Journal d un interné: Compiègne, Drancy, Pithiviers, 12 décembre 1941-23 septembre 1942. Volume 2: Souvenirs et lettres
144 pages
Français

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Journal d'un interné: Compiègne, Drancy, Pithiviers, 12 décembre 1941-23 septembre 1942. Volume 2: Souvenirs et lettres , livre ebook

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Description

Benjamin Schatzman (1877-1942) a eu une solide formation religieuse : son père était sacrificateur rituel, l'enfant a fréquenté l'école de Zikhron Ya'akov, fondée dans la Palestine ottomane par le baron Edmond de Rothschild très attaché et à la France et aux traditions juives. Par la suite, il est devenu entièrement incroyant, mais n'a pas oublié l'hébreu de son enfance. En 1942, alors qu'il était interné au camp puis à l'hôpital de Compiègne il fut arrêté lors de la rafle dite «des notables», le 12 décembre 1941 , il rêvait d'un grand bonheur : être réuni avec les siens autour de la table du premier soir de Pâque où c'était toujours lui qui lisait dans le texte le récit de la Sortie d'Égypte. Ce bonheur lui a été refusé. Le récit de la Sortie d'Égypte, d'origine rabbinique, dit que l'

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2020
Nombre de lectures 6
EAN13 9782304048315
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Benjamin Schatzman
Journal d’un interné
Compiègne, Drancy, Pithiviers 12 décembre 1941 – 23 septembre 1942
Volume II Souvenirs et lettres
Présenté par Evry Schatzman et Ruth Schatzman
Collection T É moignages de la Shoah

Le Manuscrit
Paris


ISBN: 9782304048315
© Éditions Le Manuscrit, 2005
Benjamin Schatzman




Présentation de la collection « Témoignages de la Shoah » de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah (FMS)
En lançant sa collection « Témoignages de la Shoah » avec les Éditions Le Manuscrit, et grâce aux nouvelles technologies de communication, la Fondation souhaite conserver et transmettre vers un large public la mémoire des victimes et des témoins des années noires des persécutions antisémites, de 1933 à 1945.
Aux nombreux ouvrages déjà parus la Fondation espère ainsi ajouter les récits de celles et ceux dont les voix sont restées jusqu’ici sans écho : souvenirs souvent enfouis au plus profond des mémoires individuelles ou familiales, récits parfois écrits mais jamais diffusés, témoignages publiés au sortir de l’enfer des camps, mais disparus depuis trop longtemps des rayons des bibliothèques.
Si quelqu’un seul ne peut décrire l’indicible, la multiplicité des récits peut s’en approcher.
En tout cas, c’est l’objectif que s’assigne cette collection à laquelle la Fondation, grâce à son Comité de lecture composé d’historiens et de témoins, apporte sa caution morale et historique.
Face à une actualité où l’instrumentalisation des conflits divers tend à obscurcir, confondre et banaliser ce que fut la Shoah, cette collection permettra aux lecteurs, chercheurs et étudiants de mesurer la spécificité d’une persécution extrême dont les uns furent acteurs, les autres, complices, et face à laquelle certains restèrent indifférents et les autres héroïques.
Puissent ces ouvrages inspirer à leurs lecteurs le rejet de l’antisémitisme et de toute autre forme d’exclusion, ainsi que l’esprit de fraternité.
Consultez le site Internet de la FMS : www.fondationshoah.org


Comité de lecture de la collection (2005)
Serge Klarsfeld, président
Gérard Gobitz, survivant de la déportation
Katy Hazan (OSE), historienne
Dominique Missika, historienne
Denis Peschanski, historien
Paul Schaffer, survivant de la déportation
Philippe Weyl, responsable de la collection

Benjamin Schatzman dans les années 1930

Journal officiel de l’État français du 18 février 1943,
« Praticiens d’origine étrangère auxquels l’exercice
de leur profession est interdite »


1. Souvenir s et réflexions
Souvenirs
Régime et distributions alimentaires à Royallieu
Nous avions, en fait, trois sortes de distributions alimen-taires : 1) 1 la distribution officielle faite par les Allemands, celle des achats faits à la cantine et celle, les derniers temps, faite par la Croix-Rouge 1 .
La distribution faite par les Allemands consistait, comme je le disais ailleurs, en la soupe de midi, le pain, qui était généralement distribué à partir de 16 heures, les derniers temps, plus de la margarine et de la confiture. Les boules de pain devaient peser au maximum un kilo. Personne, en somme, ne savait son poids exact, car on prétendait que le poids était aussi de 800 à 900 g. En tout cas, on avait droit au maximum à un quart de boule pour vingt-quatre heures. Ces dernières semaines, le quart était plus rare et sous le prétexte que les boules étaient un peu plus grandes, elles étaient données avec le droit à un cinquième ou un sixième, généralement un jour sur deux. C’était l’inquiétude de l’après-midi, aurait-on un quart, ou un cinquième, ou un sixième de boule. Ces boules distribuées, il fallait les découper et les partager en parties égales à chacun, sans avoir de balance. Les uns n’étaient pas à 10 ou 20 g près, d’autres ne pouvaient supporter l’idée d’avoir une si petite quantité en moins. Entre groupes, on s’arrangeait à tirer au sort.
Ce pain était apprécié comme saveur et qualité. La margarine était distribuée après avoir été découpée en morceaux par un des compagnons de la chambre chez nous et il réussissait à faire très bien ce découpage en parties à peu près égales. Pour la margarine, il n’y avait pas de discussions, et la quantité donnée à chacun ne devait pas dépasser sept grammes. Au début, on en recevait presque le double. Mais la confiture, qui était toujours bonne, n’était pas distribuée régulièrement tous les jours. La quantité distribuée était une cuillerée à soupe aux deux tiers ou aux quatre cinquièmes remplie. Il faut que je dise que chaque chef de chambre était d’abord appelé chez le chef de chambre du baraquement et que c’était chez lui que se faisait la distribution pour chaque chambre suivant le nombre des occupants.
Tout était d’abord apporté chez le chef du baraquement, les achats à la cantine et de la Croix-Rouge.
Voilà en quoi consistait l’achat à la cantine : les Allemands, ayant autorisé l’installation d’une cantine dans le camp des Juifs, chaque fois que cette cantine pouvait faire entrer un achat important, il fut entendu, pour que tout le monde en ait un peu, cet achat devait être distribué entre les baraquements d’abord. Voici quelles sortes d’achats ont pu être faits par elle : des sardines salées, des petits anchois, des petits gâteaux secs, collés par deux au moyen d’un peu de confiture. Je n’en ai pas vu à Paris, quelques oranges, citrons, endives, et oignons et pommes. Nous étions si nombreux que, finalement, quand chacun de nous recevait deux sardines ou anchois, on était contents. Nous avons eu une distribution au courant de février, une distribution de rollmops (je suppose que cela s’écrit comme cela), car je ne connaissais pas le nom de ces filets de gros harengs ou grosses sardines, roulés en boules, et marinés dans une sauce aromatisée au vinaigre. La quantité donnée à chacun était plus substantielle, mais c’était toujours la même chose, nous n’avions pas besoin de manger quelque chose qui donne de l’appétit, cela on l’avait toujours, mais nous avions surtout besoin de pain. Le manque de pain devenait une souffrance de plus en plus intolérable.
Le pain était l’aliment essentiel, et, n’en ayant que si peu, il fallait, chaque fois qu’on recevait sa ration, faire un effort d’arrachement pour s’arrêter de tout manger à la fois. Cette sorte d’arrachement restera le souvenir le plus pénible et le plus triste que nous ayons connu. Le plus souvent, on mangeait le soi-disant dîner qui, en somme, n’était ni un goûter ni un dîner, mais une mise en appétit. Manger un morceau de boule, en petites tartines couvertes d’un peu de margarine et d’un peu de confiture, ne pouvait absolument pas suffire pour nous nourrir et nous faire attendre jusqu’à la soupe du lendemain, même quand nous avions une sardine ou deux petits anchois en plus ! C’était pour tous la torture de la faim ! On comprend que ceux qui avaient de l’argent et qui avaient à choisir entre un morceau de pain ou cet argent qui n’était pas mangeable, n’hésitaient pas à offrir des centaines de francs pour un quart de boule. En mars, avant mon départ, le quart valait ou était payé 300 F 2 . Quant à moi, pour avoir suffisamment de pain pour la soupe, j’ai pris l’habitude de ne pas manger le lendemain matin. Comme je ne me levais pas avant 11 heures, je me contentais pour la matinée des deux quarts de tisane que je buvais à 8 heures. Cela me faisait, en moyenne, quinze à seize heures à rester sans aucune nourriture. Cette vie, je l’ai menée pendant un mois avant d’être évacué, et, c’est certainement à ce moment que j’ai le plus maigri et me suis le plus affaibli ! Mais il n’y avait pas moyen de faire autrement. Quoi que j’aie pu faire, je n’aurais pas mangé plus. Et le fait d’avoir tout mangé, de n’avoir absolument rien à sa disposition, si on était après poussé par la faim à manger quelque chose était une sensation affolante et douloureuse.
En conclusion de cela, je ne prenais que deux repas par jour, espacés entre eux en moyenne de cinq heures, ce qui fait que je restais sans aucune nourriture pendant dix-neuf heures par jour. Si ce que je pouvais manger avait contenu les éléments essentiels pour me donner les calories et les éléments suffisant

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