Testament d un émigré
32 pages
Français

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Testament d'un émigré , livre ebook

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Description

MON fils, toi qui causes encore les battemens de ce cœur prêt à s’éteindre, écoute la voix d’un ami véritable ; car si jamais l’homme peut se flatter d’en trouver un sur la terre, c’est sans doute dans la personne d’un père tendre et éclairé. Le dernier soupir qui s’échappera de mon sein sera un vœu pour ton bonheur ; mais c’est dans la vigueur de l’âge et de la santé que j’ai rassemblé pour loi ces réflexions, parce que cette époque est la seule où l’on ait déjà beaucoup acquis sans avoir rien perdu.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782346111930
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Henri-Louis Coiffier de Verfeu
Testament d'un émigré
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AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR
IL importe peu au lecteur de savoir comment ce manuscrit est tombé entre mes mains, et pourquoi le jeune homme qui le possédait m’a permis de le publier ; mais peut-être dois-je compte des motifs qui m’ont déterminé à le livrer à l’impression.
Depuis si long-temps je voyais flotter sur l’océan politique, une foule d’écrits, qui, dictés par tous les genres de fanatisme, semblaient s’efforcer à l’envie d’insulter à la justice, à la raison, et au sens commun ; depuis si long-temps j’étais étourdi du croassement de ces oiseaux faméliques, que l’intérêt ou la sotise a chamaré exclusivement des couleurs républicaines, royalistes ou monarchiennes, que j’ai été enchanté de leur offrir à mon tour un ouvrage, dont l’auteur, qui ne croyait écrire que pour son fils, a frondé tous les partis, en voulant leur rendre justice à tous. Je me rappelle que peu de jours avant sa mort, il me dit à-peu-près les mots suivants : « J’étais un jour au bord de la mer ; le temps était calme ; de jeunes étourdis s’élancent dans une nacelle et gagnent le large. Bientôt les vents se déchaînent, le ciel se couvre, les vagues s’amoncèlent, les navigateurs inexpérimentés ne peuvent gouverner l’esquif, et il chavire avant d’avoir atteint la côte. Un camarade de ces jeunes foux, resté sur le rivage, s’élance dans les flots, nage avec force, et parvient jusqu’à eux. Ils flottaient tous sans connaissance autour de leur barque renversée, et je crus que le nageur allait se servir de cette ressource pour les ramener à terre ; mais quel fut mon étonnement de le voir repousser la nacelle avec un air de fureur. En vain lui criai-je qu’il ne pourrait sans elle sauver ses compagnons ; moi, que je me serve de l’instrument de leur nauffrage ! me répondit-il avec indignation ; plutôt les laisser périr mille fois, et moi-même avec eux ! Ses vœux furent exaucés : car au bout de quelques minutes, ses forces l’abandonnèrent, et je vis disparaître à-la-fois les jeunes foux et leur sage compatriote ».
Je n’expliquerai pas cette parabole à ceux qui ne la comprennent point : ils ne l’entendraient pas mieux après mon explication. Au reste, si les jacobins de tous les partis trouvent, chacuns dans leur sens, que cet ouvrage soit trop modéré, et s’ils m’accordent, pour l’avoir publié, quelques-unes de leurs épithètes favorites, je les prie de me pardonner en faveur de la promesse que je vais leur faire. Oui, si jamais je perds la raison, si le jugement, la pudeur, le sens commun enfin s’éteignent en moi, je jure de composer pour chacune de leurs sectes, un ouvrage..... oh ! un ouvrage excellent, car il sera selon leurs principes. Dans l’un je prouverai mathémathiquement que tout gouvernement stable est une tyrannie ; que toute fortune est un vol ; que le rapt et l’assassinat constituent la véritable liberté, et enfin que l’Europe ne sera heureuse que lorsqu’on aura égorgé les sept huitièmes de ses habitans. Dans l’autre je démontrerai de la manière la plus évidente, que rien n’est beau que le despotisme, que le despotisme seul est aimable  ; que l’autorité royale est de droit divin ; que les rois sont aussi infaibles que les Papes ; que les peuples ont été faits tout exprès pour les souverains ; que la France entière est coupable des crimes de la révolution, sans en excepter même ceux qui en ont été les victimes ; et qu’en un mot le bonheur, ainsi que l’innocence, ne peut renaître sur cette terre anathématisée, que lorsqu’on en aura fait disparaître la moitié de ses habitans actuels.....

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H** C****.
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TESTAMENT D’UN ÉMIGRÉ
MON fils, toi qui causes encore les battemens de ce cœur prêt à s’éteindre, écoute la voix d’un ami véritable ; car si jamais l’homme peut se flatter d’en trouver un sur la terre, c’est sans doute dans la personne d’un père tendre et éclairé. Le dernier soupir qui s’échappera de mon sein sera un vœu pour ton bonheur ; mais c’est dans la vigueur de l’âge et de la santé que j’ai rassemblé pour loi ces réflexions, parce que cette époque est la seule où l’on ait déjà beaucoup acquis sans avoir rien perdu. Le regard de la jeunesse, encore peu exercé, n’embrasse que le présent ; mais celui de l’homme fait, accoutumé à se reporter en arrière, sait plonger dans l’avenir, tandis que l’œil usé du vieillard saisit mal ce qui l’environne, et fasciné sans cesse par l’image du passé, n’apperçoit jamais que lui à travers le voile qui lui dérobe les événemens futurs. Cependant prêt à rendre à la terre cette dépouille mortelle, qui ne doit servir que d’enveloppe à notre ame, et qui trop souvent, hélas ! devient son tyran, j’ai voulu parcourir encore cet écrit, et ma main presque glacée en a fait disparaître bien des erreurs, qui eussent paru des vérités aux yeux du monde, mais qui n’en sont plus à ceux d’un mourant. Le moment de la mort n’est pas celui des illusions ! En personnifiant cette triste divinité, le poëte oublia de lui donner un flambeau. Je la vois maintenant qui s’avance : dans sa main est une torche sombre, mais ardente : elle la promène lentement devant ces tableaux, dont un faux jour, ou le reflet des passions, m’avait dérobé l’aspect véritable, et me fait découvrir mille faces nouvelles à des objets que j’avais déjà considérés cent fois.
Je t’offre donc, ô mon fils, ces réflexions que conçut un père tendre, que médita un homme faillible, mais amant de la vérité, et que je viens d’épurer de nouveau au creuset de la mort.
Fortune, honneurs, patrie, j’ai tout perdu ! et un jour, un instant, a vu s’évanouir ces avantages qui ont tant de prix pour le commun des hommes. A peine mon cœur eut il senti leur perte, mais j’avais un fils, et cet autre moi, que j’aimais plus que moi-même, m’a fait souvent jeter un regard d’envie sur les biens que le sort m’enlevait. Ne pouvant lui transmettre cet héritage, que donne et ôte tour à tour la société, j’ai voulu au moins lui faire un cadeau digne encore d’un père tendre. L’homme que la naissance et les richesses élèvent au-dessus de ses concitoyens, est soutenu, pour ainsi dire, par des échasses, dont la hauteur lui en impose ordinairement à lui-même autant qu’à ceux qui l’environnent ; mais si une secousse imprévue vient à briser

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