Remarques sur le dix-huitième siècle
31 pages
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Remarques sur le dix-huitième siècle , livre ebook

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Description

ÉCRIRE une histoire littéraire du dix-huitième siècle serait une chose intéressante si aujourd’hui on aimait à s’instruire, malheureusement le contraire est vrai ; on ne lit pas, on n’écoute qu’en marchant, on parcourt un journal d’un air distrait, on va à ses affaires ou à ses plaisirs, mais on ne lit pas par amour de l’étude.Les gens de lettres sont très rares, car on ne peut pas appeler de ce nom des littérateurs sans études, commis le matin, hommes du monde le soir, portant dans les affaires, avec la présomption de l’ignorance, les sentiments de haine et d’envie qui sont comme les remords ou la conscience de la médiocrité.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782346088614
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Roger Du Boberil
Remarques sur le dix-huitième siècle
REMARQUES
SUR LE DIX-HUITIÈME SIÈCLE
É CRIRE une histoire littéraire du dix-huitième siècle serait une chose intéressante si aujourd’hui on aimait à s’instruire, malheureusement le contraire est vrai ; on ne lit pas, on n’écoute qu’en marchant, on parcourt un journal d’un air distrait, on va à ses affaires ou à ses plaisirs, mais on ne lit pas par amour de l’étude.
Les gens de lettres sont très rares, car on ne peut pas appeler de ce nom des littérateurs sans études, commis le matin, hommes du monde le soir, portant dans les affaires, avec la présomption de l’ignorance, les sentiments de haine et d’envie qui sont comme les remords ou la conscience de la médiocrité.
Les idées introduites au dix-huitième siècle par la philosophie encyclopédiste ont bouleversé les esprits. Suivant un profond penseur :
« La raison s’affaiblira visiblement. On contemplera avec surprise et comme quelque chose d’étrange les plus simples vérités, ce sera beaucoup si on les tolère. Les esprits s’en iront poursuivant au hasard, dans des routes diverses, les fantômes qu’ils se seront faits. Les uns s’applaudiront de leur sagesse qui n’admet rien que de positif, c’est-à-dire ce qui se voit, ce qui se touche, ce qui se laisse manier avec la main ; les autres se passionneront pour des rêves, et, plaignant le genre humain de son opiniâtre attachement à des idées qui ne durent après tout que depuis six mille ans, voudront, pour son bonheur, le forcer à vivre de leurs immortelles abstractions. Tous, quelles que soient leurs pensées, leurs opinions particulières, s’accorderont pour rejeter l’unanime enseignement des siècles. Il sera convenu que rien de ce qui fut ne peut plus être, que le monde doit changer, qu’il faut à ses lumières présentes une nouvelle morale, une religion nouvelle, un Dieu nouveau. »
En attendant qu’on le découvre en France, l’État a cessé de reconnaître l’ancien (LAMENNAIS, De la Religion, p. 29).
Beaucoup de journaux, de revues, même des professeurs en chaire de Sorbonne prêchent une multitude d’erreurs qui, à force d’être répétées, passent pour des vérités établies. Chaque jour on tourmente le bon sens par de semblables inepties ; aux fictions politiques, assez graves déjà, qui ne tendent qu’à encourager l’anarchie, on ajoute les fictions historiques, afin de compléter ce vaste système d’illusions. Il n’y a pas de peuple dont la raison pût résister longtemps à l’influence de tant de causes diverses qui tendent incessamment à la troubler et à la détruire. La même confusion d’idées règne en partie dans la jurisprudence, et quant à l’administration, qu’est-elle ? qu’un chaos de maximes et de règles empruntées à tous les régimes, modifiées selon les caprices du moment, appliquées selon les intérêts, violées selon les passions, et qui, sous quelque point de vue qu’on les considère, ne présentent rien de fixe que le despotisme, et d’immuable que l’oppression.
Malgré nos prétendues lumières (lumières que je conteste au point de vue moral), nous ne savons ce que c’est que la liberté :
« La liberté est le sentiment des âmes élevées, elle produit les grandes actions, crée les grandes patries, et fonde les institutions durables, elle se plaît dans l’ordre et la majesté ; elle s’allie avec tous les gouvernements hors avec le despotisme.
L’égalité absolue est la passion des petites âmes, elle prend sa source dans l’amour-propre et l’envie, elle enfante les basses révolutions, et tend sans cesse au désordre et au bouleversement.
L’égalité absolue considérée à un point de vue général ne produit, malgré quelques exceptions, rien de grand. La France révolutionnaire n’a produit qu’une douzaine d’hommes supérieurs dans les armes et la politique, le reste a été d’une extrême infériorité, car nous ne comptons pas les monstres de 1793. Là où l’on voit de grandes vertus on doit supposer de grandes âmes, parce que la vertu est un principe élevé et sublime ; mais le crime est par lui-même d’une nature si basse que, plus il est extraordinaire, plus il est à la portée des âmes communes.
Principe naturel de la démocratie et du despotisme, l’égalité absolue est d’autant plus dangereuse quand son esprit domine chez un peuple, qu’elle ne peut être satisfaite (c’est son aspiration actuelle) qu’en régnant sur des tombeaux. Ce qu’elle attaque est une chose qu’on peut détruire, mais qu’on ne saurait vaincre. Persécutez tant qu’il vous plaira la noblesse, vous ne l’empêcherez pas d’exister ; vous abolirez les droits, vous n’effacerez pas les noms ; pour anéantir la noblesse il faut tuer tous les individus nobles. L’égalité absolue est donc un principe de mort, elle ne peut rien fonder parce que rien ne peut s’élever auprès d’elle ; je la compare à la Patience de Shakespeare assise sur un tombeau et souriant à la douleur.
Remarquez que les révolutions les plus sanglantes et les moins durables sont celles où l’égalité absolue a dominé. Rome établit la liberté avec la distinction des rangs ; sa révolution, dans le premier moment, ne coûta la vie qu’à Lucrèce : six cents ans de vertu et l’empire du monde furent le prix de cette modération républicaine (CHATEAUBRIAND, Polémiques, p. 29, tome XXIX ; DUREAU DE LA MALLE, Econ. polit. des Romains, tome II, pp. 216-272). Tel est le principe de mort (l’égalité absolue) que la philosophie du dix-huitième siècle, siècle fatal dans l’histoire, a introduit dans le corps social.
On trouve évidemment à toutes les époques de l’histoire, car il faut être juste pour les hommes, ce désir inquiet d’un mieux imaginaire. J’incline à croire que ces théories de changement n’arrivent qu’à une certaine période de la civilisation, et j’incline à croire également, et je désire vivement me tromper, que plus un peuple est avancé en civilisation, plus sa chute est profonde, et moins il a de chances de se relever, parce que le mouvement qui entraîne un peuple, l’entraîne vers la mort, un peuple pas plus qu’un individu ne pouvant recommencer sa course.
On peut placer le commencement de la philosophie à la Régence. Un prince, fanfaron de crime, gouvernait le royaume ; c’est lui qui érigea le libertinage à la hauteur d’un principe ; c’est lui qui protêgea la banque de Law, encouragea l’agiotage, bouleversa les notions de bien et de mal qui sont au fond des âmes et donna au peuple le plus désintéressé de l’univers ces idées de lucre et de tripotage qui sont la honte de notre race. Il protégea Voltaire 1 et les gens de lettres d’alors, car tout le monde voulait être homme de lettres.
Saviez-vous seulement l’orthographe, vous vous mêliez d’écrire et de demander une place ; et si vous n’aviez pas d’avancement vous faisiez, comme les instituteurs d’aujourd’hui, campagne contre le gouvernement qui vous faisait vivre. Je ne sache rien de plus vil que les hommes qui dénigrent ceux qui les paient. Cette manie d’écrire jointe à la facilité de s’enrichir produisit un déclassement universel. Le poète Gilbert en est un exemple ; le reproche qu’il adresse aux auteurs de ses jours retombe bien tristement sur les mœurs de son siècle, et sur les hommes à jamais néfastes qui les ont enseignées et mises en pratique.
Entraîné par l’erreur commune, l’honnête ouvrier retranchait du pain de sa misère pour donner une éducation littéraire à ses enfants, éducation qui ne les conduisait trop souvent

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