Ce qui hante les bois , livre ebook

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Fuyant un père qui les maltraite, Silla et Nori arrivent à «La Baume», le manoir de leur tante, une vieille bâtisse couleur de sang. Pour la première fois, les deux sœurs se sentent enfin en sécurité. Mais peu à peu une sombre réalité se dévoile... Le bois qui entoure la propriété n’est-il pas trop silencieux ?


Tant de questions restent sans réponse : qui est cet homme que seule Nori peut voir ? Tante Cath n’est-elle pas en train de sombrer dans la folie ? Et pourquoi les arbres semblent-ils se rapprocher ?

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Nombre de lectures

10

EAN13

9782375681398

Langue

Français

Dawn Kurtagich

Editions du Chat Noir


414B



C’est ainsi que finit le monde
Pas sur une explosion, mais sur un gémissement.
T. S. Eliot


Il y a une raison à toute chose.


Trois petites filles dans les bois
1980 :
Catherine, la plus grande et la plus sage des filles, eut l’idée la première, mais ce détail serait bientôt oublié. Car cette idée, c’était un peu comme une goutte d’encre dans l’eau ; cela se diffusait rapidement, se dissipant dans chaque fillette tour à tour, jusqu’à ce qu’aucune d’elles ne puisse être certaine de qui y avait pensé en premier.
Anne, la benjamine, était la plus impatiente des trois, empressée que leur projet prenne forme et devienne réalité.
Pamela était un peu effrayée et ne voulait pas aller dans les bois, mais elle ne l’aurait jamais dit. Elle suivit ses sœurs, comme elle le faisait toujours, endossant le rôle de tampon entre les deux filles. Elle aurait vraiment dû mettre un terme à toutes ces palabres, mais elle s’était laissé emporter par la vague, un caillou au fond du lit de la rivière l’ayant fait trébucher.
Les trois filles étaient réunies dans la forêt, agenouillées devant le plus grand aulne, et sortaient de leur panier les objets pour faire un charme de protection. Le matériel de base pour fabriquer une poupée de chiffon. Vraiment, il ne s’agissait que d’une tête rembourrée et d’un bout de tissu pour le corps. Pas de genre, pas de caractéristique (Anne se lassait rapidement). De la ficelle. Une aiguille. Des bouts de vêtements (la seule couleur qu’il restait dans le vieux stock de Maman c’était le noir, alors il y avait beaucoup d’ombres dans le panier). Des boutons (pour les yeux). De l’argile. Des bougies et une boîte d’allumettes.
C’est Anne qui prit les devants, même si elle était la plus jeune. Elle s’empara de la poupée puis alluma avec prudence la bougie. Elle souleva le corps et le remplit de terre glaise.
—   Dieu a créé Adam avec de l’argile, dit-elle. Donc cela donnera vie à notre protecteur.
C’était un travail bâclé, mais Catherine et Pammy hochaient la tête d’un air approbateur, alors elle continua à fourrer le corps de la poupée. Ensuite, elle le referma –   plutôt maladroitement, car elle s’ennuyait très vite durant les leçons de couture   – et reposa le pantin près de la chandelle. Elle avait réussi à lui confectionner deux très longues jambes.
—   Maintenant, les yeux, dit Catherine. Fais-lui des yeux.
Cela semblait important.
Anne grogna, déjà fatiguée de son propre projet.
—   J’en ai marre de coudre. On ne peut pas jouer à cache-cache ?
—   Mets-lui au moins des vêtements, se plaignit Pammy, sinon il va être tout nu.
—   Très bien, alors. Des vêtements, vite faits, mais après je joue. C’est stupide de toute façon.
—   C’était ton idée, soupira Cath.
Anne haussa les épaules et tandis qu’elle travaillait, Pammy déclara :
—   Nous invoquons un protecteur issu de Python Wood. Nous t’invoquons ! Qu’il terrifie quiconque essaie de nous blesser. Qu’il soit grand, plus grand que le plus haut des arbres. Nous t’invoquons ! Nous…
—   Oh, fadaises, dit Catherine, en se renfrognant.
Anne donna à son protecteur des habits, faits de bouts de noir, lui embrassa la tête puis le laissa tomber négligemment dans la boue et se releva, prête à rentrer à La   Baume. Pammy suivit.
Catherine resta pour ramasser les vestiges de leur rituel à moitié fini. Quand elle prit la poupée, elle se sentit troublée, très troublée en fait, de voir qu’elle n’avait pas d’yeux. Et que le travail d’aiguille malhabile d’Anne lui donnait l’air mécontent, drapée dans les ténèbres. Elle lui retira l’excès de vêtements, ne lui laissant seulement qu’un costume noir, mais finalement, c’était encore pire !
Elle regarda l’objet de plus près, observant ses jambes. Ces deux jambes longues et noueuses…
Elles ressemblaient à des racines .


LIVRE 1
Sanguinem Terrae
Deux petites filles fuyaient
La ville sombre et mouvementée.
Un jour, elles arrivèrent à un manoir
Et la dame à l’intérieur les prit en pitié.
Elles s’y trouvèrent heureuses
Et mangèrent tout, ne laissant qu’une baie juteuse.
Les petites filles dormirent, et chantèrent et sourirent
Et décidèrent d’enterrer leurs souvenirs.


TROIS


Joli petit piège
Nori n’arrête pas de me demander où je vais, ce que je fais, où est Maman.
C’est si sombre, Silla.
Est-ce que tu as un biscuit, Silla ?
On est où, Silla ?
Pourquoi tu pleures, Silla ?
J’ai envie de lui dire de la fermer, mais à quoi cela servirai t-il  ? Ses mots sont au creux de ses mains, et je ne peux pas les faire taire.
Je lève les miennes pour lui répondre.
Silencieuse comme une souris, tu te souviens ?
Je ne pleurais pas, je pense.
Elle sourit.
Petite souris, petite souris. Couic  !
Nous marchons péniblement.
Ω
Au bout d’un moment, elle est fatiguée. Je la prends sur mon dos. Son bras valide m’étrangle quand elle tente de se tenir fermement. Je serre les dents et j’avance.
Ω
Mes pieds vont pourrir. Se désagréger. À force de boue, l’eau a saturé ma chair, la faisant doubler de volume, craqueler, à vif. La peau va bientôt tomber.
Je le sens.
Je continue d’avancer.
Ω
Le manoir a la couleur du sang .
Je tra î ne Nori par le bras, à travers la boue, les derniers pas. La pluie s’est faite plus intense, mais au moins nous sommes plus propres. Je lâche sa main en pensant j’espère que tu n’es pas morte , et fixe la bâtisse. C’est le genre à vous faire sentir des odeurs de gâteaux et de thé, et à vous faire voir des morceaux de sucre et des pincettes en argent pour les prendre. Mais la porte est vieille. La peinture s’écaille et s’effrite comme des copeaux de taille-crayons, le bois gonflé par des années d’hivers rudes. Son état me donne le courage de soulever le heurtoir de métal.
TOC. TOC. TOC.
Cela résonne en écho le long de la porte.
D’abord, cela me semble une mauvaise idée. Je veux m’enfuir. J’entends la voix de Maman me dire que Tante Cath ne tourne pas rond, Silla chérie. Sauf que Nori est étendue dans la boue, ne semblant pas se rendre compte de la pluie, alors je serre les dents et je frappe à nouveau.
Laisse. Bang .
Moi. Bang .
Entrer. Bang
La porte s’ouvre légèrement. Un visage fin et buriné aux grands yeux enfoncés appara î t.
—   Non, merci. Je ne veux rien achet…
C’est drôle comme elle se fige quand elle comprend enfin. Quand elle voit.
—   Presilla  ?
Je hoche la tête.
Elle ouvre grand la porte, comme un livre qu’on ouvre au premier chapitre, et la voilà, se tenant devant un endroit chaud et sec, étonnée comme si elle venait de voir une girafe faisant des saltos arrière en tutu. Je sens bien qu’elle veut poser tout un tas de questions, mais son cerveau est comme court-circuité par l’afflux de pensées et tout ce qui sort, c’est :
—   Oh mon Dieu. Oh pauvre petite. Pourquoi… Pourquoi es-tu là ?
Je me tourne pour aller chercher Nori et elle doit penser que je m’en vais car elle tend sa main vers moi et s’écrie :
—   Attends !
Comme si c’était elle qui voulait absolument que nous venions salir son tapis et pas l’inverse.
—   Je ne voulais pas dire…
Sa voix s’éteint quand elle remarque le corps mou de Nori, dans la boue, profondément endormie.
—   Oh mon Dieu, c’est… c’est…
Je soulève ma petite sœur et vacille un peu. La femme –   Cath   – hoqu ète en me voyant faire, mais me laisse passer. Je tire Nori à l’intérieur puis la lâche au sol. Les poutres de bois sombre qui courent le long du couloir semblent encore plus vieilles que Cath elle-même.
Cath referme la porte, laissant sa tête appuyée contre le battant au moins trente secondes, avant de se tourner vers nous. Je comprends ça. Le besoin de rassembler ses forces. Cependant, quand elle se tourne enfin et nous voit, c’est trop, elle se laisse glisser au sol et nous dévisage, effarée.
—   Presilla… Eleanor…
—   C’est Silla maintenant, je lui réponds, et voici Nori.
—   Silla, d’accord. Nori. OK.
—   Salut, Tatie. Nous sommes venues vivre avec toi.


1 La Baume
Bienvenue à la maison
Plénitude et chaleur
Les bras ouverts en grand
Avec des baumes guérisseurs
Bienvenue, mon enfant,
Bienvenue, mon enfant.
Cath portait une robe de chambre kimono bleu et jaune, ses cheveux ébouriffés recouvrant ses épaules telle une crinière. Elle me regarda avec horreur quand la tête de Nori cogna

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