À tire d elles
102 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
102 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Polar angélique, qui vous prend les tripes, vous dégage la tête et vous vous envolez mine de rien.

Informations

Publié par
Date de parution 28 septembre 2012
Nombre de lectures 24
EAN13 9782312004884
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À tire d’ elles
Eveline Gaille
À tire d’ elles













Les éditions du net 70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux
À mes enfants, Véronique et Nicolas








Du même auteur

Livre 1, Une femme inventée
Livre 2, La petite fille au ballon rouge (paru également sous le titre :
L’une et l’autre, sur iBooks)
Livre 3, Au creux de la main (sur iBooks)














© Les Éditions du Net, 2012
ISBN : 978-2-312-00488-4
Chapitre N° 1
Un poignard contre un ange
Elle descend l’escalier, cramponnée à la rampe. A l’avant-dernière marche, elle s’effondre. Roule. S’étale.
Du sang glisse sur le carrelage blanc du living.
Un homme, très petit, surgit au sommet de l’escalier. Il le dévale ventre à terre, Satan derrière, les cheveux en bataille, son pardessus sens dessus dessous coincé sous le bras, la cravate sur l’épaule, un couteau à la main. A la dernière marche, il s’arrête, hésite.
Il enjambe le corps.
Se retourne brusquement. S’accroupit. Pour déposer dans la main droite de sa victime l’arme dont il s’est servi trois fois déjà.
- Cadeau d’adieu, susurre-t-il.
Promesse ou illusion ? Allait-il vraiment cesser ? Comment savoir… Et qui l’aiderait ?
Il se redresse d’un bond. Il déteste quand ça questionne dans sa tête. Les talons qui claquent au sol, il entame le tour de la pièce, comme s’il était là en visite. Le style moderne et confortable du salon le séduit. Il s’allongerait volontiers sur le douillet canapé en alcantara écru, un coussin sous la tête et un autre sous les pieds. Il jette un coup d’œil circulaire aux photos encadrées disposées sur le manteau de la cheminée. Un petit garçon aux boucles blondes et à la mine boudeuse semble le fixer. Mal à l’aise, il ressent comme un pincement au cœur. Il se détourne, fait quelques pas et tombe en arrêt devant un bibelot qui a l’air d’un ange, isolé sur une étagère. Presque à la hauteur de son nez. Le petit homme se penche pour l’examiner. Il vacille. Obligé de s’appuyer des deux mains au meuble. L’enfance titillée le ramenait souvent à cet état de gélatine. L’impression de ne plus rien contrôler. Flou. Mou.
Fou ?
Il se raidit. Ne pas chialer. Continuer de tricher. Il attrape l’ange. Il sourit.
- « Mon petit chérubin… » C’est ce que tu me disais autrefois, maman, hein ?… murmure-t-il.
Ironie contre nostalgie.
- Et maintenant ? Tu dirais quoi, maman ? « Mon grand diable … » ?
Le petit homme balance un rire à faire s’entrechoquer les morts.
Il ne serait jamais grand.
- Jamais ! Jamais ! répète-t-il en tournoyant sur lui-même, bras écartés.
Son cri résonne dans la maison. Monte, s’attarde une seconde, revient, puis s’éteint. Triste et factice. Comme un feu de cheminée électrique. Aucun apaisement.
Etendue au pied de l’escalier, la jeune femme a rouvert les yeux. Son regard aussitôt accroche le petit homme. Il lui tourne le dos, tandis qu’il bloque sa pirouette et enfonce le bibelot dans une poche de son manteau.
- Tu vois, maman ? soliloque le petit homme. J’ai échangé mon poignard contre un ange. Il y a de l’espoir, non ? ricane-t-il encore.
Illusion ou promesse ?
Le petit homme n’aime pas quand ça se mélange dans sa cervelle.
Il s’en va.
La porte a claqué.
Soupirs des deux côtés.
Chapitre N° 2
Jamais eu de chance
Dehors, seul un corbeau noir de plumes brave l’air du temps qui souffle fort.
Le petit homme a remis son pardessus tout en marchant. Il s’est battu avec les manches, a rabattu le col d’un geste nerveux, et il s’est emmêlé dans le boutonnage. Il a dû recommencer. Il s’est aperçu alors qu’un bouton manquait au bout du fil qui pendouillait. Interloqué, il s’est tout à coup senti pareil que ce bout de fil sans bouton.
Il aurait voulu crier à la face du monde : « Mission accomplie ! »
Dans la rue c’était le désert sans dromadaire ni cactus ni sable. Pas le moindre peigne-cul à ramasser, à entraîner dans un café. Raconter, expliquer. Convaincre. Ce serait déjà vaincre.
Lui qui brûlait de s’épancher.
Jamais eu de chance, le petit homme.
Abandonné dès l’enfance.
Et ça aussi il le savait : il aurait beau poignarder les filles de la planète entière, grandes, belles et blondes, à l’instar de sa mère, il pourrait même toutes les massacrer comme les bébés phoques, il passerait encore inaperçu. Une sorte d’avorton qui ne réussirait jamais à prendre de l’expansion. Quelque chose restait coincé, bloqué. Il se répétait au lieu de progresser. Ses « exploits », comme il les nommait ensuite quand il revenait à lui, ne seraient jamais que des faux-semblants. Alors à quoi ça servait ? Qui l’écouterait ? Qui serait suffisamment grand pour se baisser et lui tendre une oreille ? Peut-être devrait-il acheter un chien ? L’animal le reniflerait, comme ça, il le repèrerait, le reconnaîtrait. Rien qu’à l’odeur. Peu importe s’il était trop petit pour être vu. Et il ne serait plus seul. Ni perdu. Chacun son bandana à fleurs autour du cou, le chien et le maître franchiraient ensembles à six pattes le seuil de son appart…
L’espace d’une seconde, quelque chose avait changé. Basculé. Et ça ne voulait plus se remettre en place comme avant.
Le petit homme était tout à coup fatigué.
De tout.
De rien.
De la vie.
Si seulement il pouvait se faire prendre. Ce n’était quand même pas à lui de se rendre. Ça lui est tombé dessus, comme ça, patatras. Un état d’âme avec croisement d’émotions. Saturé de cette existence qui n’en finissait plus de le happer, de le jeter, de faire des vagues et des remous. Blessé, meurtri, d’être si petit. La risée de tous. Cent trente-six centimètres et encore, sur la pointe des pieds. Voilà ce qu’il valait. Ça ne pesait pas bien lourd quand les autres se fendaient la gueule et que la vie lui tendait son lot de défis tous azimuts sans le moindre prix de consolation.
Cela s’est passé presque à son insu.
La fille était grande, belle et blonde. Semblable aux précédentes. Cependant, quand elle lui a gentiment tendu le paquet de céréales une fois de plus hors d’atteinte pour lui, sans faire de manières ni de sourires bébêtes, il a compris qu’elle était différente des autres. Déjà, rien que par son prénom : Agrippine. Elle avait eu l’air de vouloir le garder pour elle, son prénom, comme si de s’appeler à l’ancienne l’embarrassait.
Et puis, aussi, elle n’avait pas cherché à le snober en le toisant de toute sa hauteur. Au contraire, elle essayait de paraître moins longue, elle se voûtait, se déhanchait, comme pour se mettre à son niveau. Mais surtout, le petit homme avait, pour la première fois, eu le sentiment qu’on faisait attention à lui. C’est cela même !… Oh, le con ! Mais quel con ! Il n’aurait pas dû lui faire du mal ! Elle ne méritait pas qu’il la bousille !… Agrippine avait pris le temps de le regarder. Lui, le petit merdeux, le petit rien du tout. En plein supermarché, au milieu des surgelés et des ménagères pressées, elle l’avait fixé, lui, rien que lui, sans se préoccuper de son apparence. Jusque tout au fond, elle était allée avec son regard bleu. Sans crainte ni gêne. Pas une ombre de pudeur. Jusqu’à frôler son cœur qui s’ouvrait comme une rose, l’idiot.
Et, traîtresses, les émotions. Toutes ensembles liguées contre lui tout seul. Sans sonner le tocsin. Rien préparé. Assailli. Affolé au milieu de cette farandole de babioles, le petit homme avait essayé d’enfoncer les bouchons de ces fichues fioles. D’où se dégageaient des senteurs et des vapeurs auxquelles il devait résister. Cesser de respirer. Ne pas se laisser atteindre.
De retour chez elle, Agrippine n’aurait pas dû monter avec lui à l’étage. Encore moins lui tourner le dos pour enfiler un pull sur son chemisier vert pâle. C’est à ce moment précis que ça l’a repris. Plus fort que lui. Obligé. Un démon qui mélange le temps le son et l’image. Qui saccage tout sur son passage. Bulldozer. Ecrase la rose, déchire les pétales. Machine infernale qu

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents