Grand-père… un gilet jaune ?!
159 pages
Français

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Grand-père… un gilet jaune ?! , livre ebook

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Description

Mon grand-père aurait pu revêtir ce gilet quand il a manifesté en 1907 avec les vignerons du Midi. À cette époque, la contamination d’un pied de vigne par le phyloxéra entraînait sa mort dans les 3 ans. Il fallait se résoudre á l’arrachage et demander un crédit à la banque pour replanter, sachant qu’il faudrait attendre 3 ans pour la prochaine récolte. Et la vente du bois arraché ne permettait que de survivre une année.
Mon grand-père n’était que journalier et en période de crise, les possibilités d’embauche se raréfiaient de jour en jour.

Informations

Publié par
Date de parution 03 octobre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312069081
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Extrait

Grand -père… un gilet jaune ?!
Bernard Carbonnel
Grand -père… un gilet jaune ?!
Roman
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2019
ISBN : 978-2-312-06908-1
Prologue
Non, Marius, mon grand-père, n’était pas un gilet jaune, comme ce retraité, poète à ses heures, fier d’avoir pu faire rimer ses revendications et qui, au lieu de les porter sur son dos, préfère les tenir à bout de bras. Pourtant, quand il a défilé avec les vignerons du Midi le 20 juin 1907 dans les rues de Narbonne, tout l’aurait autorisé à endosser ce vêtement. À l’époque, le Midi viticole traversait une crise jamais connue jusque-là. Le phylloxéra avait ravagé les vignes, les obligeant à arracher les ceps. La vente des souches leur permettait de survivre une année et ils devaient attendre encore trois ans pour que la récolte des nouveaux plants apporte enfin un revenu. De plus, lui, il n’avait pas un travail fixe, il était journalier, ce qui signifiait que quand le travail pour lequel il avait été embauché était terminé, il fallait attendre qu’un nouvel employeur ait besoin de ses services. Il va sans dire que sa rémunération n’était pas extraordinaire, puisqu’il était embauché comme tâcheron, parfois payé en partie en nature. Entre-temps, il n’y avait aucune rentrée d’argent. À l’époque, l’aide aux intermittents de l’agriculture n’existait pas. Pas plus que les Resto du cœur, seulement quelques organisations de bénévoles qui venaient secourir les plus démunis.
Comme sa région n’avait pas la possibilité de le nourrir, il avait tenté sa chance ailleurs et il l’a quittée, avec juste une poignée de sous en poche.
*
J’avais au début pensé écrire un livre en m’inspirant des mémoires de mon grand-père et raconter divers moments de sa vie à l’occasion d’un de ses repas mémorables. D’ailleurs, j’avais choisi comme titre : « Mon grand-père avait un appétit hors du commun. » Mais quand j’ai eu fini de rédiger le chapitre : « Le risotto de la révolte », j’ai été frappé par la ressemblance de ces émeutes avec les évènements des gilets jaunes, les appels à la rébellion lancés par le journaliste révolutionnaire audois Émile Dijon qui avait proclamé la Commune à Narbonne en 1871 et les incitations à continuer le mouvement par le député Ruffin en 1907. Et Clémenceau, alors président du Conseil, caricaturé en « Napoléon usagé », quand Macron était comparé à un petit Napoléon. Dans les deux cas, c’est une partie de la population qui n’arrive pas à sortir la tête hors de l’eau, se sentant oubliée de ses dirigeants.
Sans parler de Jean-Luc Mélanchon, aussi révolutionnaire que le député Dijon.

Mon grand-père Marius pendant la première guerre mondiale.
Et c’est ainsi que j’avais commencé mon roman.
P REMIÈRE PARTIE : Mon grand-père avait un appétit hors du commun
Le poulet à la broche
Mon grand-père avait un appétit hors du commun et ma grand-mère était une très bonne cuisinière. Ils avaient tout pour s’entendre. Et pourtant, j’ai assisté à une dispute mémorable. Mes parents avaient été invités à Beaufort par l’oncle Gustave. Comme ils ne pouvaient pas arriver à 7, ils nous ont laissé en passant à Espéraza, nous promettant de nous reprendre au retour. Ils devaient sans aucun doute avoir une discussion entre adultes. Quand nous sommes arrivés à Espéraza, mon grand-père était devant la cheminée et faisait dorer un poulet au tournebroche, en le flambant avec du lard, qui tombait enflammé sur le poulet et faisait grésiller la peau, répandant dans la pièce une agréable odeur. Quant à ma grand-mère, elle était dans sa cuisine, préparant les frites. À midi, nous nous sommes mis à table et mon grand-père découpa la volaille et nous annonça :
– Vous n’aurez pas de poulet tant que vous n’aurez pas fini les frites.
Ah, ces frites ! Un vrai régal. Elles mijotaient depuis 9 heures du matin dans du saindoux, à petit feu. Plus tard, quand j’ai lu Proust, la madeleine ma rappelé ces frites. En moins de cinq minutes, le plat était vide, ainsi que les assiettes. Ma grand-mère, pendant ce temps, était retournée à sa cuisine pour enfourner la tourte dans le four, afin de la manger tiède. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle est venue s’assoir à table et constater qu’il ne restait plus aucune frite. À la tête que faisait Bernardine, on voyait qu’elle n’était pas contente.
– Mais que s’est-il passé ? Pourquoi vous avez mangé toutes les frites ?
– C’est moi le fautif, lui avoua mon grand-père. Je leur ai dit qu’ils n’auraient pas de poulet tant qu’il resterait une seule frite.
– Tu ne te rends pas compte du temps que j’ai passé devant le fourneau, à les retourner régulièrement pour qu’elles soient toutes bien dorées de chaque côté. Et vous n’avez pas pensé une minute que moi aussi je les aimais. Tu ne penses qu’à ton poulet.
Mais d’où venait cette passion pour le poulet à la broche. Je l’ai comprise bien plus tard quand j’ai lu ses mémoires. Nous sommes au début du XX e siècle. Grand-père effectuait son service militaire dans la citadelle de Carcassonne, transformée en caserne. Il avait fait une demande pour rentrer aux chemins de fer et il explique pourquoi ce choix :
Il faut dire qu’à l’époque, il n’y avait pas d’autres possibilités que d’aller chercher du travail ailleurs. Dans ma région, le Minervois , on ne pouvait que cultiver la vigne. Mais le vin se vendait très mal, les cours étaient très bas et pour comble, le phylloxéra ravageait les vignes. De plus, notre propriété n’était pas suffisamment grande pour nourrir quatre personnes. Alors , j’ai tenté ma chance et j’ai fait une demande pour rentrer aux chemins de fer, car, avec le certificat d’études, j’avais la possibilité de passer le concours. C’est l’instituteur du village qui m’a poussé à y aller. La veille de ma libération, le vaguemestre m’a remis une lettre émanant du directeur régional des chemins de fer de l’État , qui m’informait, que suite à ma demande, je devais me présenter le 7 octobre prochain en gare de Rennes pour y passer mon examen. C’était en 1910. Un bon de transport en troisième classe, pour le parcours aller de Bordeaux à Rennes était joint à la convocation. Cette lettre me remplit de joie. Enfin la première occasion de quitter le pays et sa misère. Je passai au bureau du sergent major pour retirer la convocation et la somme de 0,65 francs, prix du voyage de retour dans mon foyer. Je suis rentré chez moi en tenue militaire, non parce que j’en avais le droit, mais simplement parce que mes affaires civiles étaient en loques. J’ai surtout emporté mes brodequins, pratiquement neufs, puisqu’ils n’avaient été utilisés que deux ans seulement. Il me fallait songer à mon voyage à Rennes et à trouver coûte que coûte la somme de 18,15 francs, montant du trajet allant de Lézignan à Bordeaux , car le chemin de fer de l’État ne démarre qu’à Bordeaux . N’était gratuit que le trajet Bordeaux - Rennes . Je n’avais pas un sou en poche et mes parents ne pouvaient m’avancer le moindre franc. J’étais découragé, assis sur le perron de ma maison, la tête basse. Hector , mon chien de chasse, vint se coucher à mes pieds et commença à soupirer, sentant peut-être que j’allais encore l’abandonner. « Hé oui, Hector , à peine arrivé, je dois repartir et ce coup-ci, j’ai bien peur que je ne vais pas revenir d’ici un bon moment. Je vais encore une fois de plus te confier à mon père, qui va te reprocher que tu manges trop. Heureusement que tu es un bon chien de chasse. » Tout d’un coup, je repensais à la partie de chasse que j’avais faite dernièrement avec mon cousin Anatole de Cesseras . Ma décision venait d’être prise, nous allons à Cesseras . Mon cousin Anatole était un des meilleurs chasseurs de la région et son chien ne valait pas une peau de lapin. L’an dernier, il m’avait dit que le jour où je voulais vendre mon chien, que je ne cherche pas acquéreur ailleurs, que je le lui fasse savoir et il viendrait le chercher. Donc , c’était décidé. Comme de toute manière, il fallait que je me sépare de mon chien, autant le confier à une nouveau maître qui

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