parents estimaient que
le maître était vraiment maître chez lui et puis cela
devait relever à l’époque de l’éducation générale que
l’on prodiguait à l’enfant et où les châtiments corporels
n’étaient pas en reste. Mais que justice lui soit rendue.
Il était l’excellence même ! Il nous enseignait la langue
arabe et ses fondements, la grammaire, la poésie, le Saint
Coran et l’histoire. Je dois reconnaître que durant les
années primaires où il m’a accompagnée, il m’a d’abord
inculqué l’amour de la langue arabe et grâce à lui, j’ai
acquis l’essentiel qui m’a permis par la suite d’avoir
accès à la littérature arabe et aux textes magnifques de
grands poètes égyptiens, persans ou soufs, sans oublier 10 Une enfance à Fès
les poèmes lyriques magistralement interprétés par les
grands génies de la musique arabe et qui ont séduit toute
une génération.
Le Maroc était encore sous protectorat et les écoles
à Fès étaient tenues et gérées par les Français. Il y avait
deux écoles « Al Âdoua » contiguës et régies par la
même direction. Celle des garçons où allait mon frère
et celle des flles que mes sœurs et moi fréquentions.
Monsieur Dorin, un petit homme replet et jovial qu’on
ne voyait que très rarement, tenant toujours un gros
chien en laisse, dirigeait l’école des garçons. Quant à
sa femme, madame Dorin, une petite femme brune et
menue, elle dirigeait notre école d’une main de fer et
il lui arrivait souvent, au hasard des jours, de faire des
intrusions aussi brèves qu’inattendues dans les salles
de classe, charriant toujours le même parfum bon
marché. Ces visites inopinées, sans motif aucun, avaient
manifestement pour but de signifer à tout un chacun
qu’elle tenait à l’œil tout son petit monde.
L’après-midi, c’était l’enseignement du français.
Cette tâche prestigieuse incombait à des institutrices
de nationalité française. Une excellente méthode à
l’époque qui nous a permis de maîtriser parfaitement
la langue de Molière sans avoir à mélanger les « on »
et les « an » ou les « é » et les « ai » dès la fn de la
première année. Notre maîtresse nous enseignait donc
la langue française, la grammaire, la dictée, la récitation,
l’histoire de France et bien entendu le calcul.
Je n’ai plus de souvenirs précis concernant les
maîtresses qui se sont succédé durant les années où
j’ai fréquenté l’établissement scolaire, mais il me
semble qu’elles étaient plus clémentes que le maître
d’arabe puisque les incontournables coups de règle se
faisaient sur la paume de la main bien ouverte. Et toutes, Chapitre I : Mon école 11
nous y sommes passées, particulièrement Saïda, une
petite camarade introvertie qui avait le malheur d’être
gauchère, une sorte de malédiction que les instituteurs
entreprirent de « soigner », à la méthode ancienne,
drastique et effcace, du reste. Déconcertée et sans avoir
jamais compris l’incohérence d’un tel acharnement,
l’infortunée pleurait toujours en souffant sur ses petits
doigts endoloris. Le plus insoutenable, comme pour
nous humilier un peu plus, c’était de nous envoyer au
piquet au fond de la classe sur une seule jambe. De la
persécution pure et simple. Je me souviens même d’une
camarade fragile et extrêmement émotive qui faisait
systématiquement pipi pendant son tour de coin, ce qui
lui valait en prime les foudres de la maîtresse sous forme
de quelques gifes bien sonnantes.
Nous avions sept heures de cours par jour et deux
jours de repos hebdomadaire, le vendredi et le dimanche.
Les programmes étaient bien chargés et l’école terminée,
nous devions encore nous acquitter de devoirs écrits et de
leçons à apprendre à la maison, le soir. Pourtant et assez
curieusement, malgré une discipline rigoureuse, il n’y
avait aucun règlement strict sur notre tenue vestimentaire
et nous n’avions aucune activité physique ni le moindre
cours de gymnastique.
Notre salle de classe était très agréable feurant
toujours bon des essences de bois brûlé. Vaste et bien
éclairée, elle pouvait contenir jusqu’à trente élèves.
Mais nous n’étions qu’une vingtaine. Ce premier jour
de la rentrée, on m’a placée à côté d’une flle qui a sucé
son pouce toute la matinée. Elle a bien essayé de me
parler, mais avec son doigt dans la bouche, je n’ai pas
pu comprendre un mot de ce qu’elle me disait. J’avais
remarqué en plus qu’elle avait un strabisme fort divergent,
ce qui me donna l’impression

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