Observations sur les Antilles françaises
61 pages
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Observations sur les Antilles françaises , livre ebook

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Description

Lorsqu’un pays est bien gouverné, sa population augmente ; elle finit par n’être plus en harmonie avec l’étendue du territoire : on sent bientôt le besoin d’en verser le surplus quelque part. Telle est l’origine des colonies. Nous en voyons se former dès l’antiquité la plus reculée.Tantôt c’est une démocratie, comme Athènes, qui, ne pouvant conserver sa constitution qu’en bornant le nombre de ses citoyens, verse le trop plein de sa population dans les endroits qui lui paraissent les plus convenables pour sa marine et sa puissance.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346100255
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
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André-C. de Lacharrière
Observations sur les Antilles françaises
CHAPITRE PREMIER
Considérations générales
Lorsqu’un pays est bien gouverné, sa population augmente ; elle finit par n’être plus en harmonie avec l’étendue du territoire : on sent bientôt le besoin d’en verser le surplus quelque part. Telle est l’origine des colonies. Nous en voyons se former dès l’antiquité la plus reculée.
Tantôt c’est une démocratie, comme Athènes, qui, ne pouvant conserver sa constitution qu’en bornant le nombre de ses citoyens, verse le trop plein de sa population dans les endroits qui lui paraissent les plus convenables pour sa marine et sa puissance.
Tantôt c’est un peuple conquérant, comme les Romains, qui établit des colonies de vétérans dans les provinces conquises, pour assurer leur soumission, communiquer aux vaincus les mœurs des vainqueurs, remplacer leur liberté et le farouche courage qu’elle inspire par la civilisation et les arts qui, en créant des besoins, procurent aussi les jouissances, et rendent le repos nécessaire.
Les colonies ont encore le même but chez les modernes ; mais elles sont plus intimement liées avec la navigation et le commerce, et contribuent davantage à la puissance d’un peuple.
L’Angleterre nous offre sons ce rapport un bel exemple : tant qu’elle voulut étendre ses conquêtes en France, et devenir puissance continentale, le succès ne répondit pas à ses efforts ; lorsqu’elle comprit mieux ses intérêts, elle sentit que c’était sur l’océan qu’elle devait porter ses conquêtes. Dès lors elle n’a cessé-d’augmenter ses colonies par sa marine, et sa marine par ses colonies ; et elle présente aujourd’hui le beau phénomène d’une nation dont le territoire ne se compose que de deux îles, qui cependant, maîtresse de la mer par ses vaisseaux, voisine de tous les peuples par sa marine et son commerce, mêle ses intérêts à leurs intérêts, et sa politique à leur politique ; rétablit l’équilibre de l’Europe lorsqu’il est ébranlé, influe sur les destinées des républiques américaines, soumet les deux Indes à son empire, étend son commerce jusqu’à la Chine, sa pêche jusqu’aux pôles, ses colonies jusqu’à l’Australie ; environne le globe comme un polype aux mille bras ; et, soutenue par sa marine, son commerce, ses colonies, trinité de sa puissance, se place au rang des plus grandes nations, et marche avec la France à la tête de la civilisation européenne.
Cet exemple ne doit pas être perdu pour la France ; elle doit être revenue des conquêtes sur le continent. Que lui en reste-t-il, après tant de victoires ? Peut-être même lui seraient-elles funestes ; elles porteraient atteinte à sa constitution et à ses mœurs. Elle possèderait un territoire plus étendu, des armées plus formidables ; mais elle exciterait l’envie, mais elle verrait sans cesse des ligues se former contre elle. Les forces nécessaires pour maintenir sa grandeur seraient funestes à sa liberté.
Les produits toujours croissans de son industrie, sa population surabondante, demandent des débouchés ; c’est maintenant vers l’océan qu’elle peut, sans inconvénient pour ses voisins, sans danger pour ses libertés, porter ses espérances et ses efforts.
Il faut aussi qu’à son tour elle augmente sa marine par ses colonies, et ses colonies par sa marine.
Quelques personnes ne sont pas encore bien pénétrées de l’utilité de la marine. Une bataille navale, disent-elles, n’a jamais été décisive.
Nous pourrions rappeler à ces personnes qu’à une époque où la marine était loin d’être ce qu’elle est aujourd’hui, et d’avoir la même importance dans les destinées des nations, des peuples tels que les Carthaginois, les Phéniciens, lui ont dû leur gloire, leur prospérité, et leur liberté même. Que serait devenue Athènes, si les conseils de Thémistocle ne l’avaient pas emporté sur ceux de ses rivaux ?
Pour qu’une nation qui n’est pas commerçante jouisse d’une grande prépondérance, il faut que son territoire soit considérable, sa population nombreuse. Mais on a vu des villes maritimes, telles que Gênes, Venise, prendre place parmi les nations les plus puissantes. La marine seule produit de pareils miracles.
A quoi sert, dit-on encore, une marine qui ne saurait lutter contre celle de l’Angleterre, des colonies qui seraient prises à la première déclaration de guerre ?
Ce raisonnement pouvait être vrai il y a quelques années, il ne l’est plus aujourd’hui. Les États-Unis sont venus mettre leur poids dans la balance des puissances maritimes. La monarchie universelle est maintenant impossible sur mer comme sur terre : les deux marines les plus faibles, en se réunissant, pourraient lutter contre la plus forte. Peut-être même le temps n’est-il pas éloigné où l’on verra l’Angleterre briguer sur les mers l’alliance de la France contre les États-Unis, comme elle la brigue maintenant sur le continent contre la Russie. Quand on considère les progrès prodigieux de la fédération américaine, dont l’histoire n’a jusqu’ici offert aucun autre exemple, lorsqu’on réfléchit à ses immenses avantages pour le commerce intérieur et extérieur, à la hardiesse et aux succès de ses marins, quand on considère de combien elle s’est déjà rapprochée de l’Angleterre, on se rappelle ce que dit un historien romain, en parlant de l’enfance du vainqueur d’Annibal : « C’est là ce Scipion qui grandit pour la destruction de Carthage. »
Les colonies sont pour les armées navales ce que les forteresses sont pour les armées de terre. Une flotte victorieuse s’y retire pour y déposer ses blessés, ses prisonniers, réparer ses dégâts, prendre de nouveaux approvisionnemens, et continuer ses triomphes. Une escadre battue y trouve un abri qui la garantit d’une destruction entière, et où elle peut en sûreté attendre de nouveaux renforts.
Les Antilles, à cause de leur position géographique, offrent des avantages, qu’on chercherait vainement ailleurs. Situées sous un autre climat que la France, elles ont besoin de ses produits, et lui fournissent des denrées étrangères à son sol ; elles sont placées comme des points intermédiaires entre l’Amérique du nord et l’Amérique du sud. C’est une chaîne qui joint les États-Unis à la côte ferme. Placées en fer à cheval autour du golfe du Mexique, elles sont projetées assez avant dans l’océan Atlantique pour s’approcher de la route que suit le commerce de l’Inde avec l’Europe. Leurs montagnes élevées les rendent très-faciles à défendre, leur procurent une variété de température qui permet d’acclimater par degrés, et sans perte, les troupes européennes au climat des tropiques et de l’équateur 1 . De quelle utilité ne seraient-elles pas aux escadres françaises et américaines réunies pour arracher l’empire des mers à l’Angleterre ?
1 M. le contre-amiral Desrotours, dont le zèle pour tout ce qui tenait à la vie et à la santé des soldats, tandis qu’il était gouverneur de la Guadeloupé, ne saurait être trop loué, sut parfaitement tirer parti de cette disposition des lieux. A son arrivée, la fièvre jaune éclata à la Basse-Terre avec une inconcevable furie : peu de jours lui suffirent pour faire cesser la mortalité. Les moyens d’acclimatement qu’il a établis ont eu un si heureux succès, que depuis cette époque les états sanitaires de la garnison ue diffèrent point, ou presque point, de ceux de la métropole.
Ces réflexions n’ont pas échappé au gouvernement britannique. Il craint de voir un jour les États-Unis s’emparer de ces îles, qui sont comme le prolongement de la Floride ; s’en servir comme d’une chaîne pour asservir le commerce des deux Amériques, et intercepter celui de l’Europe et de l’Inde.
Aussi l’Angleterre cherche-t-elle à détruire les Antilles, comme on se hâte de faire sauter des fortifications qu’on désespère de pouvoir conserver. Qu’elle serait heureuse de voir la France entraînée par son exemple, faire par ignorance et par imitation ce

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