Aux flancs de la Butte
40 pages
Français

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Aux flancs de la Butte , livre ebook

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Description

L’inspecteur Paul MÉRAL est chargé par son supérieur d’enquêter sur une série de délits qu’il pense être le fait de la « Bande des Corses » dirigée par un certain Baptistini.


En étudiant le dossier, Méral constate que, parmi les membres présumés du fameux gang, se trouve un homme, serré la veille, et qu’il vient de relâcher dans le but de le surveiller de près...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9791070035245
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES ENQUÊTES
DE
L'INSPECTEUR MÉRAL

Aux flancs de la Butte
Récit policier

MARCELLUS
I
UN MATIN, RUE LEPIC...

La place Blanche, ce matin-là, semblait plus animée que de coutume et les petites voitures des nombreux marchands des quatre-saisons qui, habituellement, s'échelonnent au long de la montée de la rue Lepic, débordaient sur la chaussée du boulevard.
Crainquebille, quand il peut vendre quelque chose, ne perd jamais ses droits. Cela gêne bien un peu la circulation, mais les agents de Montmartre sont débonnaires et, contrairement à ceux de Courteline, ferment l'œil sur beaucoup de petites entorses faites aux règlements en vigueur.
Montmartre !...
Ce quartier est pittoresque à toute heure. La nuit, par ses cafés étincelants, ses restaurants cotés, ses bals réputés dans le monde entier, ses boîtes, ses cabarets, ses enseignes lumineuses ahurissantes, ses noctambules impénitents !... Le matin, par ses marchés, ses cafés-crèmes sur le zinc, ses ménagères en pantoufles !... L'après-midi, par sa circulation intense, ses oisifs, ses poètes, ses peintres qui déambulent été comme hiver, le carton sous le bras, traînant leurs chaussures éculées et leurs illusions devant des terrasses toujours bondées de consommateurs.
Montmartre, a dit un écrivain, dont le nom m'échappe, est « le nombril du monde » ! Cette appréciation est peut-être excessive, mais ce quartier restera toujours, je le crois, le « cerveau de Paris » !...
Montmartre, c'est le fief de Mimi Pinson, la cousette de légende, le refuge de l'artiste désabusé et aussi la patrie des « gosses à Poulbot »...
C'est le champagne pour les uns, le café-crème pour les autres !...
C'est le luxe insolent des « boîtes de nuit », luxe frelaté de carton-pâte et de staff qui contraste étrangement avec la pauvreté de certaines maisons de la « butte » et, pourtant, malgré ces inégalités, l'ambiance en reste sympathique.

* * *

Ce matin-là, M me Lucas était, comme chaque jour, descendue faire son marché dans la rue Lepic. Depuis des années elle parcourait ainsi régulièrement les mêmes voies, allant chez les mêmes fournisseurs et rapportant à l'humble logis qu'elle occupait rue Véron, son cabas empli d'emplettes diverses.
C'est qu'elle avait du travail à nourrir toute la maisonnée, la pauvre M me Lucas dont le mari, fort brave homme, d'ailleurs, mais intempérant, ne travaillait guère et passait la plupart de ses journées dans les bars du quartier où il jouait à la belote en compagnie de gens dont le moins qu'on pouvait dire est qu'ils avaient « mauvais genre ».
Souvent, la brave femme s'était insurgée contre cet état de choses qui était devenu une habitude. À chaque fois, le père Lucas, blindé dans sa dignité d'homme qui se sent irréprochable, avait répondu :
— Je vois qui je veux, n'est-ce pas ?
Et la malheureuse avait beau chercher à lui faire comprendre que « ces gens » n'étaient pas des fréquentations pour lui, que leurs moyens leur permettaient de dépenser sans trop compter alors que lui-même était limité, qu'elle travaillait la nuit très tard à des travaux de couture et qu'elle « n'y arrivait pas » avec ce qu'elle gagnait et ce que rapportait leur fille Denise à nourrir toute la maisonnée. Heureusement que leur aîné, Paul, venait de temps en temps à leur aide, leur permettant ainsi de doubler le cap toujours difficultueux du loyer !...
— Paul peut le faire !... s'exclamait le vieux, dont l'intransigeance en cette matière était une de ses glorioles.
En fait, il acceptait bien que son fils l'aidât, mais il n'avait jamais voulu le revoir depuis le soir où, à la suite d'une discussion oiseuse, mais mémorable, il l'avait définitivement chassé du foyer familial.
Pour la plupart des gens, la famille Lucas était une de ces braves familles où l'on ne mange pas du poulet tous les jours, mais où l'union règne et dans le sein de laquelle chacun fait son devoir sans le crier par-dessus les toits. C'est pourquoi le père, malgré son habitude de fréquenter les bistros du quartier, était avantageusement connu de tous.
— Des gens bien comme il faut !... disait-on d'eux.
— Et serviables avec ça !...
— C'est lui qui descend tous les jours la voiture de la paralytique du sixième...
— Et la fille... une brave gamine qui ne sait quoi faire pour rendre service...
— C'est tout comme la maman...
En somme, de braves gens, ce qui était d'ailleurs vrai.
Seul le fils ne jouissait pas d'une presse aussi avantageusement sympathique. Est-ce parce qu'il venait parfois dans un roadster beige trop luxueux claironner de la trompe en bas du modeste logement de la rue Véron ? Est-ce parce que sa mise était trop soignée, son ensemble trop visiblement élégant ? Il se pouvait, mais on jasait !...
De vieux camarades du quartier avaient même quelquefois reproché au père Lucas son obstination à ne pas vouloir revoir son fils...
— Un fils, c'est un fils, n'est-ce pas ?
Alors le vieux s'était hérissé :
— Revoir Paul, moi, ce bon à rien !...
— Bon à rien est vite dit. Il nous semble que sa situation...
— Tant mieux pour lui s'il en a une. Je ne veux plus le revoir, c'est tout...
— Mais il t'aide...
— C'est son devoir !... Et puis cela ne regarde que moi.
Quant à Denise, charmant moineau parisien de dix-huit printemps, elle était cousette chez « Môme-Sœurs », du côté de la Madeleine et sa conduite jusqu'à ce jour était absolument irréprochable.
Ponctuelle, affectueuse et gaie, elle était le sourire du logis aux longs soirs d'hiver lorsque, repassant ou raccommodant, elle chantonnait, l'emplissant de son joyeux gazouillis...

* * *

Ce matin-là, donc, M me Lucas était partie aux emplettes, Denise, à l'atelier et le père, quelque part « aux flancs de la butte », dans quelque minable estaminet où il sirotait sans doute des « blanc-vichy »...
Il pouvait être dix heures du matin.
À cette heure-là, le marché bat son plein rue Lepic et rue des Abbesses où, par surcroît, la circulation des véhicules divers qui encombrent la chaussée n'est plus possible qu'au ralenti.
D'un pas alerte, M me Lucas, nantie de son sac de toile cirée, arpentait l'asphalte. Elle était descendue jusqu'à la gare Saint-Lazare où, près de laquelle, elle avait touché, à une caisse, une somme assez rondelette, montant d'un dixième gagnant à la loterie nationale, résultat dont elle était fière et qui couronnait ses patients efforts. Cinq mille francs, ça n'est pas le pactole, mais ça allait donner tout de même un sérieux coup de main dans leur ménage où l'on se restreignait souvent.
Rapidement, elle remontait vers le logis tout en achetant de quoi préparer son repas de midi.
C'est qu'elle était en retard et aussi un peu nerveuse à la pensée de la joie qu'allait apporter à leur modeste foyer cette somme inespérée...
Pour fêter cela, elle avait acheté des huîtres pour Denise qui les aimait beaucoup et qui n'en dégustait pas souvent. Quant au père, qui ne pouvait souffrir les mollusques, il consentirait bien à boire ce petit Sauterne, garanti moelleux.
Elle arriva essoufflée au bas de l'immeuble.
— Ah ! c'est vous M'ame Lucas ! fit la concierge tout en continuant à balayer le trottoir. Pas en avance aujourd'hui, hein ?
— Je sais, je sais, Madame Bertrand, c'est pourquoi je me dépêche...
— L'papa Lucas va pas être content !...
— Pensez-vous !... répondit M me Lucas tout en esquissant un sourire qui en disait long sur sa joie intérieure.
Et sans en écouter plus long, elle avait commencé l'ascension du pénible escalier quand elle stoppa net sur le palier de l'entresol, alors qu'une sueur froide lui perlait aux tempes...
Elle posa son sac à provisions et fouilla dans son sac à main encore entrouvert, fébrilement, par gestes brusques, comme on le fait quand on craint avoir perdu quelque chose de précieux...
Puis elle vida tout sur le palier et dut se rendre à l'évidence. Son argent, les cinq mille francs qu'elle venait d'encaisser avaient disparus...
Volés ou perdus ? En tout cas, ils n'étaient plus là ni non plus les quelques cent francs qui constituaient toute la fortune du ménage...
Devant tant d'adversité, vaincue par une faiblesse qui lui amollissait les jambe

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