L Algérie et l Opinion
70 pages
Français

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L'Algérie et l'Opinion , livre ebook

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Description

L’OPINION est la reine du monde, a-t-on dit dès la fin du XVIe siècle ; et son avènement fut salué comme un bienfait.Peut-être cette princesse se montrait-elle alors sous les traits d’une jeune femme savante et ingénue, fière et modeste tout ensemble, d’une Jeanne Gray, par exempleElle est aujourd’hui devenue la souveraine la plus despotique, la plus passionnée, la plus vaine, la plus aveugle, la plus capricieuse, etc., etc.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346100729
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
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Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
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Paul-Dieudonné Fabar
L'Algérie et l'Opinion
L’ALGÉRIE ET L’OPINION
L’OPINION est la reine du monde, a-t-on dit dès la fin du XVI e siècle ; et son avènement fut salué comme un bienfait.
Peut-être cette princesse se montrait-elle alors sous les traits d’une jeune femme savante et ingénue, fière et modeste tout ensemble, d’une Jeanne Gray, par exemple
Elle est aujourd’hui devenue la souveraine la plus despotique, la plus passionnée, la plus vaine, la plus aveugle, la plus capricieuse, etc., etc. : c’est une vraie Catherine II.
C’est pis encore, si vous voulez, c’est une folle assise sur le trône. Mais enfin, puisqu’elle règne, et que ni charte, ni chambres, ni émeutes ne sont là pour brider ses écarts, on ne peut en appeler d’elle qu’à elle-même.
De Philippe ivre, à Philippe à jeun, comme faisait le plaideur macédonien.
L’opinion française a le cri perçant du coq gaulois, et, matinale comme lui, c’est elle qui donne l’éveil àl’opinion de l’univers. Loin d’abuser dans un intérêt personnel de cette influence glorieuse, elle l’exerce presque toujours à son propre détriment, et au profit de l’Angleterre qui a su la rendre négrophile, qui l’aurait volontiers rendue libre-échangiste, qui lui jouera bien d’autres tours.
Mais il ne s’agit point ici d’énumérer ses illusions, divagations, déceptions sur toute espèce de matière. Un volume n’y suffirait pas.
Entrons de suite en ALGÉRIE.
Ce qu’elle est et ce qu’on en pense forment un contraste assez piquant pour défrayer pendant quelques minutes l’attention la plus frivole ; et les points de vue en sont assez nombreux pour que leur esquisse à grands traits remplisse une brochure.
La conclusion sera des plus morales ; elle nous montrera vrais et dignes petits-fils de nos grands-pères, dont l’opinion sur toute chose lointaine, originale, exceptionnelle, fut si bien caractérisée par ce mot devenu célèbre : Peut-on être Persan !

*
* *
1830-1840
Jamais l’opinion de la France au sujet de l’Algérie ne fut moins erronée qu’à l’époque de cette belle conquête.
La France n’avait alors sur elle absolument aucune opinion.

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* *
Le lieutenant-général, comte de Bourmont, ministre de la guerre et commandant en chef l’expédition, donna la mesure exacte de ce qu’on savait alors en France sur l’Algérie.
Par exemple, il jugea nécessaire d’avertir ses soldats, dans une proclamation (Bonaparte en avait bien fait une en partant pour l’Égypte), que les Arabes conduisaient au combat une multitude de chameaux, mais qu’au total, ces quadrupèdes n’étaient pas si méchants qu’ils en avaient la mine.
Nos braves, si bien renseignés, ne s’étonnèrent que d’une chose, soit au débarquement, soit au combat de Staouèli, ce fut de ne pas découvrir le plus petit chameau.  — Après l’explosion du fort l’Empereur, le Dey jugea fort sagement que son heure était venue. Il demanda d’être admis à capituler.
On lui répondit.... Ah ! cette réponse eût mérité l’examen le plus sérieux. Puisqu’elle entrait dans l’ordre naturel des probabilités, le ministère aurait pu la délibérer d’avance en conseil, même avant le départ de l’armée, y réfléchir depuis, en peser toutes les conséquences. Peut-être l’a-t-il fait ? Dans ce cas, c’est son défaut de lumières qui ressort, au lieu de son imprévoyance.
Bref, on répondit au pacha par l’offre d’une capitulation beaucoup plus favorable qu’il ne l’eût jamais demandée. Voilà bien cette fausse grandeur dans laquelle nous aimons à nous draper !
Le plaisant (et le triste à la fois), fut d’insérer dans cette pièce des articles onéreux pour nous, et de nul intérêt pour l’autre partie contractante. Ainsi, nous nous y engagions à conserver dans leurs vies, biens, immeubles et propriétés quelconques, tous les habitants de la ville d’Alger. Vous pensez quel dut être l’étonnement du Turc, lorsqu’il vit qu’on lui promettait de respecter des choses dont il ne s’était jamais soucié lui-même, qu’il avait toujours sacrifiées à ses moindres caprices.
Comme il eût été loin de s’aviser d’un tel article ! N’était-ce pas un de ses prédécesseurs qui, s’informant des frais du bombarbement d’Alger par Duquesne, avait conclu de la sorte : « Grand Dieu ! Pour la moitié de cette somme, j’aurais brûlé la ville entière. »
Hé bien, un article si bénévole a causé plus de malheurs qu’il n’était gros, plus d’embarras qu’il n’était niais. En effet, la reconnaissance de l’ancienne propriété s’y trouvait implicitement comprise, avec ses formes incomplètes et ses titres irréguliers. On n’imagina pas d’en restreindre au moins le bénéfice aux immeubles urbains, on l’étendit à ceux qu’aucune enceinte ne protégeait, même fictivement, et dont nous étions déjà maîtres avant la capitulation.
Aussitôt les spéculateurs s’abattirent d’Europe sur l’Algérie ; ils achetèrent, arrachèrent, extorquèrent de toutes mains ; et delà vint ce désordre de la propriété, aux environs d’Alger, que tant d’ordonnances royales et d’instructions ministérielles ont si vainement combattu. Le tout, par suite de la stipulation la plus gratuite dont jamais vainqueur ait fait l’offre à un ennemi hors d’état de l’exiger, et ne songeant pas même à l’obtenir ; le tout, enfin, pour remonter aux causes premières, par suite de la supposition bizarre que ce pacha des douze mille Turcs, oppresseurs de l’Algérie, devait avoir, pour ses sujets, les entrailles d’un roi constitutionnel, père du peuple.
Notre marche eût été trop facile si nous n’eussions roulé nous-mêmes devant nous cette grosse pierre d’achoppement, En effet, les Algériens, une fois rendus à merci, qui nous empêchait de leur dire : « Par droit de conquête, le gouvernement français s’empare de tous les immeubles. Mais il les concédera gratuitement, avec des titres nouveaux et réguliers, aux indigènes qui en feront la demande et qui justifieront de leur propriété antérieure. La validité de leurs titres sera soumise à un conseil institué ad hoc. Nul immeuble ne pourra être aliéné sans avoir obtenu cette homologation, et ceux qui ne la posséderaient point encore au bout d’un délai de dix ans, seront acquis sans retour à l’État. »
Les personnes qui ont étudié la matière ne peuvent méconnaître qu’une mesure si simple eût coupé court à tout abus ; elle prévenait l’agiotage, elle constituait clairement la propriété, elle punissait d’une confiscation indirecte au profit du domaine, les mécontents, les émigrés, et ceux qui étaient allés combattre dans les rangs de nos ennemis.
Dix lignes pour épargner dix ordonnances et vingt ans de confusion ; car on n’est pas au bout.
Mais revenons à la conquête.
M. de Bourmont fut persuadé que la richesse d’une ville comme Alger, consistait uniquement dans le trésor de la Casbah. Toute son attention, toute l’intelligence des conquérants parurent être absorbées dans le compte et le transport d’une somme de 30 millions, Pendant ce temps, les mille autres ressources du petit état, les magasins de bois, de vivres, de fers, d’outils, les dépôts d’armes et d’agrès, les ateliers publics, le matériel de guerre, les poudres, la corderie, tout fut abandonné, tout fut pillé de fond en comble. De plus, comme on n’avait pas

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