Les Lueurs de l'aube , livre ebook
234
pages
Français
Ebooks
2014
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2014
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Publié par
Date de parution
12 février 2014
EAN13
9782342020441
Langue
Français
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Date de parution
12 février 2014
EAN13
9782342020441
Langue
Français
Les Lueurs de l'aube
Roland Appamon
Société des écrivains
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Les Lueurs de l'aube
Le blason actuel de la ville de Saint Pol de Léon porte pour armes anciennes, celles de l’ancien évêché :
- d’or au lion normé de sable, tenant une crosse de gueules de ses pattes de devant.
Ses armes modernes sont :
- d’hermines au sanglier de sable, accolé d’une couronne d’or, dressé en pied et soutenant une Cour de gueules au canton desche.
Le sanglier rappelle la légende de la Laie que Saint Paul trouva dans les ruines du vieil oppidum gallo-romain, où il fonda son monastère. Le sanglier est aussi un symbole utilisé par les tribus gauloises qui vivaient au nord de la Bretagne.
Ces armes sont réunies sur un cartouche surmonté d’une couronne murale et supportant la devise « Non offendo, sed défendo ».
Remerciements
Je tiens à remercier
ma femme Monique qui a relu le manuscrit et m’a fait bénéficier de ses précieux conseils ;
ma famille et amis qui m’ont encouragé par leurs remarques judicieuses ;
la municipalité de Saint-Pol-de-Léon qui a accepté que le blason de la ville figure sur la couverture de l’ouvrage.
Préface
Imaginez qu’en remontant votre arbre généalogique, vous découvriez le nom de l’un de vos ancêtres suivi de la mention : dit le sant *. Vous êtes devant une énigme ! Qui pouvait être ce personnage, mort vers 1704, à Sibiril ou à Cléder, en Bretagne ?
À cette époque, le registre des sépultures était tenu par le clergé. Nous sommes dans le Léon, au nord de l’actuel département du Finistère, à la fin du xvii e siècle, et les sant de cette époque ne répondaient pas forcément aux exigences de Rome. Ils jouissaient d’une reconnaissance locale, selon des critères plus subjectifs. Mais comment expliquer la présence de ce qualificatif ?
On peut imaginer que le religieux, auteur de cette mention, avait le sens de l’humour, et que votre ancêtre était un personnage atypique qui se prenait pour un sant . Un mendiant par exemple, qui jouait un personnage biblique pour apitoyer ou impressionner ses auditoires. Ce pouvait être aussi un conteur à l’imagination féconde qui développait des thèmes religieux et avait fini par prendre au sérieux, le fruit de son imagination.
Par contre, si vous pensez que le curé qui tenait le registre était un homme sérieux, il vous faut imaginer un autre personnage. Qui était Yvon dit le Sant ?
L’enfant exposé
La nuit est profonde, en ce mois de mai 1678, sur le village de Cléder en Bretagne. Le ciel est sans nuage et la clarté des étoiles éclaire faiblement les drames qui se jouent ou se rêvent.
Dans les champs et les bois alentours, les prédateurs cherchent leurs proies ; pour vivre il faut tuer et pour survivre, fuir et se dissimuler.
Dans leurs chaumières sombres, les humains dorment et songent. Les personnages imaginaires des mythes et des légendes peuplent l’obscurité ; ils alimentent les fantasmes des dormeurs tandis que les insomniaques travestissent leur vie et prennent des engagements qu’ils ne tiendront pas.
Dans un petit bâtiment annexe de la ferme des Guillou, une porte est entrouverte sans bruit. Une silhouette, serrant dans ses bras une chose enveloppée dans un grand châle, se faufile par l’entrebâillement et s’engage sur le chemin de pierres et de terre qui traverse le village.
Elle est nu-pieds, insensible aux pierres coupantes qui la blessent et se dirige vers la masse sombre de l’église. À l’entrée de chaque ferme, elle ralentit son allure pour ne pas éveiller l’attention des chiens de garde. Elle atteint enfin le cimetière qui entoure l’édifice religieux, avance entre les pierres tombales jusqu’au porche sud du bâtiment. Le porche, ouvert sur l’extérieur, est séparé de l’église par une porte fermée à clef. Les murs latéraux sont garnis d’un banc de pierre qui se distingue à peine dans l’obscurité. Elle y dépose doucement sa précieuse charge, se penche une dernière fois sur elle en laissant échapper un long sanglot, se retourne et s’enfuit, anéantie par le chagrin et la douleur qu’elle éprouve.
Revenue à la ferme, elle distingue la silhouette immobile du chien de garde, elle l’appelle par son nom et le caresse au passage puis elle referme la porte du petit local qui lui sert de chambre et se jette en pleurant sur sa couche de paille. Servante docile, violée par un maître brutal, elle est désespérée.
« Que va devenir mon enfant ? » Elle n’avait pas le choix. La mère Riou, sa patronne, avait maintes fois répété, en observant son état : « Ici on n’élève pas de bâtard ! » Où pouvait-elle aller avec l’enfant ? Elle n’avait pas de famille. Elle avait accouché seule, elle était épuisée et avait rassemblé ses dernières forces pour se rendre à l’église.
Étendue sur sa paillasse, elle pleure, prie, espère, s’angoisse et s’évanouit.
Quand elle reprend conscience, elle se rend compte qu’elle a perdu beaucoup de sang et qu’elle n’a plus de force. Dans les premières lueurs du jour, les formes des objets qui l’entourent sont floues. Son enfant ? Elle prie la Vierge et l’implore pour lui, elle est saisie par un tremblement.
« Je ne veux pas mourir ! ». Ce sont ses dernières paroles. Lorsque la lumière du soleil, pénétrant par l’étroite fenêtre, éclaire le triste logis, les yeux grands ouverts de la pauvre fille témoignent encore de sa terreur que la mort ne semble pas avoir apaisée.
* * *
Il fait déjà jour lorsque Jeanne, la karabasen *, quitte le presbytère pour aller ouvrir la porte de l’église avant la première messe du matin. Parvenue sous le porche, elle aperçoit une masse noire sur le banc de pierre. Après avoir déverrouillé le portail, elle s’approche du châle noir, intriguée par un léger bruit à peine perceptible. Elle écarte le tissu et découvre la tête d’un petit enfant.
— Dieu soit béni ! s’exclame-t-elle, en prenant l’enfant dans ses bras. Sans attendre, elle revient vers le presbytère.
Dans la pièce qui sert aussi de salle de réception, le curé achève d’enfiler sa soutane pour se rendre au premier office ; la porte s’ouvre brusquement et la servante entre, essoufflée…
— Monsieur le recteur, sous le porche, j’ai trouvé un enfant abandonné. Que faut-il en faire ?
Sans perdre son sang-froid, l’homme d’Église regarde l’enfant et dit à sa servante :
— Jeanne, occupez-vous de lui jusqu’à mon retour, ensuite nous aviserons. Puis il part pour dire sa première messe de la journée.
Restée seule avec l’enfant qui commence à pousser de petits cris, la bonne du curé ne cède pas à la panique ; elle n’a jamais eu d’enfant, mais le désir d’être mère, qu’elle a toujours refoulé parce que c’est impossible dans sa profession, revient avec une certaine intensité qui lui procure un peu de bonheur.
— Tu dois avoir soif, mon petit ange, dit-elle en embrassant le front du bébé qui tournait la tête à droite et à gauche en faisant de petites grimaces. Dans la cuisine elle prépare un verre d’eau sucré et se retrouve dépourvue quand il faut faire boire le nourrisson. N’écoutant que son instinct, elle trempe son doigt dans le verre et le met sur la petite bouche, ce qui déclenche un mécanisme de succion. Elle répète plusieurs fois l’opération jusqu’à ce que l’enfant s’endorme. Elle le berçait doucement, la joue appuyée sur son front lorsque le recteur entra :
— J’ai parlé à madame la marquise et à madame Tanguy, elles vont chercher une nourrice pour le petit, mais nous devons avant tout nous occuper de son âme. Il faut qu’elle puisse aller au ciel si un malheur lui arrivait. Allez me chercher un homme et une femme qui accepteront d’être parrain et marraine. Nous le baptiserons sur le champ.
La karabasen alla poser le bébé sur le lit de sa propre chambre et sortit. Elle revint une demi-heure après avec Mélanie, la guérisseuse, et Pitik, le fossoyeur, les premières personnes qu’elle avait rencontrées.
Sans plus attendre, le recteur commença la cérémonie du baptême devant un autel qu’il avait improvisé. Il récita les formules rituelles, désignant l’enfant sous le nom « d’Yvon » ; Yves étant le nom du saint du jour. Puis il s’adressa au parrain et à la marraine qui avaient donné leur consentement.
— Vous êtes maintenant responsables de l’éducation religieuse d’Yvon et de sa formation morale. La charité envers son prochain est un des grands principes de l’Église catholique et la situation de l’enfant abandonné interpelle tous les chrétiens. Yvon aura besoin de nous tous pour devenir un homme de bien et Dieu saura récompenser notre dévouement.
Ces paroles du prêtre touchèrent profondément toutes les personnes présentes ; leur justesse et leur sincérité tranchaient dans cette société paysanne profondément individualiste et égoïste, dominée par des conditions de vie difficiles et toujours précaires.
L’arrivée des deux paroissiennes qui secondaient efficacement le recteur dans ses actions de charité, mit fin à la cérémonie ; les présentations furent inutiles car tous se connaissaient ; on entra immédiatement dans le vif du sujet.
— Nous avons pensé à une solution pour le bébé, déclara la marquise. L’orphelinat de Saint-Pol-de-Léon n’a plus de place pour accueillir les enfants exposés, mais à la ferme de Penlan, Louise Mérien a mis hier au monde un enfant mort né ; nous allons lui proposer de prendre Yvon en nourrice en lui donnant quelques compensations pour les services rendus.
— Cela me semble une heureuse initiative, répondit le recteur. Ainsi l’enfant restera dans la paroisse et nous pourrons plus facilement nous i