La Vie à la Bastille - Souvenirs d un prisonnier
118 pages
Français

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La Vie à la Bastille - Souvenirs d'un prisonnier , livre ebook

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Description

J’ÉTAIS venu m’établir en Hollande avec ma famille en l’année 1699, pour y vivre dans la crainte de Dieu et la liberté de son Saint Évangile ; sur la fin de 1701 je prêtai l’oreille aux sollicitations pressantes que me faisait M. de Chamillard de retourner en France. Le projet d’un établissement considérable, l’amour de la patrie, peut-être l’ambition et sans doute l’aveuglement d’une fortune trompeuse, me firent résoudre à laisser ma famille en Hollande.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

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EAN13 9782346070541
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Albert Savine
La Vie à la Bastille
Souvenirs d'un prisonnier
PRÉFACE
J USQU’A notre époque, le rôle de la Bastille dans notre histoire a été défiguré par la légende. De nos jours seulement, les travaux de Ravaisson et de M. Funck-Brentano nous ont révélé les archives de cette prison d’État et nous ont dit, par le menu, ce que les geôliers avaient daigné écrire sur les prisonniers et leur vie de captivité, ce qu’il leur convenait de léguer de leurs secrets et de leurs observations à la postérité.
L’opinion des prisonniers sur la Bastille est tout aussi intéressante à connaître. Malheureusement, ici, les documents sont plus rares. Sous l’ancien régime, il était à peu près interdit de parler de la Bastille. Ceux qui ne l’avaient point connue de leur personne, n’avaient rien à en dire. Ceux qui en sortaient n’avaient qu’un désir, n’y plus revenir, et comme, avant leur mise en liberté, ils devaient s’engager par écrit à ne rien révéler de ce qu’ils avaient vu ou entendu, pendant leur séjour dans cette prison d’État, ils n’avaient garde de violer des promesses qui les auraient en quelque sorte replacés, de droit, sous les verrous.
Ceux-là seuls pouvaient parler qui se trouvaient en sûreté hors des frontières du royaume. Parmi ceux-là, Constantin de Renneville doit être placé en première ligne. Doué du don d’observation, avec un penchant à la caricature, il nous a laissé un récit verbeux, empreint de l’irritation naturelle à un prisonnier, mais vivant, animé et, à tout bien considérer, exact, des onze années qu’il avait vécu à la Bastille.
Ce sont les pages les plus piquantes, les mieux venues, les plus originales de ce récit que le lecteur trouvera ci-après.
De 1702 à 1713, Renneville a habité toutes les chambres et la plupart des cachots de la redoutable prison ; il a frayé avec tous ses hôtes : détenus politiques et de droit commun, calvinistes, mystiques hétérodoxes, honnestes dames et gentes demoiselles à l’humeur légère, chercheurs de trésors, sorciers et fous.
De brèves annotations, d’après les travaux de l’érudition contemporaine, rectifient ce qu’il peut y avoir d’exagéré ou d’inexact dans les dires de Constantin de Renneville. Une notice biographique renseigne le lecteur sur la vie de l’auteur après et avant son incarcération.
Enfin, l’illustration de ce volume est empruntée au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale, au musée Carnavalet dont une salle est consacrée à la Bastille. On y a ajouté des reproductions d’autographes, d’après les cartons des archives de la Bastille, qui forment une des parties les plus riches et les plus précieuses du fond des manuscrits de la Bibliothèque de l’Arsenal.
Constantin de Renneville

*
* *
R ENÉ-Augustin Constantin de Renneville, que M. du Juncas qualifie dans son journal de se « disant gentilhomme », a beaucoup tenu à établir qu’il appartenait à la noblesse. «  Ceux qui voudront se donner la peine de consulter les Chroniques de Normandie, dit-il, verront que dès l’an 1042, un de mes ancêtres était chevalier » 1 . Il était né à Caen vers 1650 et il semble appartenir à la même famille que ce Robert Constantin, élève de Scaliger, que les guerres de religion contraignirent à errer de Normandie à Montauban et de là en Allemagne. Les martyrologes des Réformés indiquent aussi un Constantin de Normandie, parmi les malheureux qui furent suppliciés à Rouen en 1542 2 . Quoi qu’il en soit, Constantin de Renneville, qui appartenait à une race de soldats, fut de bonne heure mousquetaire. Chamillard fut, dès sa plus tendre jeunesse, un de ses protecteurs et c’est par son influence qu’il obtint le poste de directeur des Aides et Domaines à Carentan. Il épousa Marie-Hélène de Chambe, fille de M. de Chambe de Charniac, d’une des maisons les plus considérables de l’Auvergne 3 . Sur la fin du XVII e siècle, il était passé aux Pays-Bas et il rendit des services comme agent secret aux ministres français. A l’en croire, c’est avec leur autorisation qu’il jouait le double jeu, fournissant des renseignements plus ou moins authentiques au gouvernement des Provinces Unies 4 . Il revint, à cet effet, en France, pensionné par les ministres de Louis XIV, jusqu’au jour où, devenu suspect à M. de Torcy, il fut brusquement arrêté par l’exempt Bourbon et conduit ci la, Bastille. Il résulte de son dossier qu’il s’occupait alors de solliciter ou de régler des affaires commerciales, notamment avec un certain Bridou, de Dieppe, marchand d’épices et denrées coloniales 5 .
Au moment de son arrestation, il allait publier à La Haye avec dédicace à M. de Chamillard, le Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement et au progrès de la Compagnie des Indes Orientales formée dans les Provinces Unies des Pays-Bas.
Pendant son séjour à la Bastille, il éprouva, un peu avant 1709, une grave maladie. Il charmait sa solitude en écrivant et en composant des vers. Il avait trouvé moyen de faire de l’encre avec de la suie détrempée dans du vin et de tailler des os. pour en faire des plumes. Ainsi, il rédigea un Traité des devoirs du Fidèle Chrétien et des Contes imités de La Fontaine, ce qui prouvait son parfait éclectisme. La plupart de ses vers étaient,.. cependant, inspirés par sa piété et sa résignation chrétiennes.

Prisonniers qui, dans les misères, Gémissez dans ce triste lieu, Offrez-les de bon cœur à Dieu Et vous les trouverez légères.
Il ne cessait, d’ailleurs, de protester de son innocence :

Dans ce lieu triste et sombre où règne le silence, Le roi me fait gémir sans l’avoir mérité. Grand Dieu ! C’est bien plutôt l’effet de ta bonté Qui veut qu’entre ces murs je fasse pénitence.
Il avait composé un Poème de l’amour et de l’amitié, dédié au souvenir de sa femme. Il lui fut enlevé et ne lui fut pas rendu. D’autres vers étaient purement confiés à sa mémoire et il a pu les insérer dans son Inquisition Française.

Fais qu’en ouvrant les yeux je l’ouvre aussi mon âme. Embrase-la, Seigneur, des feux de ton amour. Et puisque ta bonté m’accorde encor ce jour. Empêche que le vice en corrompe la trame,
 
Que j’aime les vertus qu’un monde aveugle blâme, Que la crainte et l’espoir m’animent tour et tour, Que sans cesse occupé des charmes de ta Cour, Mon cœur élance au Ciel le torrent de sa flamme.
 
Arrache de mon sein l’orgueil, la vanité  ! Que j’aspire à ta gloire avec humilité, Que ta main me conduise et que ta loi m’éclaire,
 
Que je bénisse en paix la rigueur de mon sort, Que chaque acte aujourd’hui me prépare à la mort Et que mon seul désir soit celui de te plaire.
D’après une note qui figure dans son dossier, Colbert fit saisir, au moment où Chantepie emmena Constantin de Renneville de la Bastille, un volume que lui avait donné le père Florent de Brandebourg. Entre les lignes de l’imprimé, Renneville avait copié tous les vers composés par lui depuis le 16 mai 1702 jusqu’au 16 juin 1713 6 . «  Suivant le sentiment de M. de la Baumelle, ajoute celui qui a rédigé cette note, M. de Voltaire a trouvé les principaux matériaux du 6° chant de la Henriade dans cet ouvrage  » 7 .
Après sa sortie de la Bastille, grâce à l’intervention de la reine Anne, Constantin de Renneville écrivit l’Inquisition Française, en même temps qu’il publiait à La Haye un recueil de poésies chrétiennes sous le titre de  : Cantiques de l’Écriture Sainte 8 . Interdit en France, pourchassé par la police, le récit de Renneville obtint un éno

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