Ce bon Monsieur Beau
48 pages
Français

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Description

L’inspecteur MACHARD a prévu de passer ses vacances auprès de son cousin, mais il se trompe de train et atterrit dans le village de Saint-Vincent-sur-Cher.


Dans l’attente du bus du lendemain, il s’installe à l’Hôtel du Marché. Alors qu’il se trouve à la terrasse de l’établissement pour se désaltérer, il fait la connaissance d’un austère personnage, le vénérable Monsieur Beau, un petit vieillard vêtu de noir et portant de lunettes aux verres fumés.


Président de la Ligue Antialcoolique, luttant contre les spectacles et les bals, l’homme est respecté par tous même s’il ne s’attire pas la sympathie d’une jeunesse avide d’amusements.


Dans l’après-midi, alors que MACHARD se prélasse, allongé derrière une haie, il surprend une conversation entre Monsieur Beau et un sinistre individu qui lui réclame de l’argent pour se taire.


Ainsi, ce « bon Monsieur Beau », comme l’appellent les villageois, aurait un secret inavouable et quelqu’un le menacerait de le révéler ?


Poussé par une curiosité tant professionnelle que personnelle, MACHARD décide de retarder son départ pour connaître le fin mot de l’histoire...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9791070035160
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES ENQUÊTES
DE
L'INSPECTEUR MACHARD

CE BON MONSIEUR BEAU
Récit policier

Maurice LAMBERT
I
LA PART DU HASARD

Le petit train, traînant paresseusement sa théorie de wagons grinçants et titubants, descendait, virait, traversait un chemin, enjambait un ruisseau desséché, se livrait aux mille fantaisies ambulatoires que lui dictait une voie capricieuse. De temps en temps, un coup de sifflet, clair comme un rire d'enfant, invitait d'imprudentes vaches à s'écarter de ce convoi qui semblait venir en droite ligne du rayon des jouets d'un grand magasin et, à chaque passage à niveau, le mécanicien ralentissait pour serrer la main de la garde-barrière.
C'était pittoresque et bon enfant. C'était éreintant aussi, car le train étirait sa nonchalance en plein soleil d'août, un soleil de midi qui transformait les compartiments en autant de hammams ambulants.
À son départ de Bourges, l'inspecteur Machard, qui avait quitté le matin même son bureau du quai des Orfèvres, s'était amusé de ce voyage comme un gosse savoure une partie de scenic railway. Il s'était même surpris à fredonner une rengaine dont le refrain lui paraissait de circonstance : C'était un petit train départemental…, mais, au bout d'une heure, s'apercevant qu'on n'avait guère parcouru qu'une quinzaine de kilomètres, il n'avait pu s'empêcher de pester contre la lenteur et le manque de confort d'une randonnée que, pourtant, il effectuait pour son plaisir. Car le policier, en vacances depuis quelques heures, se rendait chez un sien cousin perdu dans la campagne berrichonne, là où le frais vin gris et les savoureux gigots vous refont en huit jours un garçon débilité par un an de Paris.
Le vin gris, le fromage de chèvre, l'étang sur les bords duquel il fait si bon pêcher… ou dormir. Oui, mais, en attendant il cuisait dans sa caricature de wagon dont le tintamarre infernal l'abrutissait. Quelle idée, aussi, d'emprunter cet archaïque moyen de locomotion alors que les cars... Et cela parce que la locomotive, avec sa tournure d'une autre époque et ses cuivres étincelants, l'avait séduit. Eh oui, le petit train au repos lui avait paru plein de poésie, un peu comme s'il s'apprêtait à entrer dans le décor d'un conte pour enfants.
La locomotive était en or et un charmant lutin, tout vêtu de rose…
— Idiot ! Poète à la manque ! Rêveur ! grognait Machard d'autant plus furieux qu'il ne pouvait s'en prendre qu'à lui.
Tout à coup, il y eut un grand bruit de freins et de vapeur renversée. Était-ce possible ? Arrivait-on enfin ? Sur le fronton d'une gare minuscule, plantée tout de guingois au beau milieu du paysage roussi par l'été, le voyageur lut : Saint-Vincent-sur-Cher. Hélas ! Ce n'était pas encore le village du cousin.
Désappointé, il s'affala sur la banquette. Au bout de quelques minutes, le train ne repartant pas, il eut la curiosité de descendre sur la voie. À sa grande stupéfaction, il constata que le quai était désert. Personne dans la gare ; personne dans les wagons ; personne sur la locomotive. C'était ahurissant.
Le voyageur se risqua sur la traditionnelle place de la gare. Une seule maison : un café, bien entendu. Machard y pénétra et n'en crut pas ses yeux. Attablés devant une odorante omelette, chauffeur, mécanicien et chef de gare dévoraient avec allégresse.
— Et alors ? leur lança-t-il.
— Et alors, quoi ? riposta le chef de gare dont le visage rougeaud s'ornait d'une magnifique moustache à la gauloise.
— Quand repartons-nous ?
— Repartir ? Mais nous sommes à peine arrivés ! Si vous voulez retourner à Bourges, ce soir à…
— Hein ? C'est le terminus ici ?
Les autres se tordaient.
— Bien sûr ! La voie ne va pas plus loin !
— Tonnerre ! Je me suis trompé de train… Je vais à Sancerre.
Nouvelle hilarité. L'inspecteur, lui, riait jaune. Le chef de gare lui tapa sur l'épaule.
— Ne vous frappez pas, mon bon monsieur, le train repart à 18 heures 15. Et puis, il y a un car à 17 heures… En attendant, vous pouvez toujours casser la croûte.
Il n'y avait, en effet, pas d'autre solution. Le malheureux voyageur en prit son parti. Il s'installa à côté du chauffeur et attaqua l'omelette. Un quart d'heure plus tard, les quatre hommes buvaient et plaisantaient comme de vieux amis. Chacun offrit sa bouteille, si bien qu'à trois heures de l'après-midi Machard, non seulement ne regrettait pas sa mésaventure, mais s'en divertissait sans retenue.
Le village se nichait au fond d'un vallonnement, à deux kilomètres de la gare. Réconforté par un copieux déjeuner, l'inspecteur décida de s'y rendre pour y prendre le car de 17 heures. Sa valise à la main, il suivit une route ombragée qui débouchait sur un gros bourg avenant, aux maisons ruisselantes de soleil et de couleurs gaies.
— Hé ! murmura-t-il, c'est gentil Saint-Vincent. Dommage que le cousin m'attende…
La place du marché abritait une terrasse d'auberge à demi enfouie sous la verdure. Il ne poussa pas plus avant.
— Un demi, commanda-t-il, en se laissant tomber sur une chaise.
Il passa là une heure agréable, observant les passants, échangeant d'innocentes considérations avec le patron qui tint à lui faire goûter sa vieille fine. Il alla même jusqu'à se montrer galant avec la servante, une belle fille bien en chair et peu farouche.
À ce moment, encore, il ignorait qu'il existait un M. Beau, que ce M. Beau vivait à Saint-Vincent et que… Ceci, il ne l'apprit qu'à la suite d'une étonnante enquête.
Il en était à son quatrième demi, quand un curieux personnage vint prendre place à une table voisine de la sienne. C'était un vieillard d'une soixantaine d'années, petit, sec, strictement vêtu de noir et suant l'ennui à dix pas. D'épaisses lunettes aux verres fumés protégeaient son regard et tout dans son maintien trahissait l'austérité.
— Ancien notaire, évalua l'inspecteur, ou encore officier en retraite… La gente serveuse n'a, en tout cas, rien à redouter de lui. Dieu ! est-il possible que ce bonhomme n'arrive pas à égayer et son esprit et sa tenue dans ce pays souriant ?
Ce devait être un habitué. On lui apporta, sans qu'il ait eu à ouvrir la bouche, un quart d'eau de Vichy et un journal. À son départ, le patron le salua avec déférence.
— Au revoir, monsieur Beau. Je parie que vous allez encore à la salle des fêtes, pour le gala de bienfaisance… Vous devriez vous reposer un peu. À votre âge…
Le vieillard sourit.
— Bah ! Il faut bien que les vieux se rendent utiles.
Il s'éloigna en trottant dans le soleil, un peu voûté, les mains derrière le dos.
— Ce bon monsieur Beau ! s'exclama le patron, quel homme dévoué !
— Dame, il ne fait que du bien partout où il passe, renchérit la belle servante.
Comme ses appréciations s'adressaient à Machard, force lui fut d'écouter le panégyrique du bonhomme triste. Son métier lui avait enseigné la patience, aussi apprit-il sans manifester son ennui que le petit M. Beau, l'un des notables les plus en vue, et aussi l'un des habitants les plus fortunés de Saint-Vincent, mettait son temps et son activité au service des bonnes œuvres. Il présidait la section locale de la Ligue Antialcoolique, la Ligue des Amis du Bien, et deux ou trois autres groupements dont le but était la lutte contre la licence, sous toutes ses formes, écrits légers, spectacles jugés osés, etc. En bref, M. Beau se connaissait en premier lieu deux ennemis : l'alcool et les dancings. Ce qui, il convient de l'avouer, ne lui attirait pas la sympathie de la jeunesse.
— Drôle de nom, monsieur Beau ! remarqua l'inspecteur.
— C'est pourtant le sien ! rétorqua le patron.
À ce moment, l'autocar de 17 heures déboucha sur la place, archicomble. Il était dit que Machard n'achèverait pas son voyage ce jour-là. Il revint à l' Hôtel du Marché, retint une chambre et s'en fut à l'aventure dans Saint-Vincent.
Le hasard l'avait conduit dans le pays. Ce fut encore le hasard qui lui fit emprunter un chemin creux bordé de buissons odorants ; le hasard, toujours, le mettait ainsi sur la piste d'une des plus étranges affaires de sa carrière.
Il s'était allongé sur l'herbe, au pied d'une haie de mûriers, et rêvassait, lorsqu'un bruit de voix parvint à ses oreilles. Derrière la haie, dans un champ, deux hommes échangeaient des propos dénués de gentilless

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