Question d Afrique - Au mois de décembre 1843
48 pages
Français

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Question d'Afrique - Au mois de décembre 1843 , livre ebook

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Description

Avant de discuter cette grande question d’Afrique, qui se résume en ces deux mots : Guerre et colonisation, il me paraît utile de jeter un coup d’œil rapide sur le pays que nous conquérons avec notre sang, en attendant que nous le possédions entièrement, tranquillement, par nos sueurs, par nos arts, par notre industrie, par notre civilisation.Pour bien juger des choses, il faut les regarder de près : une tour carrée, à une distance donnée, paraît ronde, et nous le jurerions.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782346100699
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Léon Lafaye
Question d'Afrique
Au mois de décembre 1843
A MES AMIS.
 
 
 
En nous quittant, quand je partis pour l’Afrique, quelques-uns d’entre vous ont bien voulu me demander d’écrire pour eux les impressions que j’ai éprouvées dans ce pays, où tant de gloire française se mêle à tant de gloire antique. — En nous retrouvant, après une longue absence, vous voulez bien me rappeler vos trop bienveillans désirs ! A vous tous donc, mes amis, ces quelques pages que j’abandonne ainsi aux hasards capricieux de la publicité, sous la protection de votre amitié.
J’aurais pu écrire du roman ; j’aurais pu fouiller dans mes souvenirs, et en détacher bien des pages trempées dans des parfums de poésie, pour en faire un livre de boudoir ; car les émotions vives, étranges, ardentes, ne m’ont pas manqué au pays des contes féeriques. — Mais gardons pour nos tête-à-tête ces tableaux qu’il faudrait broder d’or pour le monde, et laissez-moi vous parler guerre, colonisation, gloire française.
Je suis allé voir à sa source cette civilisation chrétienne, renaissante après tant de siècles, et qui bientôt deviendra comme un grand fleuve, aux eaux vives duquel se ravivera rapidement une terre décrépite et devenue sauvage, tant elle a été abandonnée. — J’ai bravé les balles arabes, la fièvre dévorante, fléau terrible qu’on respire sous ce ciel de feu et de rosée ! J’ai méprisé les fatigues, et la cruelle soif, et l’horrible dyssenterie qui s’incruste dans les entrailles, pour étudier notre grande question d’Afrique. C’est donc un résumé plus sérieux et plus noble que je vous dois de mon voyage.
Je n’ai certes pas la prétention d’avoir mis dans ces quelques pages la pierre philosophale, et d’avoir dénoué le nœud gordien de notre affaire algérienne ; mais j’ai vu, j’ai entendu. — L’armée est comme une tribune où se produisent toutes les opinions ; dans les proportions de ma raison, j’ai choisi et je résume ces opinions. — J’ai mis le pied, la main, sur les choses ; j’ai écouté avidement les hommes les plus éminens, et mon esprit s’est éclairé aux vives clartés du leur.
J’apporte, à tous ceux qui s’occupent de l’Algérie, comme une déposition d’un témoin de visu, et que les grands juges de l’affaire peuvent joindre aux pièces de ce grave procès de l’Afrique, le plus grand que la France ait à soutenir jamais contre des ennemis armés, contre la pernicieuse malveillance des économistes ; enfin, contre un climat impitoyable et contre la résistance de la barbarie.
Qu’on prenne donc mon écrit à titre de renseignement : cela suffit à mon ambition. Quand l’opposition, le blâme, une critique déloyale et toujours personnelle, se représentent sans cesse, sortant tout armés du fond d’un cabinet de Paris, pourquoi l’Afrique, ses soldats, ses chefs, et le premier chef d’entre tous, n’auraient-ils pas leurs défenseurs, lorsque surtout ces défenseurs vont, sous un soleil dévorant, voir, étudier en soldats les mêmes choses que de tranquilles publicistes discutent sur leurs moelleux sophas ?
Comme vous tous, mes amis, quand je lisais dans Salluste, au collège, ces belles pages où Jugurtha était peint avec un si grand éclat et brillait d’une gloire si radieuse, je me transportais par la pensée sur ses champs de bataille ; je suivais curieusement Métellus, Marius et Sylla, et je frémissais d’enthousiasme au spectacle de ce grand drame si bien représenté par l’historien romain. Comprenez-vous l’immensité de mon bonheur, quand je me suis trouvé debout sur cette terre, presque fabuleuse pour nous tous dans notre jeunesse ?... Pouvez-vous calculer les battemens passionnés de mon cœur, quand j’ai vu se réaliser ce que j’appelle volontiers encore un rêve, c’est-à-dire un voyage en Afrique !...
Il y a deux mille ans, c’était Rome qui touchait, du bout de son grand sceptre, ce royaume de Jugurtha. Aujourd’hui, c’est la France qui, de sa puissante épée, trace des limites à un autre Jugurtha. Comme Rome, la France triomphe ; mais elle, noblement, sans perfidie, à visage découvert, sans chercher un Bocchus, avec un chef qui vaut mieux que Marius et Sylla ; car tout est loyal, habile et brave militaire en lui : bras, tête et cœur.
Je vous dois le récit de mon voyage à un autre titre encore, mes amis ! Quelques-uns d’entre vous me croient perdu peut-être, tant ils auront entendu répéter souvent que j’étais parti pour jamais.
Je tiens à cœur d’annoncer de cette façon mon retour à ceux-ci. — Parti pour toujours !... Je le parie bien, pas un de ceux qui l’ont dit ne le croyait. Mais, au risque d’être ignoble, on se donnait le bonheur d’une adorable plaisanterie. — Je pardonne de tout mon cœur ce délicieux effort de nos esprits rares, car je pratique, avec des correctifs dans l’occasion pourtant, la maxime d’Epictète à l’égard de la malveillance et des sots propos.... et, si j’en avais le pouvoir, je ferais décerner à tous nos ingénieux parleurs une couronne d’or aux jeux floraux, et, de plus, le prix Monthyon.
Pourquoi ces paroles ? me dites-vous peut-être ; — On m’a écrit dans vingt lettres, que de bonnes’ et saintes âmes, masculines et féminines ; avaient fait de moi, depuis mon départ, un très haut et très puissant personnage. Selon les unes, j’étais envoyé consul au Maroc ! rien que cela ; selon les autres, j’étais nommé aide-de-camp du gouverneur-général. — Aide-de-camp ! moi, humble officier, mais fier, de notre garde nationale, si dédaignée par le pouvoir.... On pourrait donc conclure de mon retour que j’ai été destitué pour indignité.  — Destitué ! non pas, s’il vous plaît. — Or, si, par hasard, on s’était pressé d’intervenir, de se glisser mystérieusement, anonymement, auprès de mes puissans protecteurs, pour souffler un peu de venin sur l’étoile éblouissante qu’on croyait levée pour moi, trop malin et trop radieuse, j’ai du plaisir à proclamer qu’on s’est donné beaucoup d’ infâme peine pour rien, — pour rien du tout ! car, grâces à Dieu, je reviens d’Afrique, libre, fier, la tête haute, comme j’y étais allé ; je me trompe : bien plus fier et plus heureux, car j’ai pu apprendre à aimer chaudement et à estimer de toute mon âme un homme contre lequel s’élèvent de grandes et injustes préventions ; — la tête plus haute, car, grâce à la généreuse hospitalité du maréchal Bugeaud, il m’a été permis de voir, au péril de ma vie, les glorieuses actions de nos soldats, de féeriques métamorphoses ; d’assister, pour ainsi dire, à l’agonie d’Abd-el-Kader et au fondement de notre puissance sur une terre qui nous ouvrira bientôt les trésors qu’elle recèle en son sein, et qui peut-être, un jour, assurera le salut et l’honneur de la nation française.
Ce spectacle-là suffirait à de plus hautes ambitions, à de plus grandes intelligences, j’aime à le croire. A moi, il m’a procuré de telles émotions, de telles satisfactions intellectuelles, que ma vie en sera remplie ! Il y a de par le monde, je le sais, des cœurs étroits, des cerveaux d’oiseau-mouche, qui ne comprennent pas qu’on borne ses vœux et son ambition à un but en apparence si modeste, et pourtant si magnifiquement élevé. Mais qu’importe ! Quand on marche, fait-on attention à l’insecte qui rampe à terre, et qui parfois tente de

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