Aliénor, la Reine Troubadour
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Aliénor, la Reine Troubadour , livre ebook

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Description

L’impudente Aliénor qui, à l’aube des croisades en 1147, ose demander le divorce d’avec son époux le roi de France Louis VII, ouvre la porte au plein Moyen-Âge. Elle nous apparaît avec tous ses paradoxes cette Aliénor qui oscille entre ses passions amoureuses qu’elle veut vivre à son gré et ce « fin’amor » qu’elle instaure et cultive à la Cour d’Aquitaine.
À cette époque, les chevaliers-troubadours se devaient de prendre « cœur » et de prendre « dame ». Aliénor ne faillira pas à cette tradition et, lorsqu’elle deviendra reine d’Angleterre, épousant Henri II de Plantagenêt, en secondes noces, elle ne cessera de valoriser et stimuler « l’amour courtois » dont elle ne peut se passer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 août 2015
Nombre de lectures 15
EAN13 9782374532400
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jocelyne Godard
Les Amours des femmes célèbres
ALIÉNOR La Reine Troubadour
Collection Histoire
Prendre cœur et prendre Dame
La Cour d’Aquitaine
L’enfant qui naquit ce matin-là, en l’an 1122, était certes bien entourée. Le chantre poète, son grand-père Guillaume, avait transporté sa poésie bien au-delà du temps pour en nourrir l’esprit de la jeune Aliénor qui, toute sa vie, devait y faire référence, même dans les moments les plus difficiles.
Guillaume, comte de Poitou et neuvième duc d’Aquitaine, était le premier troubadour. Il destinait ses chansons aux familiers de sa cour. Ses poèmes faisaient très forte impression. Avec ce grand-père qui savait si bien lui en parler, comment Aliénor aurait-elle pu ne pas les assimiler ?
Guillaume lui avait enseigné l’art d’en saisir les messages et celui de se familiariser avec eux. Enfant, Aliénor sut en pressentir l’essentiel même si elle ne comprit que plus tard, le sens qui devait s’y rapporter. Car l’amour courtois de cette époque qu’on appelait « Fin’Amor » traduisait l’art de modifier l’image de la femme et la place qu’elle tenait dans l’imagination de l’homme.
Et, en cela, Aliénor d’Aquitaine fut une sorte de précurseur. Elle sentait qu’il fallait faire évoluer la condition féminine.
Elle avait cinq ans quand mourut son grand-père. Mais la cour d’Aquitaine brillait encore de ses exploits poétiques.
On trouvait à présent des troubadours dans toute l’Occitanie. Ils venaient de Toulouse, de Montpellier, d’Avignon, de Nîmes. Et, de l’esprit même de ces chansons et de ces poésies devaient surgir des conceptions nouvelles, modelées tout au long de ce siècle, qui allaient former le concept de la chevalerie.
Aliénor était une belle enfant. Sa vivacité et sa joie de vivre rendaient honneur à la cour d’Aquitaine. Si elle grandissait avec la poésie dans l’âme, elle cultivait aussi, dès son jeune âge, le sens des responsabilités féminines tel que la société occitane les lui proposait. N’était-elle pas issue d’un pays, en l’occurrence sa chère Aquitaine, où les femmes gouvernaient, administraient, commandaient le royaume, le domaine, le commerce, quand les époux partaient en croisade ?
De toutes les régions occitanes, on venait réciter des textes à la cour d’Aquitaine. Cette période bien précise, située dans la première moitié du XIIe siècle où les femmes troubadours étaient à l’honneur, fut celle de la petite Aliénor.
Toute jeune, elle s’intéressait déjà à cette poignée de dames lettrées et cultivées qui écrivaient de la poésie d’amour. Elle les connaissait toutes, ces femmes troubadours, car elles signaient leurs œuvres. Elles s’appelaient Clara d’Andusa, Castelloza, Bieris de Romans, Tibors et tant d’autres qui devaient écrire encore !
Adolescente, Aliénor allait s’en inspirer. Elle qui devait se rendre maîtresse de son destin jusqu’à, plus tard, après quinze ans de mariage, « répudier » l’époux qu’on lui avait imposé pour choisir un homme qui lui convenait mieux.
Mais, pour l’instant, Aliénor n’avait pas encore été propulsée dans la vie et elle se posait à peine la question de savoir si le mari qu’on lui destinait allait lui plaire.
Alors que Pétronille, sa sœur, brodait une soierie aux dessins complexes, Aliénor regardait distraitement la jeune jongleuse qui lançait ses balles en les rattrapant tout en effectuant des contorsions étonnantes. Elle était presque nue. Sa taille était serrée dans une large ceinture qui retombait sur le haut de ses cuisses brunes.
Léïla était une jeune arabe comme il y en avait beaucoup à la cour d’Aquitaine, plus d’une centaine peut-être. Guillaume IX les avait ramenées d’Espagne. Leur grâce et leurs talents séduisaient les seigneurs. On les appelait des « joglaresas ». Ces femmes-jongleurs d’origine mauresque à demi-esclaves, à demi-libres, bénéficiaient d’un traitement de faveur, car elles pouvaient vivre comme elles l’entendaient au sein de la cour d’Aquitaine sans que personne n’y trouvât à redire, à condition qu’elles soient toujours là quand il fallait distraire la Cour.
L’influence de la culture arabe était si répandue dans toute l’Occitanie qu’il était rare de ne pas y entendre leur musique et d’y voir leurs danses.
Les envahisseurs musulmans avaient conquis, précédemment, une bonne partie du sud de la France, mais les incursions des peuples occitans avaient, par la suite, laissé leurs empreintes dans toute l’Espagne.
— Léïla, lança Aliénor à la jeune jongleuse en redressant le buste pour saisir une coupe d’eau fraîche posée sur le guéridon qui faisait face à son siège, dis à tes frères de venir me distraire.
— J’y vais tout de suite, damoiselle Aliénor.
— Fais vite, Léïla, j’ai hâte à me détendre avec leurs chansons, leurs tours d’adresse et leurs jeux habiles qui me séduisent toujours.
La jeune fille quitta précipitamment la pièce et disparut dans un tourbillon joyeux qui laissa derrière elle un parfum de rose. 
Les trois garçons arrivèrent presque aussitôt comme s’ils attendaient déjà derrière la porte l’ordre d’Aliénor, leur maîtresse.
L’un tenait un luth, un autre jonglait avec des balles et des cercles colorés, le troisième s’agenouilla devant l’adolescente, déjà prêt à chanter une douce mélodie ou à déclamer un poème.
Pétronille soupira et se tourna vers sa sœur :
— Que vais-je devenir quand tu seras partie ? Je ne veux pas rester seule ici. Oh ! Aliénor, pourquoi nous sépare-t-on ? Que va-t-on faire de moi ?
Aliénor aimait tendrement sa jeune sœur toujours un peu craintive, très réservée, assez peureuse et vite effarouchée, tellement différente de son aînée. Aliénor était si audacieuse qu’elle osait tout, expérimentait sans relâche. Parfois, elle se permettait même des extravagances sans en demander l’autorisation, d’ailleurs de qui l’aurait-elle sollicitée ?
Aliénor commandait le petit monde qui tourbillonnait autour d’elle. Elle dictait ses ordres avec autant de sérieux que d’entrain et de bonne humeur, déjà consciente des rôles qu’elle aurait bientôt à jouer dans sa vie d’adulte.
Tournée vers sa sœur, elle avisa le visage inquiet que celle-ci affichait. Ses yeux pourtant baissés paraissaient tristes, sa nuque était penchée sur sa broderie :
— Ton départ va venir si vite, se plaignit-elle en levant légèrement la tête.
— Nous resterons ensemble. Je t’en fais la promesse. Tu viendras avec moi, Pétronille.
— Aliénor, tu es sérieuse ?
— Bien sûr, il n’est pas question que nous soyons séparées.
Forçant à s’écarter le jeune arabe agenouillé à ses pieds, elle se leva prestement et courut embrasser sa sœur, assise un peu plus loin, près de la fenêtre ovale à petits carreaux qui laissait passer la clarté du jour.
L’unique fenêtre donnait sur la grande cour carrée autour de laquelle étaient alignées les écuries. De là, on ne pouvait rien manquer des allées et venues de tous les gens du château, du passage des visiteurs, des chevaliers qui, venant de faire une longue chevauchée, sautaient à terre et tendaient la longe de leur cheval aux palefreniers qui s’empressaient d’arriver.
Rassurée, Pétronille adressa un grand sourire à sa sœur et posa sa broderie sur le guéridon en fer forgé qui se trouvait près d’elle et où elle avait installé ses ciseaux, ses fils et ses aiguilles.
— Je resterai avec toi, jeta-t-elle d’une voix qui, bien qu’encore hésitante, se voulait rassurante… mais le roi de France…
— Quoi ! Le roi de France ? lança sa sœur en souriant. De qui parles-tu ?
— Il n’y a qu’un roi de France et il est pour toi.
— Oh, tu sais, il n’est que fils de roi pour l’instant.
— Mais tu devras l’épouser.
...

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