Le Temps des blés
181 pages
Français

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Le Temps des blés , livre ebook

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Description

Une vision du XVIIIe siècle, dans le cœur même de la France, le Berry. Le lecteur y découvre deux familles. L'une, paysanne, les Chapelin, survit au jour le jour ; l'autre, les De Nuys, aristocratiques, a soif de terres et de pouvoir. Très vite, la confrontation entre les deux clans devient inévitable. Disettes, sorcières contant des lendemains de malheur, trahisons, gabelous... Les deux familles auront fort à faire. Fresque historique précédant Le Fils des Lumières, cette plongée au cœur de ce premier XVIIIe siècle dévoile le Berry sous un nouveau jour : plus qu'une terre de paysans et de légendes, c'est une terre violentée par l'Histoire.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2014
Nombre de lectures 113
EAN13 9782365751841
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Guillaume Trotignon Le Temps des blés
Roman des terroirs de France
LE ROMAN DU BERRY
On voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus dans la campagne, noirs, livides, et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté inconvenable. Ils ont une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et, en effet, ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau, et de racines. Ils épargnent aux hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre. La Bruyère, « Les Caractères »
Première partie.
Une vie honnête
1
Et Louis XIV mourut. On était le premier septembre de l’année 1715, mais la nouvelle n’arriva au village de Louvet que quelques jours plus tard. Elle y fut alors accueillie simplement, comme elle l’avait été dans des milliers d’autres villages de France. Le vieux curé Anselme, l’officiant en titre, célébra ce dimanche une longue messe en l’honneur du roi qui avait régné sur la France pendant plus de soixante-dix ans. Le De Profundis dura longtemps. Les paysans, dont certains, les larmes aux yeux, s’inclinèrent, prièrent pour le voyage du roi dans l’éternité, offrirent une pensée à leur nouveau monarque – un petit enfant de cinq ans – et oublièrent la voix chevrotante du curé qui, de sa haute chaire, s’efforçait de donner, poings levés, grande solennité à la cérémonie. Les cloches sonnèrent et quand tout fut terminé, le groupe de villageois se dispersa. Une partie alla au cabaret, pour oublier la chaleur encore persistante et, surtout, discuter – ce n’était là qu’une habitude, car beaucoup n’assistaient jamais entièrement aux messes bien qu’ils crussent en Dieu. Comme tous ceux qui avaient participé au De Profundis, ils avaient une idée confuse de la nouvelle : certes, le roi était mort, mais il incarnait une figure lointaine, et comme Dieu, d’une certaine manière, une abstraction. Mais la mort d’un homme, qui plus est d’un roi, touche toujours le cœur. Dans le groupe se trouvait un individu de petite taille et robuste, aux mains rugueuses, à la figure carrée, à la démarche lourde, mesurée comme celle d’un bœuf. Son regard était dur et franc, la vie semblait l’avoir harassé, mais il y brillait une gentillesse sincère. Il était réservé et ce jour-là, il ne parla qu’après avoir cherché ses mots. Cela, néanmoins, ne l’empêchait pas, en sa chaumière, de discuter longuement avec sa femme, qu’il chérissait plus que tout. Cette personne s’appelait Chapelin, et il 1 était laboureur . Au cabaret, le premier à commenter la messe fut Dufour, un vacher gringalet qui aimait vagabonder autour du village et qui possédait mille ressources pour nourrir ses propres bêtes ainsi que celles qu’on lui confiait. Certains le considéraient comme un vrai filou, d’autres comme un malin, et la majorité comme rusé. Il aimait tripoter ses cheveux filandreux et gras, tout en parlant vite, en avalant la moitié des mots.
– Voilà donc le roi mort, lança-t-il, un peu ému mais sans plus. – Il était vieux, très vieux, trop vieux, grogna un laboureur du nom de Chenet, aux cils touffus. Le nouveau roi est un enfant, paraît-il. Trop jeune, beaucoup trop jeune. – C’est un enfant… Mais nous aimera-t-il ? – Bien sûr, répliqua un autre, un laboureur courtaud, à la figure burinée. Comme le roi nous a aimés. Le roi nous aime comme le bon Dieu. Comme sainte Solange, comme tous les saints qui veillent sur nous. Le roi sait guérir, le roi fait des miracles. – Il sait aussi faire des guerres, fit remarquer Chenet. – Oh, ça oui ! – Mais le nouveau roi est si jeune… 2 – Son oncle l’aidera, bredin ! grogna Chenet. Le frère du roi ! Il est très riche. C’est lui qui aura tout, c’est sûr. Puis quand y sera plus grand, le nouveau roi viendra. Et on sonnera les cloches. On le bénira, et il nous bénira. Il nous nourrira, il prendra soin de nous, comme Dieu. Chapelin n’avait rien dit mais il écoutait avec attention. La conversation se poursuivit : on continua à parler du feu roi, et fatalement, on en vint au comte de Nuys, le seigneur du lieu, qui détenait des terres en bordure du village. On se demanda s’il avait déjà rencontré le roi. Chapelin intervint : – Oui, il le connaissait ben. Je sais d’un de ses serviteurs qu’il est allé à Versailles. Il a combattu pour lui. Et bien que certains le sachent déjà, Chapelin leur rappela : – Ila été général. Il en a fait maintes, des batailles. Grand monsieur que çui-là. Et les hommes de hocher la tête, avec gravité : non seulement parce que le comte intimidait par sa noblesse et sa puissance, mais aussi parce que certains paysans du village, après quelques entourloupes des sergents recruteurs, avaient contre leur gré participé à ces batailles. Du comte, on passa aux tenures qu’il dirigeait, et aux tenanciers – une foule dans le village – qui y besognaient. Et cela amena Dufour, bien curieusement, à évoquer le fait du jour : la Truche, qui passait pour une vieille folle et qui, selon les rumeurs, était visitée par le Diable. Elle avait encore fait parler d’elle : – Deux enfants sont morts cette nuit. Mystérieusement. Elle leur a jeté un sort, pour sûr. Imitant ses deux autres voisins, Chapelin roula les yeux. – Il faut chasser cette sorcière du village, grogna Chenet. Cette femme nous apporte
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