Observations sur la Russie - Relatives à la révolution de France et à la balance politique de l Europe
58 pages
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Observations sur la Russie - Relatives à la révolution de France et à la balance politique de l'Europe , livre ebook

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Description

LA Russie, avant Pierre I.er, jouissait d’une sorte de constitution. Le trône était héréditaire ; la puissance patriarchale, celle de la noblesse et des différens ordres de l’état tempéraient le despotisme du souverain. Ce prince, ennemi de toute contrainte, jaloux d’une autorité sans bornes, renversa tout ce qui présentait quelque obstacle à ses projets.Sans respect pour la religion, plein de mépris pour ses ministres, il abolit la dignité patriarchale ; il s’établit par le fait chef de l’église grecque.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346101320
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
François-Marie Froment
Observations sur la Russie
Relatives à la révolution de France et à la balance politique de l'Europe
NOTA. Après six années de voyages en Europe, par ordre et pour les intérêts des BOURBONS, je remis, le 23 Septembre 1795, à SA MAJESTÉ LOUIS XVIII, alors à Véronne, le Mémoire dont j’ai cru devoir publier un extrait, afin que tout vrai Français puisse juger si j’ai bien vu ; et, dans ce cas, ce que la France et les divers Etats du midi de l’Europe ont à espérer ou à craindre des Puissances du nord, dans les circonstances actuelles.
OBSERVATION SUR LA RUSSIE, RELATIVES A LA RÉVOLUTION DE FRANCE, ET A LA BALANCE POLITIQUE DE L’EUROPE
(EXTRAIT)
L A Russie, avant Pierre I. er , jouissait d’une sorte de constitution. Le trône était héréditaire ; la puissance patriarchale, celle de la noblesse et des différens ordres de l’état tempéraient le despotisme du souverain. Ce prince, ennemi de toute contrainte, jaloux d’une autorité sans bornes, renversa tout ce qui présentait quelque obstacle à ses projets.
Sans respect pour la religion, plein de mépris pour ses ministres, il abolit la dignité patriarchale ; il s’établit par le fait chef de l’église grecque.
Sans amour pour ses peuples, sans égards pour les grands, il les fit descendre tous au rang de simples sujets, ou, pour mieux dire, à celui des plus vils esclaves.
Il ravit, par une loi expresse, à ses héritiers légitimes leurs droits à la couronne. Il fit jurer à tous les ordres de l’état, qu’à l’avenir le souverain régnant pourrait en disposer même en faveur d’un étranger 1 . C’est cette loi funeste qui a provoqué les scènes sanglantes dont l’Europe a frémi d’horreur. C’est cette loi qui a placé sur le trône de Russie, presque sans interruption, des usurpateurs trop heureux pour qu’il ne s’en trouve pas à l’avenir qui soient tentés de marcher sur leurs traces.
Avide de nouveautés, dévoré d’ambition, Pierre I er parvint, à l’aide de quelques aventuriers, à discipliner une armée, à créer une flotte, à fonder Pétersbourg, à fixer sur son empire, par ses victoires et ses conquêtes, les regards de l’Europe, à placer la Russie au rang des puissances prépondérantes. Les éloges les plus pompeux lui ont été prodigués. Selon ses panégyristes, les Russes plongés dans la barbarie ont été civilisés par la sagesse de ses lois et l’utilité de ses réformes ; mais les mêmes écrivains qui ont chanté ses louanges auraient flétri sa mémoire , si , entouré des cadavres de ses sujets égorgés de ses propres mains , et couvert du sang de son fils , il eût montré quelque respect pour la religion et les moindres égards pour ses ministres : avec quelques crimes de plus il s’est fait absoudre de tous les autres.
Aussi ennemi de toute espèce de culte que de l’autorité royale, voulant élever leur domination sur les ruines de l’autel et du trône , les philosophes applaudiront toujours au despote irréligieux et impolitique qui humiliera le sacerdoce. Ils sont trop clairvoyans pour ne pas sentir que c’est un ennemi de moins à combattre, et trop ardens dans leur système pour ne pas voir avec enthousiasme l’avant-coureur de la chute prochaine de la puissance souveraine.
Mais voyons de quelle utilité ont été jusqu’à présent à la Russie les plans, les opérations de Pierre I er et de ses successeurs.
Voyons, eu égard à sa position actuelle, quel doit en être le résultat pour cet empire.
Voyons enfin, si les souverains et les peuples de l’Europe ont intérêt à les seconder ou à s’opposer de toutes leurs forces à leur entière exécution.
Il est vrai de dire qu’avant Pierre I. er la Russie, presque inconnue au reste de l’Europe, ne possédait aucun des grands avantages qui rendaient la France, l’Angleterre, l’Autriche les arbitres de l’univers.
Ce Prince, fier de la vaste étendue de ses états et d’un pouvoir sans bornes, moins jaloux du bonheur de sa nation qu’avide d’une fausse gloire, crut qu’il n’avait qu’à vouloir pour civiliser ses sujets, comme il avait formé une armée. Un gouvernement sage et constant dans sa marche pouvait seul amener insensiblement les Russes à la civilisation, comme un instituteur prudent et éclairé pousse pas à pas son élève dans la carrière des sciences. Pierre I. er , pressé de jouir comme tous les despotes, voulut arriver à son but par les moyens les plus violens  ; il rendit son gouvernement odieux, il provoqua des séditions qu’il punit avec une cruauté sans exemple ; il irrita sa nation, et, quoiqu’en disent ses panégyristes, il la laissa dans l’état de barbarie où il l’avait trouvée. 2
Sur ses fausses promesses, des aventuriers de toutes les nations, dans l’espérance d’une prompte et brillante fortune, arrivaient en foule à Pétersbourg. Ces nouveaux maîtres, instruits dans les arts et dans les sciences, auraient promptement formé d’excellens élèves, si Pierre I. er avait eu ou assez de génie pour comprendre, ou assez d’humanité pour sentir qu’il fallait accorder avec la liberté des secours et des terres en toute propriété à cent mille de ses sujets. Une fois perfectionnés dans l’agriculture, les arts et le commerce, il aurait pu en former plusieurs colonies qui auraient servi d’école au reste de la nation. Peu à peu les arts, l’industrie, les richesses, les sciences se seraient répandues dans toutes les parties de l’empire ; peu à peu, et sans exposer le gouvernement à des commotions violentes, il aurait brisé les fers de ses esclaves à mesure qu’ils auraient avancé vers la civilisation.
Cette régénération aurait été réelle et non illusoire, comme celle dont on l’a si gratuitement loué. Sans user de la terreur des armes, elle l’aurait élevé au niveau des plus puissans monarques ; il aurait eu surtout, par la position topographique de son empire, le précieux avantage de pouvoir y perpétuer, malgré l’ambition de ses voisins, la paix, l’aisance et le bonheur. Mais Pierre I. er , toujours guidé par un esprit tyrannique, bien loin de suivre cette marche naturelle, voulut instruire et civiliser ses sujets en resserrant leurs fers. Assez éclairé pour prévoir que de nouveaux talens au lieu d’améliorer son sort ne feraient que l’aggraver, l’esclave préféra son ignorance et son repos à l’intérêt particulier de son maître.
Au préjudice des nationaux les étrangers s’emparèrent des arts, de l’industrie, du commerce, et en jouissent encore. Le Russe est si peu avancé à Pétersbourg, que tous les genres d’ouvrages qui sortent de ses mains n’ont que le quart de valeur de ceux des ouvriers étrangers ; on aura chez un Russe des bottes pour six livres, qu’un Allemand vendra vingt-quatre francs ; on trouvera pour cent écus, chez un Russe, une voiture qu’un Allemand ne cédera qu’à cinquante louis : l’une et l’autre auront la même forme, le même lustre, mais un fini et un usage bien différons. Si dans la capitale, sous les yeux des meilleurs maîtres, les ouvriers russes sont si arriérés, on peut juger de ceux qui habitent l’intérieur des terres.
Pierre I. er et ses successeurs ont fait par ostentation plusieurs établissemens à l’instar des nôtres ; ils ont voulu atteindre à la perfection avant d’avoir passé par tous les degrés de l’instruction. Qu’en est-il résulté ? leurs étoffes de luxe, surtout celles de soie, sont, à l’égard des nôtres, ce que sont les fruits des serres chaudes à ceux qui croissent en plein vent. On voit à Pétersbourg une manufacture de tapisseries comme celle des Gobelins ; et, dans toute l’étendue de l’empire, on n’est pas

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