Anatole dans la tourmente du Morne Siphon
105 pages
Français

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Anatole dans la tourmente du Morne Siphon , livre ebook

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Description

En Martinique, sur le Morne Siphon, l'annonce du commencement de la guerre créa la panique au sein de la population. En ce mois d'août 1914, Anatole, surnommé Ti Totole, n'avait que douze ans. Il nous raconte ici la vie tourmentée du Morne Siphon pendant ces années de guerre et nous entraîne dans les foyers des habitants.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2010
Nombre de lectures 246
EAN13 9782336282411
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296125940
EAN : 9782296125940
Anatole dans la tourmente du Morne Siphon

Sabine Andrivon-Milton
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Du même auteur Dedicace L’ASSASSINAT DES PRÊTRES L’ANNONCE DE LA GUERRE LA REVISION LE DEPART RETOUR AU MORNE SIPHON AU TEMPS DE LA GUERRE LES RECONNAISSANCES ET LES MARIAGES LES SOLDATS AU FRONT LE PREMIER SOLDAT MORT LES PERMISSIONS LA FIN DE LA GUERRE ET LE RETOUR DES HOMMES L’ASSOCIATION DES ANCIENS COMBATTANTS DU MORNE SIPHON ÉPILOGUE Lettres des Caraïbes
Du même auteur
La Martinique, base navale dans le rêve mexicain de Napoléon III (1862-1867), novembre 1996.
S.A.M. Editions.
(Prix de l’Académie Internationale de Lutèce)
La Martinique et la Grande Guerre, novembre 2005 .
L’Harmattan
(Prix des Ecrivains Combattants, 2006)
Le livre d’or des soldats martiniquais morts pendant la Grande Guerre, novembre 2006.
S.A.M. Editions
Lettres de Poilus martiniquais, novembre 2008.
S.A.M. Editions
La Martinique pendant la Grande Guerre, recueil de poèmes et de chants, novembre 2009.
S.A.M. Editions
A Valentin Lindor † , le dernier Poilu de la Martinique
L’ASSASSINAT DES PRÊTRES
La nuit venait juste de tomber et le chant des criquets se faisait déjà entendre lorsqu’un brouhaha s’éleva au loin. On pouvait entendre des voix criant en chœur :
- Mi yo, mi yo 1
D’habitude, à cette heure, la vie s’arrêtait dans les cases et les lampes à pétrole s’éteignaient doucement les unes après les autres, plongeant le Morne Siphon dans la pénombre. Mais ce soir-là, une agitation exceptionnelle s’empara de toutes les cases qui vomirent leurs occupants à l’extérieur au passage de la maréchaussée à cheval 2 .
On venait d’arrêter Éleuthère, le fils de Man Hermancia, la marchande de mabi 3 , car il avait participé au meurtre des prêtres du Robert et du Marigot. Nous étions tous étonnés car Éleuthère était un frêle jeune homme, discret, serviable comme pas deux, toujours prêt à rendre service et à donner un coup de main à qui lui demandait. Il était le fils unique de Man Hermancia : « la prunelle de ses yeux ». Cette femme présentait un corps solide, un visage presque angélique et elle avait une peau d’un noir luisant. Une dame sans histoire vivotant comme tout un chacun sur un morne où la misère nous tenait compagnie.
Cela faisait plusieurs semaines déjà que la Martinique était toute retournée. Deux prêtres avaient été tués, calcinés et pire, on leur avait arraché le cœur et la rate.
La découverte de ces meurtres dépassait toute l’entendement.
Les anciens disaient :
- « La fin du monde était proche »,
- « Dieu ne laisserait pas passer une telle profanation sans punition »,
- « Les autres prêtres secoueraient leur robe » 4 ,
- « La montagne Pelée se réveillerait et une nuée ardente envahirait toute l’île comme pour Saint-Pierre »
Tout le monde était effrayé. Toucher à un prêtre en Martinique était plus qu’un sacrilège. Comment quelqu’un avait-il osé ? Était-ce un être humain ? Les histoires allaient bon train et se diffusaient de quartier en quartier. Personne ne voulait sortir le soir. Les prêtres ne dormaient plus seuls. On avait peur. Peur du noir, peur de ce mystère. Même Bèt a fé, le guérisseur du Morne Siphon, trouvait cet acte malsain. Il avait donné à plusieurs personnes des potions pour garder l’esprit à distance. Car pour lui, seul un esprit démoniaque pouvait avoir perpétré une telle horreur.
Pour la maréchaussée, il n’était pas question d’esprit car on avait retrouvé sur les lieux du crime des bouteilles de pétrole et des allumettes. La fouille des lieux et l’enquête menée auprès des habitants avaient déjà porté quelques fruits car il se disait dans les coins reculés de l’île qu’Untel s’était vanté d’avoir fait quelque chose de monstrueux. Tel autre avait dit que son geste permettrait de sortir le monde du chaos. Un autre affirmait qu’il possédait dans une fiole des organes très précieux. Les langues se déliaient et petit à petit, l’étau se refermait sur les auteurs de cette barbarie.
Le même jour, on arrêta aussi Polius et N’Gayo, un quimboiseur 5 très connu, habitant une commune du nord. C’est lui qui avait envoyé ses acolytes à la recherche de cœurs et de rates de quatre prêtres. N’Gayo était un vieux nègre Congo. Il était arrivé en Martinique pour travailler dans les champs de canne mais très vite, il avait montré qu’il savait faire de la magie noire. Il en avait fait son métier et avait déserté les plantations. Sa réputation était faite car, selon certaines personnes, il avait permis à Cyprien de faire disparaître son rival. Grâce à son intervention, Yvonise avait découvert que sa voisine l’épiait et cette dernière était devenue aveugle du jour au lendemain. Les histoires au sujet des exploits de N’Gayo étaient nombreuses et emplissaient nos veillées entre amis. La vue de cet homme ne laissait pas indifférente. Sa grande taille et sa peau très foncée lui donnaient l’allure d’un colosse. Certaines personnes disaient qu’on ne le voyait pas dans la nuit, ce qui inspirait encore plus de frayeur.
Le passage des coupables dans le quartier avait déclenché une émeute. La population réclamait la tête de ces hommes. L’affection des habitants pour Éleuthère disparut d’un trait lorsque l’on trouva sous sa paillasse, une boîte contenant la croix que portait l’un des prêtres. La maréchaussée eut du mal à contenir les hommes, les femmes et les enfants venus nombreux voir les criminels. Les flambeaux dansaient dans la nuit et sillonnaient les champs de canne. Des jurons s’élevaient dans la nuit. Les hommes étaient armés de coutelas et devenaient menaçants. Seule la peur des fusils pointés par les gendarmes leur barrait la route. Pour plus de sécurité, on dirigea les trois hommes sur Fort-de-France.
J’avais suivi mes frères et je les avais vus passer rapidement, près du bar de M. Pied. Certaines personnes se signaient à leur passage afin d’éloigner les esprits malsains.
Le calme eut du mal à revenir sur le morne. Même plusieurs heures après le départ d’Éleuthère et ses amis, on discutait encore et encore de cette affaire. La foule en voulait à ces hommes d’avoir touché à leurs prêtres. Elle en voulait surtout à Mme Sonson car c’est pour elle que N’Gayo avait commis cet acte de barbarie. En effet, le but recherché par le quimboiseur était d’arrêter la guerre afin que Mme Sonson puisse revoir son mari Bernabé parti défendre la France, la laissant seule avec ses quatre enfants. En allant voir N’Gayo, elle lui avait expliqué que sa peine était trop lourde à supporter et qu’elle recherchait un moyen pour stopper la guerre. Elle était prête à mettre le prix qu’il fallait. Elle possédait d’ailleurs quelques billets que lui avait laissés son mari pour faire vivre le foyer en son absence.
Pour échapper à la colère de certains habitants qui menaçaient de détruire sa case, Mme Sonson dût se réfugier sur-le-champ chez sa sœur à Grand-Rivière. Sa douleur n’avait pas de limite s mais elle ignorait que N’Gayo avait monté une telle machination. Il lui avait enlevé les billets des mains lui promettant qu’avant la fin de l’année Bernabé serait de retour ainsi que tous les soldats martiniquais. Il lui avait simplement dit de ne jamais révéler qu’elle était venue le voir et de se tenir prête à tout instant. Le travail qu’il ferait serait énorme mais elle n’était pas la seule dans le cas. Nombreuses étaient les femmes qui souffraient du départ de leurs hommes et il se devait de faire quelque chose. En effet, depuis le début de la guerre, la Martinique avait changé.
L’ANNONCE DE LA GUERRE
La guerre ! Ce mot résonnait dans toutes les têtes et était sur toutes les lèvres. Malgré la distance qui nous séparait de la France, nous étions tous concernés car dans chaque recoin de l’île il y avait un père, un frère, un cousin, un voisin qui était sur le front.
Lorsque la guerre éclata, je venais tout juste d’avoir 12 ans. Mes parents m’avaient appelé Anatole en souvenir de l&#

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