Feu Pierrot - 1857-19 ?
221 pages
Français

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Description

Mon plus lointain souvenir est celui de la douleur éprouvée, alors que j’étais encore en robe, dans les bras d’un lancier de la Garde Impériale.Ce brave homme, du nom de Viélard, qui était ordonnance de mon père, à cette époque capitaine d’état-major, me portait, malgré mes quatre ans accomplis, parce que j’étais convalescent d’une fracture à la jambe droite. J’ai oublié la cause de cet accident, et je ne me souviens que de la douleur constante que je devais taire, sans doute par stoïcisme, et qui était causée par l’incessant frottement des boutons de l’uniforme et par l’incommodité de la marche si lourde du cavalier à pied.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782346124756
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
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ADOLPHE WILLETTE ET SA MÈRE
Adolphe Willette, Eugène Carrière, Félix Decori
Feu Pierrot
1857-19 ?
Boule de feu, boule de fer Si je mens, j’irai en enfer


Mon cher Willette,
 
 
Merci de tout mon cœur pour ton affectueux souvenir ; il m’est particulièrement précieux venant de l’artiste qui m’a donné et me donne toujours un plaisir si ému par la grâce, l’esprit et le cœur, tout ensemble exprimés dans le caractère le plus subtil de notre race française.
Lorsque je pense comme toi à ce lugubre atelier, cette espèce de ménagerie de chiffonniers, je suis toujours en pleine révolte.
Ce n’est pas une raison, parce que l’on trouve une fleur dans les gravats, d’en ensemencer l’étendue comme un terrain inespéré. C’est ainsi cependant que notre soi-disant éducation du beau se fait au milieu des plus barbares agressions.
Je n’ai, depuis ma sortie, jamais passé le seuil de ce lugubre et froid monument, et, dans mon dernier et seul voyage que j’ai fait à Rome, l’idée d’entrer à la Villa Médicis me paraissait tout à fait incompatible à mon être. Cela m’a paru une des ruines les plus tristes de Rome.
Tu penses que sur la pauvreté je suis d’accord avec toi, puisque c’est par elle que nous apprenons la sottise et le mépris que réserve au faible, à l’inconnu, le satisfait : on arrive de l’autre côté du tunnel, tu le sais, mon cher Willette, en quel état ! Que de blessures et de meurtrissures ! Si l’intelligence ne nous sauve pas, nous sommes perdus dans la révolte. Mais apprenons que tous sont malheureux, et tout se plaint, l’oppresseur et l’opprimé, ce dernier qui n’est souvent qu’un candidat malheureux. Le tourment de tous est évident. Il nous paraît donc que tous sont victimes d’une erreur fatale. Les manifestations de haute gloire sont encore la guerre, le meurtre, le viol, le vol, etc. : voici la forme de l’héroïsme collectif. Que doit être l’individu ? Un misérable aveugle.
C’est pourquoi, mon cher Willette, nous plaignons l’espèce dont nous sommes, et tu fais une œuvre de justice dont le pauvre monde a besoin : la fleur que tu lui donnes est celle qu’il désire, et ton génie a su la cueillir.
Mon cher Willette et mon beau confrère, je te souhaite la santé et la belle confiance dans ton labeur si utile.
Présente mes respectueux hommages à ta chère et jolie compagne, et reçois de ton vieux camarade l’affectueuse étreinte.
De tout cœur à toi, mon cher Willette.
 
EUGÈNE CARRIÈRE.
 
28 Décembre 1904.
Mon vieil et cher ami,
 
 
Il y a longtemps que je voulais t’écrire. Pour vivre éloigné de toi, ainsi que le veut la vie de Paris, je n’en conserve pas moins pour toi une amitié sincère faite d’estime, d’admiration, et aussi de bons et vieux souvenirs.
Aussi, je voulais te dire combien j’avais été ému et heureux de tes récents triomphes. Ta belle exposition aux Arts Décoratifs, les portraits si pleins d’affection fraternelle qu’a faits de toi Steinlen, tout ce passé remué, tous ces applaudissements autour de toi m’ont charmé comme si j’en avais pris personnellement ma part. J’ai ressenti ta joie comme si elle avait été ma joie !
Mon brave et vieil ami ! Comme le sort a été injuste envers toi, et comme la Fortune a été lente à venir ! Que veux-tu ! Elle est un peu fille, et elle s’est attardée à flirter capricieusement aux hasards de la route avec un tas de beaux gars, dont le talent était mièvre, mais qui savaient mieux que toi l’art de faire les jolis cœurs et d’épater les bourgeois !
Mais enfin justice t’est rendue, et le public sait, a fini par savoir — que tu étais un maître, un probe et fier artiste, bien personnel, bien français, plein de grâce et d’esprit.
Tu me diras, pauvre Pierrot, que la gloire est un peu une viande creuse et qu’il y a mieux ! N’importe ! C’est une satisfaction pour un artiste — et c’est au fond la meilleure et la plus pure de ses joies ! — de pouvoir, sans sacrifier aux mauvais goûts du jour, proclamer son idéal de forme et de beauté !
Cette heure est enfin venue pour toi, mon vieil ami, et cette lettre n’a d’autre but que de te dire que nul n’en est plus sincèrement heureux que ton vieux camarade.
Comme tu me l’écrivais dans une lettre que j’ai conservée, je t’ai vu débuter durement, j’ai su tous les heurts de ta route ; aussi je me réjouis aujourd’hui de voir plus de lumière dans ta vie et de la gloire autour de ton front !
Puisque notre sort est de ne pas nous voir, malgré notre proximité, je t’envoie mon salut fraternel et affectueux et je te rappelle, Montmartrois obstiné, que si tu descends parfois dans Paris, tu me trouveras tous les soirs chez moi vers six heures — et je serai très heureux de serrer ta main et de bavarder amicalement avec toi.
 
Ton vieil ami,                       
 
FÉLIX DECORI.
 
31 Janvier 1911.
DE LA ROBE A LA CULOTTE

Mon plus lointain souvenir est celui de la douleur éprouvée, alors que j’étais encore en robe, dans les bras d’un lancier de la Garde Impériale.
Ce brave homme, du nom de Viélard, qui était ordonnance de mon père, à cette époque capitaine d’état-major, me portait, malgré mes quatre ans accomplis, parce que j’étais convalescent d’une fracture à la jambe droite. J’ai oublié la cause de cet accident, et je ne me souviens que de la douleur constante que je devais taire, sans doute par stoïcisme, et qui était causée par l’incessant frottement des boutons de l’uniforme et par l’incommodité de la marche si lourde du cavalier à pied.
En ces temps où les trottoirs de l’avenue des Champs-Elysées n’étaient pas trop encombrés, on ne connaissait pas encore ces petits véhicules si variés et si confortables que les mamans ou les bonnes poussent, aujourd’hui, avec de si tendres soins dans les guiboles des passants patients, et dans lesquels se prélassent nos seigneurs les bébés.
Après ce souvenir de la première douleur physique ressentie consciemment, vient immédiatement celui de la douleur morale éprouvée, pour la première fois, et causée par l’injustice.
Alors trois enfants, dont moi le cadet toujours en robe (je l’ai portée jusqu’à sept ans !), élevés avec la plus rigide tendresse, nous étions ma sœur, mon frère et moi des enfants bien élevés, des enfants bien sages.

Un jour notre père nous emmena au bureau de la Division, sis rue Matignon. Avant de pénétrer dans le cabinet de son général, il nous laissa dans une grande pièce non meublée où, tout seul, jouait un certain moutard qu’à son tablier et à sa tête nue on devinait être un enfant d’intime 1 . Tous les trois. côte à côte, debout et collés au mur, face à la porte du général, nous regardions le petit garçon s’amuser ou plutôt mener un train d’enfer. Tout à coup, sans doute histoire d’épater la galerie que nous formions à nous trois, le petit polisson saisit un jeu de dames et le plaqua sur le parquet ! A l’instant même, la porte s’ouvrit ; le général apparut comme un diable chinois, et ce fut nous qui, toujours au pied du mur, attendions notre papa, qu’il accusa d’avoir commis cet abominable chahut, sans même daigner remarquer le véritable coupable rigolant au milieu de son désordre.

J’ignore si ma sœur et mon frère se souviennent de ce fait, d’apparence assez puérile ; quant à moi il m&

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