Le ROI DES AUTRES
236 pages
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Description

En apparence sans histoire, Blaise Donetti cultive sa solitude et sa mélancolie. Employé dans le département des cartes et plans d’une grande bibliothèque, son travail est le prolongement d’une fascination pour les premiers peuples de la planète qu’il cultive depuis l’enfance. Il n’a, pour toute famille, qu’un oncle, marin à la retraite. Un soir de retrouvailles, ce dernier lui confie un vieux carnet issu des îles Andaman-et-Nicobar, un territoire fiché au milieu de l’Océan indien. Cette découverte donnera l’impulsion nécessaire au jeune homme pour aller vers cette terre sauvage recouverte d’épaisses forêts, bordée d’interminables plages et de mangroves. Ces territoires interdits font partie du royaume des Jarawas, les « Autres », ceux qui vivent encore de la chasse et de la pêche depuis l’aube du monde. Une série d’événements viendront bouleverser cette quête de connaissance rythmée par le soleil, la lune, la mousson et les forces de la terre. « Derrière le récit d’une aventure extraordinaire vécue par un jeune citadin occidental se révèle le sort d’un peuple qui a préservé, jusqu’au début du 21ième siècle, un mode de vie multimillénaire, mais dont l’extinction semble inéluctable. Comme une métaphore de notre propre destin sur Terre… »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 novembre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782924847275
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Thierry Falise
LE ROI DES AUTRES
roman
ÉDITIONS CHÂTEAU D’ENCRE

DU MÊME AUTEUR


F ALISE , Thierry. Les Petits Généraux de Yadana , roman, Anne Carrière, 2005.
F ALISE , Thierry. Le Jasmin ou la Lune, bibliographie d’Aung San Suu Kyi, Florent Massot, 2007.
F ALISE , Thierry. Le Jasmin ou la Lune , J’ai Lu, 2008.
F ALISE , Thierry. Le Châtiment des Rois. Chronique du cyclone Nargis en Birmanie , Florent Massot, 2009.
P ERETTI , Adolf et Thierry F ALISE . La vallée du Sang de Pigeon. Sur la piste des fabuleux rubis birmans de Mogok , livre photos, GRS, 2016.
P ERETTI , Adolf et Thierry F ALISE . Magnificent Green. Sur la piste de la légendaire émeraude colombienne , GRS Gemresearch Swisslab, 2017.
F ALISE , Thierry. Pris au piège. Ils étaient 10 000 pour nous sortir de la nuit, récit, Éditions Château d’encre et Massot Éditions, 2018.
F ALISE , Thierry et Léa H YBRE . La Mule et le sanglier , bande dessinée, Massot Éditions, 2019.


Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: Le roi des Autres / Thierry Falise. Noms: Falise, Thierry, auteur. Description: Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 2021005431X | Canadiana (livre numérique) 20210054328 | ISBN 9782924847268 | ISBN 9782924847275 (EPUB) Classification: LCC PQ2706.A45 R65 2021 | CDD 843/.92—dc23 Édition: Lison Lescarbeau Révision et correction d’épreuves: Nathalie Savaria Mise en pages: Folio infographie Page couverture: Patricia Gaury et Lison Lescarbeau Photos de l’auteur et de la couverture: © Thierry Falise Cartes: Peter Hermes Furian et Lesniewski, Adobe Stock Dépôt légal – 2 e trimestre 2022 © 2022 Éditions Château d’encre inc. Tous droits réservés. Éditions Château d’encre inc. 407, boulevard Saint-Laurent, bureau 800 Montréal (QC) Canada H2Y 2Y5


NOTE
Le terme «négrito» contextualisé
Le terme «négrito» fait référence à plusieurs tribus originaires d’Afrique vivant sur les îles Andaman-et-Nicobar, comme les Jarawas. Pendant longtemps, il a été utilisé par les anthropologues et autres chercheurs. Nous l’employons ici lorsqu’il est cité par des personnages ou dans des écrits et des rapports (du XIX e siècle ou contemporains).
Voici une définition donnée par le biologiste Gyaneshwer Chaubey et l’anthropologue Phillip Endicott 1 : le terme de «negrito» «[…] vient du diminutif espagnol de “noir” et fut utilisé la première fois pour décrire des groupes aux Philippines dotés de caractéristiques visuelles similaires: petite taille, pigmentation foncée de la peau, cheveux drus et frisés. Les gens correspondant à cette description étaient en général des populations de chasseurs-cueilleurs se déplaçant en Asie du Sud-Est».


1 .C HAUBEY , Gyaneshwer et E NDICOTT , Phillip. «The Andaman Islanders in a Regional Genetic Context: Reexamining the Evidence for an Early Peopling of the Archipelago from South Asia», Human Biology , février-juin, volume 85(1-7), 2013.

À Emm et Dee Dee. Aux Jarawas et à tous ceux qui les soutiennent sans arrière-pensée.




Lorsque Govinda débarque aux Andaman, Arthur Rimbaud a cinq ans.


première partie


Îles Andaman
Juin 1865
1
Cette puanteur. Si familière. Elle enveloppait tout. Un entortillement de voiles invisibles qu’il fallait déchirer de ses mains meurtries. Une exhalaison fétide, épaisse, née de la putréfaction des plantes, des poissons et des mollusques pris au piège de la longue bande de vase noirâtre qui séparait l’océan de la jungle. Un cloaque que les marées maintenaient dans un perpétuel état d’humidité. Il en avait asséché, des hectares de marécages comme celui-ci. La première corvée que les maîtres britanniques leur avaient assignée.
***
«Bienvenue en enfer!»
L’homme qui avait prononcé ces mots était un petit quadragénaire à la bedaine flasque et à la moustache tombante. Il avait épongé la sueur de son front avec la manche de sa vareuse.
«Vous voilà parvenus au royaume des damnés.»
Il s’était interrompu, comme pour mieux jouir des regards hébétés de son auditoire.
«Beaucoup d’entre vous vont mourir.»
Il avait fait une autre pause et tourné la tête, cherchant des yeux l’approbation de ses subordonnés plantés à ses côtés. Face à lui, la terreur avait succédé à l’abrutissement.
«Les autres vont souffrir. Mais, au moins, ils resteront en vie. Un jour, ils auront le privilège de devenir citoyens libres de nos nouveaux territoires.»
Il s’était tu de nouveau. Avait dardé son audience d’un œil féroce.
«… Suivez les ordres.»
Ce fut le discours d’accueil de l’assistant-surintendant James Richmond. Cambré tel un coq sur une estrade, flanqué de deux gardes sikhs, l’Anglais avait toisé la cargaison de miséreux à peine débarquée du Semiramis , une frégate à vapeur de la Honourable East India Company, la Compagnie britannique des Indes orientales, la «John Company» comme on l’appelait. Elle était partie de Calcutta quatre jours plus tôt.
Il avait écouté, debout aligné avec les autres sous la pesante moiteur de cette fin de matinée, le dos voûté par la fatigue du voyage et le poids de l’humiliation que leur avait infligée l’Anglais. Dans son village, où il dépassait les plus grands d’un demi-crâne, on le surnommait «le géant». Ses yeux émeraude, une teinte exceptionnelle chez un Bengali, y avaient chamboulé bien des cœurs de jeunes filles. Sa noble tête, ses solides épaules et sa franche dégaine rassuraient les autres raiyats * . Comme si cette robustesse leur permettait de se délester d’un peu de leur propre servitude.
Ici, il semblait s’être rapetissé, réduit en un rien de temps à la norme des soumis.
Le matricule 874 avait 28 ans lorsqu’il avait posé le pied aux îles Andaman.
C’était…
Il y a…
Combien de temps?
Six ans , se rappela Govinda.
Les émanations gazeuses avaient asphyxié les dizaines de bagnards, cancrelats alourdis de pelles et de haches, dès qu’ils avaient quitté la plage et gagné la lisière du marais. Des surveillants indiens, masques de coton sur la bouche, s’étaient positionnés tout autour, vociférant des ordres: «Creusez. Creusez. Évacuez la terre et les eaux pourries. Coupez. Coupez. Rasez les arbres, les buissons. Comblez les trous. Asséchez. Asséchez. Construisez des digues…»
Les miasmes avaient d’abord terrassé les plus faibles. Puis les autres. Ils étaient tombés, victimes de tous ces maux qui liquéfient les organismes et faisaient regretter d’avoir échappé à la potence dans la vie d’avant, sur le continent. Bien vite étaient apparues les fièvres et les hallucinations de la malaria, cette malédiction dispensée avec une infinie largesse par les moustiques grouillant dans ces eaux pestilentielles.
Six ans.
Une éternité.


* Paysan.


2
Ce marais les menaçait, lui et ses deux compagnons d’évasion, Sushil et Rosham, de sa fange et de ses gaz sournois. Il fallait le contourner, et donc allonger de plusieurs centaines de yards la voie menant à la plage. Jusqu’à présent, leur plan avait réussi. Ils l’avaient concocté dans le plus grand secret pendant des mois. Ces quelques heures d’avance sur l’expédition que les Anglais devaient déjà avoir lancée à leurs trousses pouvaient vite fondre. Surtout s’ils avaient mobilisé les négritos. Devant l’alléchante promesse de colifichets, d’alcool et de tabac, ceux-là ne perdraient pas de temps. Ils repéreraient leurs traces, aussi nettes que celles des sangliers. Ils les découvriraient. Leur décocheraient des flèches d’avertissement. Puis les ramèneraient aux sahib s * qui auraient suivi l’opération de loin. C’en serait fini de leur rêve de liberté. Jamais ils ne rejoindraient l’extrême nord de l’île et cette jungle parallèle qui aboutissait en Birmanie. Elle existait. C’est sûr. D’autres évadés l’avaient pénétrée avant eux et s’y étaient évanouis pour réapparaître libres plus tard. Leurs histoires s’étaient transmises au pénitencier.
«Hâtons-nous, enjoignit Govinda. Dès que nous aurons gagné la plage, nous serons plus en sécurité. Les négritos qui vivent dans ce coin se sont enfoncés dans la forêt. C’est Badan qui me l’a dit. Il était ici il y a une semaine avec des bûcherons.»
Govinda était le moins épuisé des trois. Il se faisait du souci pour ses compagnons. Deux jours avant l’évasion, Rosham avait émergé très affaibli d’une crise de malaria. Sushil était en proie à des palpitations cardiaques récurrentes. Il n’était pas question d’ajourner le plan. Depuis qu’ils avaient traversé le bras de mer sur leur radeau de fortune, puis progressé à coups de machette à travers la masse végétale, ils ne s’étaient arrêtés qu’une seule fois. Pour souffler et se désaltérer.
La mousson s’était mise de leur côté. Dès la fin de la journée précédente, elle avait crevé les nuages, libérant des guillotines d’eau qui avaient cisaillé l’archipel toute la nuit. Au lever du jour, chassée par des volutes d’air chaud, la pluie s’était éloignée.
«Vous entendez?
—Quoi?…, murmura Sushil à bout de souffle.
—On aurait dit… Des voix.»
Ils s’étaient immobilisés. Tendant l’oreille. Rien. Seulement les piaillements des oiseaux qui conversaient, indifférents, sur leurs branches.
«Vite. Allons-y.»
Tous trois foncèrent sur un ruban d’herbes molles, pataugeant dans la boue, trébuchant contre des racines de mangrove, se déchirant les mains sur des ronces, la tête éclatant de douleur sous la chaleur et les vapeurs organiques. Enfin. Le roulement des vagues. Et la plage… Sillon blanc encombré de vestiges d’arbres. Ils se dirigèrent vers l’estran, là où le sable reste dur.
«Là-bas, au bout, lança Govinda. Après, il y a des rochers. La nuit va bientôt tomber.»
Il avait mémorisé les détails des lieux, recueillis auprès

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