Black Hills
357 pages
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Description

Au milieu du 19e siècle, aux États-Unis, l'avancée des colons blancs atteint la région des Black Hills et des grandes plaines.


Le soir de ses fiançailles, la jeune Emma London, issue de la bourgeoisie de Chicago, est enlevée par une bande de Sioux Lakotas. Emmenée de force au village indien, Emma y restera prisonnière durant près de huit mois : huit mois de révolte et de confrontation avec ses ravisseurs, mais aussi de découverte d'un peuple paradoxalement attachant, au cœur duquel naîtra un improbable amour.


Écartelée entre ses origines et une société qui la fascine, Emma va devoir choisir.


Ce choix ne se fera pas sans danger...




AVIS


"Un formidable coup de cœur. Une lecture dépaysante, pleine d’humanité et de noblesse des sentiments, qui pousse à la réflexion, qui fait réagir. Il y a des romans comme ça que l'on verrait bien adapté sur grand écran : celui-là en fait partie."



Blog "Marie-Nel Lit"



"Black Hills est un magnifique texte à la mémoire d'un peuple qui a encore des choses à nous apprendre, un historique légèrement romancé qui adoucit une dure réalité."



Blog "Chroniques livresques"



EXTRAIT 1


Ainsi, les Peaux-Rouges et les Visages pâles avaient cohabité durant des années, s’observant sans se rejeter, sans s’aimer non plus, même si quelques idylles de circonstances virent le jour entre des trappeurs et de jeunes squaws avides de nouveauté et peu rebutées par la crasse des blancs dont le manque d’hygiène stupéfiait les indigènes. Mais les arrivées de migrants s’intensifièrent avec les années. Après les trappeurs qui opéraient en petites bandes discrètes, des troupes plus nombreuses comprenant des femmes et des enfants traversèrent le territoire des Lakotas à bord de lourds chariots bâchés. Ceux-là ne faisaient que passer, gagnant les terres de l’ouest, mais ils firent fuir les bisons, source essentielle de la survie des indigènes, et souillèrent la terre sur leur passage.



EXTRAIT 2


22 Mai 1845.


D’abord, il y a la mazurka qui n’en finit pas, qui emplit le silence de la nuit. Et puis les lumières qui s’opposent à la nuit. Des chandeliers, nombreux, dans toutes les pièces. De loin, la grande bâtisse semble une île de clarté dans une mer d’obscurité. La bourgade aux maisons de bois dort partout sauf ici. Ce n’est pas là le quotidien de la prestigieuse demeure, cette nuit diffère des autres. Au son de la mazurka, James Bentley, le riche propriétaire, fête les fiançailles de son fils, David, et de la ravissante Emma London, fille de feu Edward London de Chicago. Emma est arrivée depuis quelques semaines, pour la circonstance et pour s’accoutumer à une région de l’ouest si différente de ce qu’elle connaît. Jusqu’à ce jour, la petite ville d’Oxfield ne représentait pour elle qu’un point sur la carte muette du centre des États, une parcelle de vie dans ce qu’elle considérait comme un désert lointain et vaguement exotique. À son arrivée, elle a malgré tout exprimé son éblouissement devant la majestueuse beauté des collines herbeuses et des montagnes au vert sombre, envoûtantes, qui ferment l’horizon.

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 45
EAN13 9791096622627
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

 (Paha Sapa)
Black Hills
Christian Carlier
Black Hills
Paha Sapa
EDITIONSPLUMESSOLIDAIRES
2019,EDITIONSPLUMESSOLIDAIRES EMAIL:CONTACT@PLUMES-SOLIDAIRES.COM
SITEINTERNET:WWW.EDITIONS-PLUMESSOLIDAIRES.COM COUVERTURE:IMANEYITAYO CORRECTIONSDUTEXTE:ALAINDUTRICHE& AUDREYMOUI VÉRIFICATIONSDUBONÀTIRER:AUDREYMOUI MISEENPAGE:IMANEYITAYO ISBN-13PAPIER: 979-10-96622-49-8 ISBNNUMÉRIQUE: 9791096622627 TOUSDROITSRÉSERVÉSPOURTOUSPAYS DÉPÔTLÉGAL:DÉCEMBRE2019
«Ils nous ont fait beaucoup de promesses, plus que j e ne peux me rappeler, mais ils n’en ont tenu qu’une seule; ils avaient promis de prendre nos terres et ils l es ont prises.»
Mah'piva (Red Cloud) Sioux oglala.
Partie 1.
La capture
Chapitre 1
22 Mai 1845 D’abord, il y a la mazurka qui n’en finit pas, qui emplit le silence de la nuit. Et puis les lumières qui s’opposent à la nuit. Des chandeliers, nombreux, dans toutes les pièces. De loin, la grande bâtisse semble une île de clarté dans une mer d’obscurité. La bourgade aux maisons de bois dort partout sauf ici. Ce n’est pas là le quotidien de la prestigieuse dem eure, cette nuit diffère des autres. Au son de la mazurka, James Bentley, le riche propr iétaire, fête les fiançailles de son fils, David, et de la ravissante Emma London, fille de feu Edward London de Chicago. Emma est arrivée depuis quelques semaines, pour la circonstance et pour s’accoutumer à une région de l’ouest si différente de ce qu’elle connaît. Jusqu’à ce jour, la petite ville d’Oxfield ne représentait pour elle qu’un point sur la carte muette du centre des États, une parcelle de vie dans ce qu’el le considérait comme un désert lointain et vaguement exotique. À son arrivée, elle a malgré tout exprimé son éblouissement devant la majestueuse beauté des coll ines herbeuses et des montagnes au vert sombre, envoûtantes, qui ferment l’horizon. David Bentley est un cousin éloigné. Le mariage à v enir des deux jeunes gens a été quelque peu arrangé. Emma, qui ne connaissait son f utur époux qu’à travers une miniature peinte pour le physique et quelques échan ges épistolaires pour la personnalité, ne savoure pas les délices présumés d e cette union. Elle est jolie, jeune — vingt-trois ans — et cultivée. De quoi séduire be aucoup d’hommes. Mais elle ne se sentait pas pressée de se lier pour la vie. Son père, lui, était pressé. Veuf trop tôt, Edward London a dû faire face à ses obligations paternelles afin de donner à sa fille unique une éducation digne de son rang. Il y parviendra avec plus ou moins de bonheur. Emma, ayant montré dès l’enfance un fort caractère, préféra courir sur les trottoirs et faire le coup de poing avec le s garçons que tirer l’aiguille. Et cela ne s’améliora guère avec l’âge. Devenue femme, intelli gente de nature, de belle prestance et dotée d’une véritable érudition, elle n’en reste pas moins trop vive, trop directe. Effrontée disent d’aucuns. Ce qui ne sied pas à une lady de la bourgeoisie de Chicago. Les gracieux gentlemen de son entourage rêvent de s es charmes, mais pas de la marier. D’ailleurs, elle a, gamine, rossé certains d’entre eux qui en gardent un amer souvenir qui les prédispose à penser qu’elle ne ferait pas une épouse docile. Emma est grande — plus grande que son futur mari —, mince et élancée. Son visage à l’ovale presque parfait, des pommettes hau tes et des yeux noirs, aussi noirs que ses longs cheveux, pourraient légèrement dénote r une origine asiatique. Elle ressemble, paraît-il, beaucoup à sa défunte mère. E lle affiche physiquement une féminité sans faille qui recèle paradoxalement une étonnante vigueur et de la force. Le rire d’Emma, sans retenue, est célèbre dans les sal ons de Chicago. Encore un défaut qui amuse les hommes, mais assombrit les dames de l a bonne société. Edward London était à la fois fier de sa fille et d ésireux de l’éloigner. De plus, sa situation financière n’étant pas des meilleures, un e telle association qui réunirait les London et les Bentley devait lui être salutaire. Pa rce que James Bentley est vraiment très riche. Emma n’avait pas les mêmes impératifs d e choix, mais elle se soumit à l’autorité paternelle. Elle aimait son père. Au dem eurant, il ne l’a pas forcée. Il s’est juste montré persuasif. Edward London ne verra pas ce mariage, une maladie inattendue et incurable l’a emporté brutalement, il y a de cela maintenant six mois. La rencontre des deux jeunes
gens a été reportée afin de permettre une période d e deuil décente. Emma à cette occasion a bien pensé se délier de son engagement, mais sa situation financière l’a finalement poussée à réaliser le souhait de son père.
— ooOoo —
Dans le même temps de cette nuit particulière, des ombres mouvantes et invisibles s’approchent de l’agglomération endormie. Des caval iers progressent en silence au pas de leurs poneys dociles. Et loin de la ville, dans les premiers plis des mon tagnes sombres, il y a l’emportement sonore des tambours de guerre que l’o n bat depuis des heures, depuis qu’ils ont salué le départ des guerriers. Vingt hom mes parmi les plus jeunes et les plus forts, les meilleursbravesde la tribu. L’avant-veille, à la fin de l’après-midi, la troupe a fait rituellement trois fois le tour du village au grand galop, faisant jaillir la terre ro uge. Puis les cavaliers l’ont traversé de part en part, toujours au galop, louvoyant entre le s tipis, en hurlant et en brandissant leurs armes. Ils se sont arrêtés quelques instants devant Enapay, le chef vénéré, et les 1 sachems , cabrant leurs chevaux, les faisant tourner sur eu x-mêmes, au comble de l’excitation. Enapay, immobile, vêtu de sa plus bel le parure, la tête couverte d’une cascade de plumes d’aigle et serrant contre sa poit rine sa lance de cérémonie décorée de scalps et le bouclier sacré, affichait au contra ire un calme résolu. Il a levé lentement le bras gauche d’un geste qui se voulait solennel, il a montré la vallée. Il a dit : — Allez! Les Sioux Lakotas se sont rassemblés derrière Chayt on, le chef de l’expédition. Ce dernier a levé à son tour le bras en signe d’acquie scement et a talonné son cheval. Le groupe s’est ébranlé dans une clameur de cris rauqu es, de hennissements et de bruits de sabots. Les cavaliers ont dévalé la faible pente menant à la rivière, invisibles dans le nuage de poussière levé par la galopade. Ils ont tr aversé le cours d’eau sans ralentir, faisant voler des gerbes d’eaux, hurlant toujours. Puis les cris ont diminué d’intensité avec la distance, jusqu’à disparaître. Est resté le bruit des tambours. Les guerriers sont partis, la poussière est retombée, la nuit s’est installée. 2 Et l’homme médecine , Howahkan, danse depuis leur départ, entouré debraves et de squaws accroupis psalmodiant des chants de guerre. Quatre feux éclairent la scène. Derrière, les tipis désertés se découpent en ombres coniques. La tribu au complet s’est réunie sur cette forme de place, regroupée près des foyers. Les squaws avec parfois des bébés accrochés à leur sein. Des enfants silenc ieux, comme s’ils mesuraient l’importance et la grandeur du moment. Des vieux, a nciens combattants, des souvenirs plein la tête, leurs bouches édentées fredonnant le chant sacré. Et jusqu’aux nombreux chiens domestiques qui gémissent sans aboyer. Ils se sont rassemblés, serrés les uns contre les a utres, en cercle, pour une grande communion, pour soutenir l’expédition par la force de leur esprit. Enapay et les sachems ont rejoint le groupe, se sont accroupis pa rmi eux, ont entonné le chant à leur tour. Howahkan danse seul au milieu du cercle au so n des tambours invisibles et des crécelles agitées par des squaws. Déjà, son corps n u, couvert de peintures rituelles, luit de sueur quand il frôle les brasiers. La nuit est d ouce en cette fin du mois de mai. Il tient dans sa main gauche un éventail de plumes col orées, emblème de son pouvoir. Dans l’autre, la hache de guerre. Tous objets sacré s. Coiffé d’une toque confectionnée dans une tête de bison, portant encore ses dents et ses cornes, il est bison. Il a peint le haut de son visage, du nez au front, en rouge. Pein tures de guerre et de mort, indissociables. Lesbravesqui ont dévalé la pente étaient pareillement peints . Tous ne reviendront peut-être pas. Le shamane va danser ain si toute la nuit, sans se reposer,
acceptant seulement qu’une squaw vienne de temps à autre le désaltérer à l’aide d’une écuelle contenant un breuvage par lui-même élaboré et qui doit lui donner la force de danser pendant de longues heures. Car il ne doit ni s’arrêter, ni tomber, même au comble de la fatigue. Cela aurait la fâcheuse consé quence de faire échouer la mission et ruinerait de plus sa réputation de grand homme m édecine. Mais il n’est pas inquiet, il a confiance en ses pouvoirs. Il a de plus déjà prat iqué son art dans les mêmes conditions. Deux ans auparavant, il avait déjà dans é pour soutenir une expédition contre des Crows voleurs de chevaux. Les guerriers sioux avaient ramené plus de poneys qu’on ne leur en avait volés, et tué ou bles sé de nombreux Crows. Ils n’avaient perdu que deux hommes. Ce fut une grande victoire, et Howahkan avait partagé l’honneur de l’exploit avec les combattants. C’est pourquoi il ne ressent pas d’inquiétude. C’es t pourquoi la tribu rassemblée n’est pas inquiète. Ceux restés au campement partic ipent au combat par la communion et les chants, comme les autres le font, par la lan ce, l’arc et la hache. Et au-dessus du village, le ciel pur et constellé d ’étoiles ajoute à la sérénité.
— ooOoo —
La maison des Bentley est une demeure en dur, de pi erre blanche — ce qui a suscité son nom — comme on en voit dans le sud, avec une po rte monumentale entre deux colonnes portant un chapiteau latin. Elle trône au milieu d’un vaste jardin à la française peuplé de haies élevées dont le labyrinthe ouvre pa rfois sur de petites terrasses romantiques agrémentées de bancs de pierre et de st atues faussement antiques. Une demeure de luxe, couverte de tuiles rouges, incongr ue en ce lieu, dont l’impudente grandeur toise les modestes maisons de bois de la b ourgade. Les habitants de cette petite cité du centre de l’U nion ne sont pas argentés. Ils rêvent seulement de le devenir. Les occupants de Wh ite House, eux, sont très riches, ils le sont devenus. Ils veulent que cela se sache, que cela se voie. James Bentley a fait fortune, très facilement et en peu de temps, e n vendant tout ce qui peut se vendre dans une ville nouvelle. Il n’a eu que le mérite de voir plus loin que les autres, d’avoir appréhendé la colonisation de ces terres réputées i nhabitables et misé sur un probable et rapide agrandissement de ce qui n’était à l’orig ine qu’un village. Ici, on est loin des fastes de la côte Est, on est dans le Dakota, au pi ed des Black Hills, en territoire indien, tout au moins jusqu’à ce que les premiers colons en provenance de l’est soient venus s’y installer, une cinquantaine d’années auparavant , attirés par des terres vierges et gratuites. À vrai dire, pas vraiment vierges, car p lusieurs tribus vivaient là, depuis toujours semble-t-il. Essentiellement des Sioux Lak otas pour qui ces montagnes étaient sacrées et les plaines les bordant un formidable ré servoir de nourritures, sous la forme d’immenses troupeaux de bisons, de gibiers de toute s espèces et de rivières poissonneuses. Un pays de cocagne dédié par le Gran d Esprit à ce peuple ne vivant que de la nature. «Paha Sapa», pour les indigènes. Les arrivants, ne vivant pas , eux, que de la nature, l’avaient appelé «Black Hills». Au début, l’arrivée de ces hommes, au visage pâle e t souvent couvert de poils, sans teint et si différents d’eux, n’avaient pas ému plu s que cela les natifs qui, n’ayant pas vraiment le sens de la propriété, ne s’étaient pas inquiétés de leur présence, plutôt discrète au demeurant. En fait, les nouveaux arriva nts ne venaient là que pour piéger des animaux à fourrure. Les Sioux faisaient cela ég alement et, la région étant fort giboyeuse, il y en avait pour tout le monde. Toutefois, ils s’étonnaient de les voir remplir des sacs de ces fourrures puis les charger sur des chariots à roues et les emporter vers l’Est. Eux ne stockaient pas les peaux qui trouvaie nt immédiatement leur utilisation. Les premiers contacts furent néanmoins fructueux. Les t rappeurs avaient besoin de guides et voulaient se montrer humbles et sans mauvaises i ntentions, car les indigènes, nombreux et d’aspect farouche, les effrayaient. Les Lakotas, eux, découvraient grâce à
ces hommes des objets inédits et d’une utilité sans pareille. Peut-on imaginer ce que représente un simple chaudron de fer pour celui qui n’a jamais fait chauffer de l’eau qu’en plongeant des pierres brûlantes dans un récip ient fait d’un estomac de bison… Surtout, ils avaient découvert des armes terrifiant es, vu comment les Visages pâles abattaient des proies en dirigeant vers eux des tub es lanceurs de feu, à la détonation assourdissante. Ils avaient pensé que c’était ce bruit qui tuait, jusqu’à ce qu’ils voient le trou dans la peau de l’animal, le sang répandu malg ré l’absence de flèche. Les blancs tentèrent bien d’expliquer le maniement de ces arme s, mais ils refusaient d’essayer, n’expliquant leur efficacité que par des raisons my stérieuses et forcément occultes. Les anciens, en outre, les mettaient en garde contre tr op de nouveauté. Ils finirent par admettre que ces bâtons à feu, pour précis et effic aces qu’ils étaient, ne valaient pas leurs arcs. Le vacarme des tirs faisait fuir le gib ier loin à la ronde. Si l’on ratait sa cible, il n’y avait pas de deuxième chance. L’Indien, lui, se montrait silencieux et discret, et il pouvait décocher à suivre plusieurs flèches, souven t tout aussi meurtrières. Ainsi, les Peaux-Rouges et les Visages pâles avaien t cohabité durant des années, s’observant sans se rejeter, sans s’aimer non plus, même si quelques idylles de circonstances virent le jour entre des trappeurs et de jeunes squaws avides de nouveauté et peu rebutées par la crasse des blancs dont le manque d’hygiène stupéfiait les indigènes. Mais les arrivées de migrants s’intensifièrent avec les années. Après les trappeurs qui opéraient en petites bandes discrètes, des trou pes plus nombreuses comprenant des femmes et des enfants traversèrent le territoir e des Lakotas à bord de lourds chariots bâchés. Ceux-là ne faisaient que passer, g agnant les terres de l’ouest, mais ils firent fuir les bisons, source essentielle de la su rvie des indigènes, et souillèrent la terre sur leur passage. D’autres s’étant installés dans l es plaines, près des rivières, commencèrent à défricher des parcelles, à faire pou sser des plantes, à élever de curieux bovins. Ils construisaient des bâtisses de bois rectangulaires ancrées de façon définitive à la terre. Les Indiens ne comprenaient pas que l’on puisse modifier ainsi les paysages que seul l’Esprit de la nature avait charg e de modeler. Pour eux, il avait fait les grandes plaines vertes de l’été, les espaces im maculés de l’hiver, la forêt immuable. Ils ne se considéraient pas propriétaires de la nature, mais inhérents à cette dernière dont ils dépendaient entièrement. Il y eut des conflits. Les Indiens ne se sentaient pas obligés de faire un détour quand ils se déplaçaient et poussaient leurs poneys dans les plantations, compromettant les récoltes. Les Visages pâles dirigeaient trop souven t des bâtons à feu dans leur direction, tiraient parfois, en l’air le plus souve nt. Pas toujours. Les rapports s’envenimèrent encore quand vinrent da ns les camps de curieux émissaires tous vêtus de noirs qui allaient de tipi en tipi en arborant un livre et en débitant des flots de paroles inintelligibles. Ils comprirent que ces sombres cavaliers qui allaient en solitaire représentaient une sorte d’ho mme médecine à la façon des blancs, que le livre était sacré. En matière de sacré, les Lakotas n’avaient rien à apprendre, et les shamanes, pressentant une forme de concurrence, jetèrent l’anathème sur ces messagers d’un dieu qu’ils ne connaissaient ni ne v oulaient connaître. Certains d’entre eux, trop persuasifs et entêtés, furent éconduits b rutalement. Les visites des missionnaires cessèrent. Mais pas les affrontements entre les deux communautés. Il y eut des blessés, des morts de part et d’autre. Un statu quo finit par s’installer. Les colons, bie n moins nombreux pour l’instant, se limitèrent à une petite partie du territoire où ils se retranchèrent. Les guerriers cessèrent de roder près des villages, se contentant d’observe r avec inquiétude l’arrivée de nouveaux migrants. Ils auraient pu à l’époque les c hasser aisément. Ils ne le firent pas ou trop tardivement. Mais les incidents se multipli èrent malgré tout. Les guerriers rouges attaquaient systématiquement ceux qui s’appr ochaient par trop de Paha Sapa, saccageaient les récoltes dans les champs éloignés du village, volaient bétail et
chevaux à l’occasion d’expéditions propres à montre r que ce pays et tout ce qui y vivait leur appartenaient. En représailles, les colons qui se voyaient plus nombreux et plus forts chaque année tirèrent sans sommation sur tout Indien rencontré. Une milice à cheval fut créée, faute d’une garnison proche. Le p remier fort ne devait apparaître que plus tard, quand les conflits atteignirent leur par oxysme. Cette milice attaqua sans sommation de petits campements Lakotas dressés loin des montagnes pour des raisons de chasse ou de pêche, tuant sans distincti on les hommes, les femmes et les enfants, alimentant le terrible engrenage de la vio lence. Il y eut des prisonniers des deux côtés, toujours maltraités. Aujourd’hui, les blancs traitent les prisonniers en esclaves, s’ils ne les exécutent pas froidement. De leur côté, les Sioux arborent les sc alps des envahisseurs aux portes des tipis et sur les lances de guerre.
— ooOoo —
Néanmoins, aujourd’hui, cette nuit du 22 mai 1845, la prestigieuse propriété des Bentley, à peine isolée du village des fermiers et des trappeurs, peut imposer sans crainte apparente sa lumière et son tapage musical ostentatoires. Les Bentley sont pourtant directement concernés par la guerre entre les deux communautés. Les Peaux-Rouges représentent une mena ce pour leur commerce, qui ne peut prospérer qu’avec la venue de toujours plus de colons. James fut d’ailleurs à l’origine de la création de la milice qu’il équipe sur ses deniers propres et qui lui est tout dévouée. Son fils David prend systématiquement la t ête des cavaliers quand ces derniers décident d’attaquer quelque campement en r eprésailles à une razzia indienne. Il faut quand même vérifier que l’argent versé sans compter aux miliciens est bien employé. Mais cette nuit sera dédiée uniquement à la fête. L es quelques notables d’Oxfield sont présents, accompagnés de leurs épouses endiman chées. On est venus aussi de plus loin pour l’occasion. Une cinquantaine de pers onnes se pressent autour des tables installées dans le grand salon et sur la terrasse, sur lesquelles le propriétaire propose les mets les plus raffinés, tout au moins pour cett e région reculée et loin de la vraie civilisation. Un orchestre de cinq musiciens venus spécialement de l’Est tient les danseurs en haleine. C’est une belle fête, très réu ssie, du sentiment général. Très distinguée. James Bentley et son épouse Eugénie son t heureux et fiers. À deux heures du matin, l’ambiance bat son plein. L es convives ont déserté les tables et dansent dans le salon brillamment éclairé . Ils dansent la mazurka, c’est à la mode. Les hommes en redingotes font virevolter des femmes pourtant appesanties par de lourdes robes et des parures rutilantes. David e t Emma ont ouvert le bal. Ils sont magnifiques et forment de l’avis de tous un bien be au couple. Les dames présentes craignaient que la jeune fiancée ne les éclipse ave c une tenue qui, confectionnée à Chicago, devait dépasser en élégance tout ce qu’ell es avaient de plus beau. En réalité, Emma a revêtu une robe légère et plutôt simple, plu s adaptée à la moiteur de cette belle nuit de mai. Elle ne s’est pas non plus encom brée de bijoux volumineux. Seule concession à la solennité de la cérémonie, elle a r elevé ses longs cheveux noirs en un élégant chignon tenu par deux aiguilles d’argent. E lle porte au cou au bout d’un ruban de velours noir un petit écrin en nacre recelant un e miniature de David en redingote, posant à cheval. Elle est rayonnante et charme l’as semblée. Son cavalier en habit de velours beige et chemise à jabot se rengorge en sen tant tous les regards braqués sur ce qu’il croit être sa personne. C’est en réalité E mma qui suscite cet intérêt. Emma, charmante, qui vient de Chicago. Lui n’est à vrai d ire que le fils d’un épicier de talent. Il n’a pas même eu le mérite de fonder le magasin et n ’en sera que l’héritier. Mais, à l’instant, ses pensées sont bien loin de ces consid érations restrictives : il est David Bentley, fils de James Bentley, et il fait tourner une superbe créature qui, dans
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