Le défilé d enfer
629 pages
Français

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Le défilé d'enfer , livre ebook

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Description

Louis Boussenard (1847-1910)



"Une vibrante sonnerie de bugle retentit.


« Commencez le feu ! »


Brusquement l’avenue conduisant au village, dont la rue principale est barricadée, s’emplit d’une fumée blanche d’où surgissent, comme des éclairs, de longues coulées de flammes.


Une détonation violente que domine le déchirement strident de la mitrailleuse, éclate sous les arbres dont les feuilles s’échevèlent, comme sous la poussée d’un vent d’orage.


Là-bas, à cinq cents mètres, un ouragan de fer s’abat en même temps sur la barricade, broyant les madriers, faisant voler en éclats les pierres, mutilant affreusement quelques hommes.


« Dis donc, Louis, fait avec un intraduisible accent beauceron un vieux tout gris, d’une taille colossale, paraît qu’on nous accorde aujourd’hui les honneurs du canon. Mâtin !... on se met en frais, pour des sauvages ! »


– Honneur périlleux, mon cher Baptiste, répond cordialement un homme d’une quarantaine d’années, au visage énergique et sympathique, encadré d’épais favoris, et nous n’avons, pour répondre, que des fusils."



Suite à l'assassinat, par traitrise, de leur père lors d'une révolte contre les Anglais, trois frères métis Bois-Brûlés traversent la frontière américano-canadienne, afin de rejoindre leurs oncles. Leur route les met sur la piste du meurtrier de leur père...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 octobre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782384421329
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le défilé d’enfer


Louis Boussenard


Octobre 2022
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-132-9
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1130
Prologue
La révolte des Bois-Brûlés
I
Héros du devoir. – La brèche. – La charge. – L’assaut. – Dévouement. – Trahison. – Ses conséquences. – Les victimes. – Ensevelis. – Mouvement tournant. – Lutte désespérée. – Tenir un quart d’heure. – Et après ?...

Une vibrante sonnerie de bugle retentit.
« Commencez le feu ! »
Brusquement l’avenue conduisant au village, dont la rue principale est barricadée, s’emplit d’une fumée blanche d’où surgissent, comme des éclairs, de longues coulées de flammes.
Une détonation violente que domine le déchirement strident de la mitrailleuse, éclate sous les arbres dont les feuilles s’échevèlent, comme sous la poussée d’un vent d’orage.
Là-bas, à cinq cents mètres, un ouragan de fer s’abat en même temps sur la barricade, broyant les madriers, faisant voler en éclats les pierres, mutilant affreusement quelques hommes.
« Dis donc, Louis, fait avec un intraduisible accent beauceron un vieux tout gris, d’une taille colossale, paraît qu’on nous accorde aujourd’hui les honneurs du canon. Mâtin !... on se met en frais, pour des sauvages ! »
– Honneur périlleux, mon cher Baptiste, répond cordialement un homme d’une quarantaine d’années, au visage énergique et sympathique, encadré d’épais favoris, et nous n’avons, pour répondre, que des fusils.
– Va toujours !... Avec un chef comme toi, des gars comme nous s’en iraient au diable et même plus loin. Tu t’appelles Louis Riel et nous sommes les Bois-Brûlés...
Une nouvelle salve retentit, coupant la parole à Baptiste, la barricade ébranlée frémit sur ses assises, trois hommes broyés par la mitraille s’abattent sans un cri.
« Tenez bon ici, dit brièvement Louis Riel : moi je monte au clocher surveiller l’attaque.
– Et puis, tu sais, ménage-toi si ça t’est possible, et tâche de ne pas t’exposer comme hier, que c’est un miracle si t’en es revenu.
– Adieu, Baptiste !... une bonne poignée de main... tu commandes ici au poste le plus périlleux... tu réponds de tout...
– Tant que je serai debout, foi d’homme ! »
Avec un calme superbe, le héros de l’indépendance des métis franco-canadiens remonte la rue où pleuvent les débris et les projectiles, et s’en va vers l’église défendue d’un côté par le mur crénelé du cimetière.
La batterie ennemie, tirant par section, tonne sans relâche, et les obus tombent ininterrompus sur le même point.
Derrière la barricade qui se désagrège lentement, à chaque salve, se tiennent une centaine d’hommes, au visage bronzé, dont les traits crispés, les yeux luisants démentent l’apparente impassibilité.
À peu près uniformément vêtu de blouses de chasse et de pantalons en peau de cerf tannée à la manière indienne, ils portent, pour la plupart, des carabines Winchester à répétition, armes terribles, entre les mains habiles de ces rudes habitants du nord-ouest.
Nul vestige d’ailleurs de distinction militaire, sur ces vêtements si commodes pour la vie d’aventures. Ni plumets, ni épaulettes, ni insignes de grades : rien ! Tout le monde soldat, avec un revolver, une hache, une carabine. Les chefs, on les connaît, on sait ce qu’ils valent, et on leur obéit d’enthousiasme.
Mais cette passivité va mal à leur bouillante ardeur. Recevoir des coups sans les rendre, cela met leur courage à une rude épreuve.
À tel point que l’un deux, interpellant le chef s’écrie :
« Voyons, père Baptiste, est-ce que tu vas nous laisser écheniller comme ça !... les canons de ces païens d’Anglais ne sont pas à six cents mètres... on pourrait s’arranger de façon à les faire taire.
– Ça s’peut ! mais faut des hommes de bonne volonté, avec ça malins tireurs, pour monter soit su’ les maisons, soit su’ la barricade... et dame ! y fait chaud, là-haut.
Cinquante métis Bois-Brûlés se présentèrent au milieu des débris qui pleuvent de toutes parts.
« Minute ! reprend Baptiste impassible.
« La plupart d’entre vous sont des pères de famille... du monde à ménager... faut de la jeunesse... en tout six gars lurons... un par canon, c’est trop juste.
« Primo d’abord, j’choisis mes trois garçons à moi, parce que je suis sûr de leur coup d’œil.
« Hé !... Jean !... Jacques !... François !... »
Trois beaux jeunes gens, presque des enfants, mais taillés en géants comme leur père, sortent du groupe et répondent militairement :
« Présents ! »
François n’a pas plus de seize ans, Jacques a environ dix-sept ans et Jean à peine dix-huit.
« Vous savez c’qu’y faut faire, c’pas !
« Prenez chacun un camarade, affalez-vous su’ les maisons, et fusillez-moi en grand ces canonniers de malheur.
« Allez, mes ch’tiots, ça presse ! »
À ce petit mot d’amitié renfermant comme une suprême caresse du vieux qui, peut-être, les sacrifie dans l’intérêt de tous, les jeunes gens s’élancent en poussant un de ces cris farouches, comme en proférait leur ancêtre indien suivant la piste de guerre.
Une catastrophe soudaine autant qu’imprévue, rend, hélas ! leur dévouement inutile, et compromet gravement la défense du village.
À peine ont-ils atteint, sains et saufs, par miracle, le sommet de la barricade, que celle-ci, comme soulevée de bas en haut, oscille, se désarticule sous l’irrésistible poussée d’une mine et s’effondre en les entraînant dans sa chute.
« Trahison ! s’écrie le vieux Baptiste en voyant, à travers le nuage de fumée qui suit une formidable explosion, les pauvres enfants rebondir et s’abîmer au milieu des débris.
Trahison !... à moi, les Bois-Brûlés !... sauvons-les s’il en est temps encore ; s’il est trop tard, vengeons-les !...
Aussitôt la fumée dissipée, la barricade apparaît coupée par une brèche praticable, à la rigueur, pour un assaillant brave, discipliné, bien armé.
Le canon gronde sans relâche, criblant d’obus cette brèche, tant pour l’élargir que pour empêcher les métis de la combler.
Au loin, les colonnes d’attaque se déploient à droite et à gauche dans des vergers en fleurs ; les bugles sonnent la charge. Les métis se jettent dans les maisons, pendant que Baptiste et quelques amis, insoucieux des projectiles éclatant autour d’eux, arrachent avec leurs doigts ensanglantés les débris sous lesquels sont ensevelis les jeunes gens.
Trahison !... le mot du vieux Baptiste court de bouche en bouche.
Certes, il a fallu la main d’un traître pour creuser ce boyau de mine long de cinq mètres, arrivant sous la rue au milieu de la barricade. Ce boyau part de la maison d’encoignure, à droite. En voici l’entrée dissimulée sous des planches recouvertes d’un matelas en feuilles de maïs. Un homme peut s’y glisser à quatre pattes pour y porter de la poudre, et agencer un fourneau de mine.
Voilà ce qui se dit en phrases hachées, ponctuées de détonations et interrompues par des cris de fureur.
La barricade eût résisté jusqu’à la nuit aux canons du général Middleton, et Batoche, l’humble village qui arrête les cinq mille hommes de l’armée régulière, le rempart de l’indépendance des Bois-Brûlés, Batoche, comme la veille et l’avant-veille, repoussait victorieusement l’attaque.
À la faveur des ténèbres, on pouvait facilement réparer cette fortification primitive mais robuste, à peine entamée par l’artillerie, et que les carabiniers de Winnipeg, pas plus que les grenadiers de Toronto, n’avaient pu enlever, malgré trois attaques furieuses.
Tandis que faute de ce retranchement, il va falloir se battre à découvert un contre trois, et dans des conditions encore plus désavantageuses d’armement et de discipline.
Mais le traître !... quel est ce misérable, qu’on en fasse bonne et prompte justice ?
Pardieu ! ce ne peut être que le propriétaire de la maison, le gars Toussaint... Toussaint Lebœuf... le mercanti qui tenait le petit bazar où chacun s’approvisionnait, à Batoche. Pas très scrupuleux peut-être, faisant un peu l’usure et, disait-on tout bas, la contrebande... mais si bon homme ! si gai compagnon !... offrant si volontiers une pipe de tabac ou un verre d’eau-de-vie !... Qui aurait cru cela ?... On aurait dû pourtant se défier du regard aigu de ses yeux gris, de son sourire énigmatique, de ses absences mystérieuses, si longues et si fréquentes !
Mais il était accouru à l’appel des chefs, et semblait un patriote.
Tenez, sa femme et ses enfants couchaient là... sur cette grande paillasse qui couvre le trou. Le plus jeune était malade, sans doute pour qu’on ne dérangeât pas la paillasse, sous laquelle se glissait la nuit le père pour accomplir son travail de taupe.
Hier il a fait partir tout son monde pendant la sortie, craignant pour la mère et les petits... et sans doute aussi pour son magot que la femme a dû emporter... le prix des denrées vendues quinze fois leur valeur depuis l’investissement, avec le produit de son usure et le paiement de sa trahison.
Aux premiers coups de canon, il a mis le feu à la mine, avec une mèche assez longue... et grâce à lui, le village va être enlevé.
Oh ! le misérable Judas !... Mais où se cache-t-il donc ? Il était là, un quart d’heure à peine avant l’explosion...
Toutes ces réflexions, longues à écrire, durent quelques secondes, car chacun parle en même temps au milieu d’un vacarme croissant.
Un hurlement de joie échappe au vieux Baptiste qui fouille, aidé de ses amis, les débris croulants. Il aperçoit enfin ses trois fils accroupis, tassés, comprimés sous une poutre inclinée formant appentis au-dessus d’eux. Ils vivent et appellent faiblement à l’aide !
Insoucieux des obus qui ronflent au-dessus d’eux, les travailleurs déblayent la place avec acharnement. D’un effort furieux ils empoignent les matériaux, s’attellent à la poutre, arrachent tout ce qui fait obstacle et retirent de l’excavation où ils allaient agoniser, Jean, Jacques et François, sanglants, contusionnés, presque sans souffle, incapables de se tenir debout.
« Allons, les ch’tiots, du nerf ! dit le père Baptiste en débouchant sa gourde de chasseur, c’est pas l’instant de se t

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