Le Frondeur - Ou observations sur les mœurs de Paris et de la province au commencement du XIXe siècle
78 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le Frondeur - Ou observations sur les mœurs de Paris et de la province au commencement du XIXe siècle , livre ebook

-

78 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Alterius non sit qui suus esse potest. J’AI, pendant vingt ans, habité une de ces bonnes villes du royaume où, à l’aide d’un commerce dirigé avec beaucoup d’ordre, de prudence et d’activité, j’ai vu augmenter, d’année en année, une fortune que je peux regarder comme honorablement acquise, puisqu’elle est le fruit de mon travail et d’une sage économie. Il est vrai qu’aujourd’hui, pour faire fortune, on a recours à d’autres moyens.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782346128488
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.

Gérard Jacob-Kolb
Le Frondeur
Ou observations sur les mœurs de Paris et de la province au commencement du XIXe siècle
A Monsieur le Vicomte de Martignac, Ministre d’Etat.
 
 
 
 
 
En traçant dans ce petit ouvrage le portrait de celui que le choix éclairé du Prince é/eva au ministère, j’éprouvais le besoin de payer le juste tribut d’éloge dû à son mérite et à l’un des plus beaux talens dont la France s’honore. Je vous prie d’accueillir avec bonté cet hommage ; il renferme la pure expression des sentimens de ma vénération et de mon dévouement.
 
 
 
 
 
 
 
Le chevalier Jacob, Membre de l’ordre royal de la Légion- d’Honneur.
LETTRE DE L’AUTEUR
A L’HERMITE DE LA CHAUSSÉE-D’ANTIN
Paris, le......
 
 
MONSIEUR L’HERMITE,
 
Vous avez retracé, dans vos ingénieux Essais sur les Mœurs parisiennes, les nombreux désappointemens qu’éprouve un provincial à son arrivée à Paris, lorsqu’il y vient sans connaître les usages de cette capitale, et vous avez traité ce chapitre   1 avec ce talent remarquable et cette finesse de tact qui sont le caractère distinctif de vos écrits ; mais on prétend que vous avez oublié de nous rappeler les contrariétés, les tribulations sans nombre auxquelles s’exposent ceux qui croient trouver le bonheur en quittant leur paisible province pour venir se fixer au milieu de la grande cité : permettez-moi de vous en présenter l’esquisse. En la soumettant à mon maître, mon unique but a été de prouver que cette matière est inépuisable.
 
Agréez, je vous prie, l’assurance de ma haute considération,
 
 
Le chevalier J****.
1 Dans le Franc-Parleur, tome 1 er , les Heures de Paris , n° 21, du 5 novembre 1824.
CHAPITRE PREMIER
L’Etablissement d’un Provincial à Paris

Alterius non sit qui suus esse potest.
J ’AI, pendant vingt ans, habité une de ces bonnes villes du royaume où, à l’aide d’un commerce dirigé avec beaucoup d’ordre, de prudence et d’activité, j’ai vu augmenter, d’année en année, une fortune que je peux regarder comme honorablement acquise, puisqu’elle est le fruit de mon travail et d’une sage économie. Il est vrai qu’aujourd’hui, pour faire fortune, on a recours à d’autres moyens. Que si vous interrogez cet honnête négociant qui a suspendu si à propos ses paiemens et su faire accepter un traité par lequel il propose quinze pour cent à ses créanciers, tandis qu’il s’en est adroitement réservé cinquante, et qu’en y ajoutant la dot de sa femme, qu’une séparation de bien, calculée d’avance, lui a conservée intacte, il se trouve bientôt en état de se livrer à de nouvelles entreprises, c’est-à-dire, de faire d’autres dupes ; ou si vous consultez cet adroit spéculateur qui sait si bien ménager son crédit, qu’il ne travaille qu’avec les fonds de ses amis, sans jamais craindre de compromettre ceux qu’il n’avait point ; ou bien celui qui n’opère que sous le nom d’un autre, et souscrit si facilement ce qu’on nomme des billets de crédit. dont le paiement est la chose qui l’embarrasse le moins, tous ces Messieurs vous diront que les élémens sur lesquels repose le fruit de mes travaux sont ceux d’une vieille routine qui n’est plus de mode, et qu’il faut être bien inepte aujourd’hui si, dans l’espace de trois ans, on n’a pas, per fas et nefas, su gagner 25 ou 3o bonnes mille livres de rente, sans lesquelles un honnête homme ne peut décemment vivre à Paris.
Avec mes vieux préjugés et la simplicité de mœurs dont je fais profession, je serais encore au nombre des habitans de la rue aux Ours, où ma maison de commerce à Bourges était connue sous la raison de Polycarpe Lefranc, à l’enseigne de la Bonne foi, sans la sotte vanité de ma femme qui me force à renoncer à mes plus chères habitudes pour aller vivre à Paris, et qui prétend qu’ailleurs on ne fait que végéter.
Un jour qu’on venait de nous servir le café, ma bonne femme, qui a le verbe haut, prenant la parole, ce qui lui arrive assez fréquemment, entama la conversation en ces termes :
« Vous avez beau dire, Monsieur Lefranc, quand on n’a point de postérité connue, en d’autres termes d’enfans légitimes, qu’on possède une fortune conséquente et qu’on veut jouir d’une heureuse indépendance, il faut se fixer à Paris. — Mais vous savez que te je suis sans ambition, Madame Lefranc, que je tiens à mes habitudes, et que la simplicité de mes goûts — C’est précisément ce dont je me plains : vous n’avez jamais voulu occuper de place tant que vous avez été dans les affaires, vous savez pourtant que les honneurs vont de pair avec la fortune ; car à quoi peut-il servir d’avoir de l’aisance et de ne rien être ? Je ne vous parlerai point de la noblesse, quoiqu’une bonne charge de secrétaire du roi eût jadis son mérite, ne fût-ce que celui de donner une sorte de considération à ceux qui ne pouvaient en obtenir autrement ; au moins cela servait à dérouiller un roturier quand il avait le bonheur de pouvoir quitter le commerce ; car, entre nous, le commerce n’est qu’un moyen de faire fortune, il n’est bon qu’à cela ; mais où peut-on avoir une existence dans le monde si ce n’est dans la capitale, au centre des plaisirs, de l’instruction et de cette politesse exquise que vos Iroquois de provinciaux ne connaissent que de nom ou par tradition ? »
J’eus beau opposer à l’intarissable loquacité de M me Lefranc le raisonnement d’une saine logique, je ne pus en rien obtenir : elle mit en mouvement tous les ressorts de la vanité ; je fus en définitive obligé de céder à ses désirs plutôt par nécessité que par conviction. « Ah ça ! je vous préviens, mon ami, que, sans parler d’un landaw ou au moins d’une calèche, car cela va sans dire, il nous faut faire choix d’un hôtel qui soit situé dans un des beaux quartiers de Paris ; arrangez-vous pour cela, car, ainsi qu’on vous l’a dit, pour ne pas être exposé aux inconvéniens des déménagemens répétés, il faut avoir pignon sur rue : d’ailleurs une propriété, assurant une partie de votre fortune, vous place comme de raison sur la liste des électeurs, et.... — Mais, Madame Lefranc, j’ai déjà eu l’honneur de vous faire observer que je n’avais ni ambition ni prétentions, que je voulais vivre tranquille ; vous voudriez peut-être que, recherchant les savans, les artistes et les gens de lettres de la capitale, je prisse à tâche de les attirer chez moi pour leur donner matière à se moquer de mon ignorance et de ma présomption ; que, voulant me former une bibliothèque et me laissant tromper par certains libraires sur les prix et les éditions, ou commençant une collection de tableaux et payant fort cher, suivant l’usage, des copies que les marchands me donneront pour des originaux, j’allasse compléter la liste des nombreuses dupes qui viennent payer leur tribut à la capitale ; non, soyons plus sages, restons dans notre sphère et n’apprêtons point de quoi rire à nos dépens. — Bah ! bah ! vous avez vos 45 ans sonnés, vous jouissez de 25,000 fr. de rente et voilà tout juste ce qu’il faut pour vivre dans une honnête aisance et être électeur du grand collége ; d’ailleurs on se doit à sa patrie, et quand on a rempli pendant cinq ans les fonctions de membre du conseil municipal de Bourges, on possède les qualités requises pour être député s’il y a lieu. »
Je n’avais rien à répliquer à cette péroraison de M me Lefranc, dont l’éloquence venait de se développer avec une énergie peu commune ; mais je formai intérieurement la résolution de mettre des bornes à l’essor qu’elle voulait me faire prendre, et qui n’avait pour but que l’ambition ou plutôt la ridicule envie de briller, que rien n’arrête quand elle s’empare de l’esprit d’une femme vaine.
Je convins, après tout, qu’on pourrait vivre à Paris comme ailleurs avec 25 mille livres de rente, et point d’enfans, si on savait jouir

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents