La terreur en Macédoine
464 pages
Français

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La terreur en Macédoine , livre ebook

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Description

Louis Boussenard (1847-1910)



"C’est là-bas, aux confins de cette Macédoine, terre d’Europe, si proche et pourtant si lointaine... terre inconnue de nous, les gens d’Occident, mystérieuse, belle et malheureuse, une victime suppliciée par deux fléaux terribles, le Turc et l’Albanais.


Macédoine !... une province ?... un royaume ?... une république ?... un État quelconque ?...


Non ! un souvenir historique, glorieux et stérile ; une abstraction géographique sans unité, sans forme et sans limites. Une sorte de Pologne, qui n’est ni serbe, ni grecque, ni bulgare, et qui est tout cela ; une âme slave et chrétienne à laquelle la conquête veut donner un corps turc et musulman.


Des circonscriptions ottomanes, des gouvernements quelconques découpent l’ancien empire d’Alexandre en vilayets qu’administrent des valis plus ou moins pachas, nommés par le sultan.


Il y a le vilayet de Sélanik avec Salonique pour chef-lieu ; celui de Skodra ou Scutari, chef-lieu Scutari ; celui de Monastir ; celui de Kossovo – Kossovo le Sanglant ! – chef-lieu Prichtina...


C’est un pays de culture et la terre y est féconde. Mais la population y est clairsemée. Elle devrait être énorme, opulente et heureuse..."



Macédoine au début du XXe siècle. C'est une belle journée qui commence. Joannès épouse Nikéa, la fille du maire. Le village est en liesse jusqu'à l'arrivée de Marko et sa troupe de bandits albanais venus pour rançonner le village...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 octobre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782384421312
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La terreur en Macédoine


Louis Boussenard


Octobre 2022
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-131-2
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1129
Au lecteur

Il est aujourd’hui des pays qui, depuis des années, sont ravagés par le feu, décimés par le fer et noyés dans le sang.
Et non pas de ces contrées lointaines, encore mystérieuses, où quelque tyran nègre ignorant et féroce, moitié homme et moitié fauve, massacre pour l’immonde joie de tuer.
Non ! ces pays martyrs font partie de notre Europe civilisée, orgueilleuse de ses arts, de ses sciences, de ses découvertes et de ses génies ! J’ai nommé la Bulgarie, la Roumélie, la Macédoine, l’Épire, nations chrétiennes d’Orient que torture à merci le maître musulman.
Et c’est ainsi que des populations honnêtes, laborieuses, inoffensives, sont journellement en proie au vol, au pillage, à l’incendie, au brigandage organisé, à la mort dans les supplices les plus effroyables que puisse inventer la tyrannie la plus atroce et la plus raffinée.
J’ai voulu être l’écrivain de ces souffrances qui passent l’imagination. Et j’éprouve le scrupule bien naturel de vous dire : « Ce récit, documenté avec le plus grand soin et puisé aux sources les plus authentiques, sera toujours conforme à la vérité. Mais, pourtant, cette vérité devra être plutôt atténuée, car il est de ces horreurs que l’on ne peut écrire... »
Je raconterai donc avec tristesse et sincérité les atrocités poignantes dont souffrent les chrétiens d’Orient. Je serai narrateur fidèle et impartial, sans faire intervenir et sans discuter les croyances et sans la moindre préoccupation confessionnelle. Si notre pitié est acquise aux martyrs, c’est parce qu’ils sont avant tout des hommes. Et l’homme qui souffre a droit à notre compassion et à notre respect, quelles que soient son origine, sa nationalité, sa couleur ou sa foi !
C’est pourquoi, aussi, en écrivant ces lignes, je me joins de toute mon âme à ceux qui réclament au nom de l’humanité, pour les martyrs d’Orient, la fin d’une tyrannie qui déshonore un régime et une époque.

L. B OUSSENARD .
Première partie
À feu et à sang
I
En Macédoine. – Fête de famille. – Jeunes époux. – Joie et crainte. – Bonheur précaire. – Marco le Brigand. – Le tchetel. – Le léopard et les douze apôtres. – Oreille coupée. – Pillage, rapine et vol. – Bandit féroce et railleur. – Il faut payer... l’usure de la mâchoire ! – Paroles indignées, mais imprudentes. – Bagarre.

C’est là-bas, aux confins de cette Macédoine, terre d’Europe, si proche et pourtant si lointaine... terre inconnue de nous, les gens d’Occident, mystérieuse, belle et malheureuse, une victime suppliciée par deux fléaux terribles, le Turc et l’Albanais.
Macédoine !... une province ?... un royaume ?... une république ?... un État quelconque ?...
Non ! un souvenir historique, glorieux et stérile ; une abstraction géographique sans unité, sans forme et sans limites. Une sorte de Pologne, qui n’est ni serbe, ni grecque, ni bulgare, et qui est tout cela ; une âme slave et chrétienne à laquelle la conquête veut donner un corps turc et musulman.
Des circonscriptions ottomanes, des gouvernements quelconques découpent l’ancien empire d’Alexandre en vilayets qu’administrent des valis plus ou moins pachas, nommés par le sultan.
Il y a le vilayet de Sélanik avec Salonique pour chef-lieu ; celui de Skodra ou Scutari, chef-lieu Scutari ; celui de Monastir ; celui de Kossovo – Kossovo le Sanglant ! – chef-lieu Prichtina...
C’est un pays de culture et la terre y est féconde. Mais la population y est clairsemée. Elle devrait être énorme, opulente et heureuse...
Certes, partout, dans les villages aperçus de loin en loin, tout blancs sous leurs toitures rouges, c’est le labeur obstiné, c’est l’ardente lutte pour la vie, c’est parfois et pour un moment l’abondance. Mais c’est aussi et toujours l’insécurité, la violence, la terreur !
« Si tu construis une maison à Ipek, dit un proverbe macédonien, ne mets jamais de fenêtres sur la rue ; à Prichtina, tu peux en mettre au premier étage. Mais à Prizrend, avec de bonnes barres de fer, tu peux essayer d’en ouvrir au rez-de-chaussée. »
Il s’agit de villes ayant de quinze à vingt-cinq mille habitants qui, groupés, peuvent se défendre contre les bandits de la montagne.
Quant aux villages ouverts à tous les vents, à tous les intrus, à toutes les convoitises ?... Leur position est effroyable. Écoutez plutôt.
À quelques lieues de Prichtina, le village de Salco est en fête. Et cette fête est d’une surabondance, d’une grandeur et d’une simplicité bibliques.
Nikéa, la fille du maire – mouktar – Grégorio Perticari, épouse Joannès, le fiancé adoré, l’ami si cher de ses jeunes années. Un couple magnifique.
Elle, d’une beauté triomphante, comme son nom venu du grec : Nikê, Victoire. Beauté célèbre qui lui a valu et mérité là-bas le nom de Nikéa la Belle, comme celui de notre ville d’azur et de soleil, Nice la Belle, qui fut aussi Nikê dans l’harmonieuse langue des Hellènes.
Blonde comme les épis, avec des yeux de saphir, noyés de tendresse, une bouche de rose qu’entrouvre l’heureux sourire de ses vingt ans... sourire d’amour, d’espoir, de félicité, et dont l’ineffable caresse ravit le jeune époux.
Lui, brun comme une tzigane, avec des cheveux d’un noir bleuâtre, des yeux de velours, larges, magnétiques, luisants comme des diamants noirs. Une fine moustache cache à peine ses lèvres violemment pourprées ; son menton recourbé, à la romaine, indique l’énergie, cette vertu qui manque aux Slaves ; ses épaules carrées, ses mains courtes, nerveuses, dénotent la vigueur. Avec cela, un regard de flamme, une voix de métal, une âme d’enfant naïf et bon, un cœur loyal et fidèle comme l’acier.
Le père vient de les bénir. L’œil obscurci par une larme attendrie, la voix tremblante, il ajoute :
« Enfants, soyez heureux !
« Les temps sont troublés... le présent est cruel et l’avenir sombre... mais vous avez santé, vigueur, amour, et votre âge est celui de l’espérance...
« Espérez, enfants ! et que rien ne vienne troubler la félicité de ce beau jour.
« Espérez et soyez heureux ! »
Ces paroles du vieillard sont écoutées avec une émotion profonde. Il y a quelques moments d’un silence plein de respect, puis l’orchestre, très simple, prélude, en quelque sorte timidement. Une guzla, un flageolet, un tambourin et une cornemuse, instruments disparates, mais chers aux Slaves du Sud, s’accordent tant bien que mal.
Les jeunes gens, en vestes de drap brun ou écarlate, en longues culottes bouffantes gansées de noir et ceinturées de soie violette, tendent la main aux jeunes filles et les enlacent. Leurs blonds cheveux tordus et nattés avec des sequins d’or, des brimborions d’argent et des grains de corail, charmantes sous leur bonnet grec, les belles filles de Kossovo raffolent de la danse. Aux premières mesures, leurs petits pieds élégamment chaussés de bottines en maroquin rouge trépident et s’agitent en cadence.
Puis les couples partent, s’animent, se grisent de musique et de mouvement, et bientôt tourbillonnent en vertige, infatigablement.
Un peu à l’écart, pressés l’un contre l’autre, les jeunes époux se contemplent, ravis, se parlent doucement à l’oreille et se sourient, extasiés. Ils échangent d’exquises pensées de bonheur intime, se disent à mots entrecoupés la joie de leur cœur, avant de s’élancer au milieu de la cohue vibrante, folle d’allégresse.
« Oui, murmure Nikéa, le père l’a dit, le présent est cruel et l’avenir bien sombre...
« Mais près de toi, ô mon bien-aimé, je ne crains plus rien, car ton amour sera ma sauvegarde et ma force...
– Toujours cette crainte !... toujours ce martyre de la pensée !... Mais, chère âme, ne suis-je pas là désormais pour bannir ces terreurs ?
– Ah ! tu ne sais plus... toi qui reviens de si loin et après si longtemps !...
« Oh ! ce n’est pas un reproche ; mais tu as pu oublier le fléau de notre race, si douce et si aimante, si bonne et si laborieuse !
– Le Turc... l’Albanais !... surtout l’Albanais ! qu’importent désormais ces pillards dans ce grand mouvement qui émancipe aujourd’hui les hommes et les nations ?
« J’estime qu’il est temps de résister à leurs caprices de tyrans, à leurs violences de brutes.
– Non, tu ne sais plus et tu ignores l’état de nos âmes... Sache bien que tu serais seul... que nous serions seuls tous deux à lutter.
« Les autres n’oseraient pas !
– Nous sommes pourtant le nombre et nous avons pour nous la force et le droit.
– Ils n’oseraient pas, te dis-je !
« Songe aux siècles de terreur accumulés sur leurs têtes.
– Que faire, chère âme ?... que faire ?...
– Nous résigner... encore !
« L’impôt est dur... il est injuste... il est écrasant... et pourtant notre labeur saurait y pourvoir... Oui... travailler, se résigner pour être heureux... comme le furent nos pères... malgré l’incessante menace des gens de la montagne.
– Tu le veux ?
– Oh ! non... je t’en prie plutôt... au nom de notre amour et pour notre bonheur si complet, si grand qu’il me fait peur !
– Soit ! je me résignerai aussi, dit-il avec son bon sourire d’homme épris, et quoique la flamme de son regard, semblât, démentir ses paroles.
– Merci ! bien-aimé... oh ! merci !
« Demain... c’est demain seulement qu’ils arrivent pour le tchetel maudit... Viens, la main dans la main, les yeux dans les yeux, nous mêler, à cette belle fête qui est la fête de notre amour. « Forte de ta promesse, je ne crains plus le malheur ! »
Pauvres enfants ! à l’instant même où le présent leur sourit, ce malheur qui menace toujours le paysan de Macédoine s’abat, comme un ouragan dévastateur, sur le village en liesse. Une galopade enragée fait trembler la maison. Des hennissements de chevaux, des fracas de métal s’accompagnent de clameurs humaines.
Le bétail qui somnole dans la grande cour, sous les hangars, un peu partout, s’enfuit effaré. Les buffles noirs vautrés dans la mare s’ébrouent sous une averse de fange ; les moutons se pressent à s’ét

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