Le Matachin
107 pages
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Le Matachin , livre ebook

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Description

Le Matachin, c'est ce quartier de Salins, à la fois « le plus pauvre et le plus pittoresque » de la ville, avec ses petits commerces et ses maisons décrépites, et où jadis un seigneur installa son chenil, sa « meute à chiens » selon l'expression populaire, d'où le nom du quartier. C'est ici, dans la seule maison vraiment coquette du quartier, que vit la douce et belle Fifine, avec son père Josillon, le vigneron. Entre ses travaux de couture et ce père qui l'adule et l'entoure de mille prévenances, Fifine a tout pour être heureuse, et le mariage est la dernière pensée qui lui vienne à l'esprit. Pourtant, n'a-t-elle pas remarqué, l'autre jour, une bien curieuse chose, qui est venue troubler ses certitudes ? Que signifiait cette tache bleue, fugacement aperçue de sa fenêtre, dissimulée au milieu des vignes ? Cette tache bleue, c'était la blouse de voiturier que porte le Grand Manuel, un garçon aussi costaud et vaillant qu'il est timide. Manuel aime Fifine en secret, et se désespère, car il ne se sent pas digne de la jeune fille. Comment ! Lui, le voiturier, qui s'échine au transport ingrat des coupes de bois à destination des chantiers de marine ; lui, qui a fait le désespoir de sa mère, la Jeanne-Antoine, en choisissant cette existence tumultueuse de grand chemin ; lui, dont les collègues sont perdus de réputation auprès des habitants de Salins, qui les tiennent pour des rustres, des voyous même, qui passent leur temps à boire et à se bagarrer ; lui, Manuel, il épouserait Fifine, si délicate, si distinguée, si prévenue contre les gens de son métier, si rétive aux fiançailles ? Et pourtant... Peut-il être sûr qu'il n'arrivera pas à la séduire ?

Dans ce roman de terroir touchant et convivial, le lecteur, tout en suivant la quête amoureuse de Manuel, tombera sous le charme de ce quartier du Matachin au milieu du XIXe siècle, avec ses habitants hauts en couleur et au grand cœur, admirablement croqués par la plume de Max Buchon.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 avril 2014
Nombre de lectures 27
EAN13 9782365751728
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Max Buchon



Le Matachin








1858


À MES ONCLES PASTEUR
(de Vaillafans)

Roman paru pour la première fois en 1854, dans la Revue des Deux-Mondes .

L’auteur souhaitait qu’il contribue un peu à faire connaître par le monde son pays, déjà popularisé en peinture par les tableaux de son ami Courbet.


I. Josillon Clairet

Il est dix heures du matin. On est au mois de mai. Il fait un temps superbe. Le mont Poupet se carre au loin dans ses broussailles verdoyantes, comme un bon bourgeois tout heureux de pouvoir enfin montrer aux gens le joli paletot d’été que vient de lui rapporter son tailleur.
La bise souffle sans relâche, mais caressante et douce comme une bise de printemps, et chacun s’empresse de l’aspirer par tous ses pores et par toutes ses fenêtres, car en passant à travers les grands tilleuls fleuris de la promenade Barbarine, elle a eu soin de s’y parfumer de son mieux, avant de venir souhaiter le bonjour aux gens de Salins.
Les hirondelles, toutes ravies de se revoir en pays de connaissance, tirent de la Place d’Armes à la Porte-Haute les bordées les plus insaisissables, puis reviennent en arrière, puis repartent en avant, sans parvenir à se rassasier de toutes ces enivrantes haleines, de toutes ces émanations printanières, de toutes ces lumineuses splendeurs.
Dans le ciel pur tourbillonnent en longue troupe les martinets criards, enfermant dans un cercle sans fin le clocher de Notre-Dame, celui de Saint-Maurice et la coupole de l’Hôtel-de-Ville.
Le fort Saint-André, inondé de lumière, regarde le soleil face à face, avec l’air reconnaissant et sénile d’un invalide qui étale enfin au chaud ses rhumatismes, tandis que la côte de Belin, encore complètement dans l’ombre, semble déjà pourtant franger de feu toute sa crête de rochers, où les petits œillets rouges ne tarderont pas à fleurir.
Si le soleil et le printemps portent la joie partout et sont bien accueillis de tout le monde, leur retour, simple sur croît de bien-être pour le riche, devient tout un événement pour le pauvre, et une véritable transfiguration de son entourage, de son habitation, de sa pauvreté même. Il n’est si triste masure qu’un rayon de soleil ne puisse faire resplendir, et les plus beaux effets de lumière sont presque toujours dus à ces douloureux contrastes.
Ce sont là des compensations mystérieuses comme la nature se plaît à les prodiguer, et qui, certes, auraient bien leur prix, si l’amer sentiment de la réalité ne revenait incessamment par-dessous.
Aujourd’hui donc tout brille et tout semble sourire dans le pauvre quartier du Matachin aussi bien qu’ailleurs : pendant que les hommes sont à la vigne et profitent du beau temps pour achever leurs labours, les femmes au logis semblent tout remettre en ordre pour la saison d’été ; les fenêtres toutes grandes ouvertes dégorgent avec un plaisir extrême l’air étouffant et vicié dans lequel ont vécu depuis six mois ces pauvres familles.
Partout les literies elles-mêmes sont déployées et battues de verges au soleil ; puis bientôt chaque fenêtre se garnit d’un rosier nain, ou d’un pot d’œillets soigneusement gardé à l’intérieur pendant l’hiver. Les conversations se croisent d’une fenêtre à l’autre, et la bonne humeur de chacun se manifeste ainsi, par ces sourires et par ces saillies, autres fleurs de l’âme tout aussi réjouissantes à voir.
Le quartier du Matachin, le plus pauvre de notre petite ville de Salins, en est aussi, tout naturellement, le plus pittoresque. Il commence à la Porte-Basse et comprend toute la rue d’Olivet, rue qui doit son nom à l’abbé d’Olivet de l’Académie française, que Voltaire appelait son maître en grammaire, et qui naquit dans cette rue même. Il paraît qu’autrefois un grand seigneur avait dans ce quartier son chenil à chiens. La tradition populaire a appelé cela une meute à chiens ; ce qui a fini par devenir ce mot de Matachin, dont la provenance étymologique ne fait, du reste, nullement disparate avec la physionomie du pauvre quartier ainsi désigné aujourd’hui.
Une rue étroite, montueuse et sale, formée de deux lignes de maisons aux fenêtres chassieuses, et dont les ventres hydropiques semblent prêts à se rejoindre en voûte sur la tête des passants, quelques misérables boutiques aux portes basses et cintrées, au-devant desquelles se montrent à peine quelques paires de gros sabots, quelques pipes de terre blanche et quelques chandelles de suif jaune dans un pot de terre rouge ; plus loin, quelques pieds de veau encore en poil, accusant timidement dans ces parages l’existence d’un de ces bouchers au rabais qu’on appelle margandiers à Salins ; puis, dans cet angle à gauche, la fameuse fontaine de l’ Échilette , ainsi nommée de l’escalier en échelette qui conduit de ces profondeurs à l’église de Saint-Maurice, la fontaine de l’ Échilette autour de laquelle bavardent en ce moment les laveuses ; puis l’étalage d’un fripier, où les vieux pantalons garance tout rapiécés sur les genoux, les vieilles guêtres à chaînettes, les vieux souliers suiffés, les vieux coffres, les vieux chaudrons et les vieilles ferrailles de toute espèce, se heurtent et s’entrecroisent dans le plus lamentable pêle-mêle ; puis enfin, à mesure qu’on arrive dans le haut, c’est-à-dire qu’on se rapproche du courant de la circulation générale, quelques cordonniers battant leur semelle, et quelques cloutiers dont un chien fait manœuvrer le soufflet en tirant la langue dans sa roue... voilà le Matachin.
Non, cependant ; comme complément, il nous reste à mentionner encore l’enseigne d’un vieux magasin depuis longtemps fermé, sur laquelle on lit, à travers les éclaboussures et les toiles d’araignées, ces touchantes paroles :

TARÉ, MÉCANICIEN EN TOUS GENRES,
RACCOMMODE LES SOUFFLETS

Si les premiers mots de cette légende sont coupables d’un peu de prétention, n’est-il pas vrai que cela est bien racheté par cette conclusion naïve et prévoyante : raccommode les soufflets ?
Parmi les maisons voisines de la fontaine et qui dominent les maisons situées vis-à-vis, de toute la différence de leur situation sur le versant de la colline que la rue coupe en diagonale, il en est une qui se fait remarquer, tout d’abord par un certain air de propreté. D’apparence humide et sale par le bas, comme tout le reste de la rue, cette maison, recrépie à neuf dès le premier étage, devient littéralement blanche comme neige aux étages supérieurs.
Cette propreté qui contraste si complètement du dehors avec tout l’entourage semble être un indice de la propreté du dedans, et l’on s’estime déjà heureux d’une pareille présomption en pareille compagnie.
Cette maison n’a que deux fenêtres par étage, mais on sent que ces grandes fenêtres carrées sont assez larges pour desservir suffisamment de lumière et d’air deux pièces d’assez belle dimension. En bas, deux portes inégales correspondent à ces deux fenêtres : la porte de la cave, ferrée de gros clous à large tête, et la porte de l’escalier.
Entre ces deux portes se trouve le larmier, soupirail étroit garni de deux barreaux de fer, destiné à maintenir le courant d’air dans la cave.
Des fenêtres supérieures de cette maison la vue s’étend librement sur les pentes de Saint-André, sur les vignes du château de Rans, sur le rocher du Gros-Talus, et jusqu’à la côte boisée de Salgret. De l’une de ces fenêtres déborde aujourd’hui une caisse de sapin remplie de terre, espèce de jardinet en miniature, dont l’intérieur est semé de persil, de cerfeuil et de ciboules, et à la circonférence duquel s’épanouit une superbe guirlande de résédas. Au-dessus de la caisse, deux crochets de fer surgissent du mur, destinés à recevoir ces belles gourdes vertes qu’en automne les vignerons de Salins ont l’habitude de faire sécher à l’air.
Derrière cette plate-bande aérienne se dessine le profil d’une jeune fille qui semble fort appliquée à sa couture.
L’embrasure de cette fenêtre est de taille à contenir facilement sa chaise, le petit banc de bois sur lequel reposent ses pieds, et sa large table à ouvrage sur laquelle on aperçoit déjà une pile de chemises confectionnées, les pièces éparses de celle en travail, les ciseaux, la pelote hérissée d’aiguilles, les petits boutons de nacre symétriquement fixés sur leur plaque de carton ; les pelotons de fil blanc, la limoge rouge pour le mar

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