Creuse ton trou , livre ebook

icon

124

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2017

Écrit par

Publié par

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

124

pages

icon

Français

icon

Ebook

2017

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Notre business, c’est de creuser des trous.
À bord de sa Diamond rugissante, Carl enchaine les lampées de tord-boyau et fonce vers Saint-Jude-le-Vaillant. Avec sa bedaine, ses souliers vernis et son Rutger .45, il est plus ou moins d’attaque pour sa mission : retrouver un prospecteur minier porté disparu, convaincre les villageois de céder à sa compagnie le droit de fouiller le sol… puis les saigner à blanc, évidemment.
Même si on l’a envoyé sur une gosse dans ce trou perdu au nord du 50e parallèle, Carl n’en demeure pas moins l’un des meilleurs lobbyistes de la business, et il compte bien faire un dernier coup de cash avant de prendre une retraite dans la ouate. Mais au fur et à mesure qu’il livre son opération de charme, il est enveloppé par l’étrangeté du village, le froid mordant d’octobre et ses propres remords : quelque chose se trame à Saint-Jude-le-Vaillant.
Une critique décapante du système capitaliste sur fond d’aurore boréale et de cour à scrap.
Je serre la main, surpris par la force de sa poigne, lui tends une carte d’affaires depuis la poche intérieure de mon veston. Un autre automatisme.
— Inspecteur environnemental ? dit-elle en lisant la carte, vaguement surprise. Vraiment ?
Supercherie. Foutaise.
— Bien sûr, je réponds. L’environnement, c’est important.
— Bien sûr, répète Bridge en écho, sarcastiquement. Y a pas à dire.
Nous filons lentement sur la route principale. Peu à peu, l’esquisse d’un village se dessine, délabré, à travers l’éclaircie dans l’immensité de la forêt noire. Nous émergeons de peine et de misère dans quelque chose, un lieu, la cicatrice d’un village oublié de tous.
Quelques détails se révèlent çà et là : une grange semi-effondrée dans un champ d’herbes jaunes, une laveuse rouillée abandonnée dans un fossé, les rameaux tordus d’aulnes près d’un ruisseau anémique. Octobre accompagne la déchéance du village avec sa touche funèbre – il n’y a pas de vie et pourquoi y en aurait-il de toute façon ?
Quel trou de bécosse !
Voir icon arrow

Publié par

Date de parution

04 août 2017

Nombre de lectures

7

EAN13

9782764434031

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

Du même auteur
M9A. Il ne reste plus que les monstres , Éditions Sabotart, 2015.
• Finaliste au Prix Jacques-Brossard 2016
Le Cirque diabolique , Bruno Massé Éditions, 2014.
Le Jardin des rêves , Guy Saint-Jean Éditeur, 2013.
Strigoiacă , Bruno Massé Éditions, 2013.
Necropolis , Bruno Massé Éditions, 2012.
Valacchia , Guy Saint-Jean Éditeur, 2012.
The Noxious and the Daemon Flower , Éditions La forêt noire, 2011 [2007].
L’Aube noire , Éditions La forêt noire, 2011 [2005].



Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice

Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Marquis Interscript
Révision linguistique : Sylvie Martin
En couverture : Photomontage réalisé à partir de la photographie deBalLi8Tic / shutterstock.com
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Ce roman tient compte de la nouvelle orthographe.

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Massé, Bruno
Creuse ton trou
(Latitudes)
ISBN 978-2-7644-3401-7 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3402-4 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3403-1 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Latitudes (Éditions Québec Amérique).
PS8626.A798C73 2017 C843’.6 C2017-940815-1 PS9626.A798C73 2017

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2017

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2017.
quebec-amerique.com



What some men will do here for diamonds What some men will do here for gold They’re wounded but they just keep on climbin’ And they sleep by the side of the road
Tom Waits, Diamonds & Gold

Le milieu de nulle part
— Saint… Jude…, marmonne le commis, songeur. Eh boy ! Ça me dit de quoi. C’est-tu le village l’autre bord de la Joséphine ou ben celui passé Grand-Basile ? Attends ti-peu. Tu m’en colles toute une, là.
— Saint-Jude- le-Vaillant .
Une petite précision. Il doit bien savoir où c’est.
Tandis que le commis réfléchit, sa moustache reluit sous les tubes fluorescents du Bibeau Gaz et Boisson . Ses lèvres marmonnent sous le couvert lorsqu’il enfouit mes seules provisions dans un sac en plastique : vingt onces de whisky, marque Cré Cabochon – du vrai tord-boyau, mais c’est le meilleur réconfort que je trouverai de l’autre côté du 50 e parallèle.
Il faut savoir improviser.
— J’espère vraiment que tu vas pouvoir m’aider. Mon GPS trouve pas la place. C’est bizarre, hein ?
Je patiente. Il faut savoir patienter.
Le Bibeau Gaz et Boisson stagne dans une odeur de moisissure et de savon à la vanille. Un musée de fortune, en quelque sorte. Sur les murs en panneaux de bois compressé sont accrochés hameçons, chandails de hockey, horoscopes, bois de chevreuils, billets de loto et photos de chasse, des prières à la Vierge Marie épinglées entre quelques clichés de cadavres d’ours noirs la langue à terre.
Pendant ce temps, une radio grésille les invectives d’un quelconque animateur qui chiale à propos des immigrants. Ou de la météo. C’est difficile à dire.
Sur le comptoir, le journal de la métropole. En première page, une photo d’émeute au centre-ville et le titre, en lettres majuscules : CHAOS TOTAL.
— Ouin ouin ouin, capitule Moustache. Chuis pas sûr pantoute là, mon gars.
Je ne peux retenir un soupir d’exaspération. Par delà les carreaux souillés de la fenêtre luisent les derniers moments du jour. Il se fait tard, la nuit va compliquer les choses.
Shit ! Qui aurait cru que ce serait si loin ?
Je songe sérieusement à retourner sur la route sans protester lorsqu’une clochette tintinnabule à l’entrée, suivie d’une bourrasque d’air froid : un nouveau client au Bibeau Gaz et Boisson , celui-là vêtu d’une casquette en fourrure. Avec une certaine désinvolture, l’homme file tout droit vers le stand à journaux et saisit une copie glacée du dernier numéro de Petounes .
— Saint-Jude, en profite Moustache, ça te dit quelque chose ?
— Saint-Jude- le-Vaillant , je précise encore.
Un automatisme, un souci du détail.
Casquette feuillette quelques pages de Petounes avant de le reposer délicatement. Avec tout le raffinement d’un sommelier devant un rare cépage, il opte plutôt pour un cahier spécial de Gros Mags .
— Saint-Jude ? grommèle-t-il, débonnaire. Mon homme, t’es-tu sûr de ton affaire, là ? C’t’e coin-là, ça sonne trou comme trou en ti-pépére…
La suite ne vient pas. Satisfait de son intervention, Casquette est absorbé par sa lecture, ayant vraisemblablement trouvé quelque angle digne d’intérêt dans ces antiquités aux pages glacées. De son côté, Moustache fixe le vide, et je ne suis pas plus avancé.
Quel duo !
Dans un moment comme celui-là, un bon lobbyiste saurait se tirer d’affaire : trouver le mot juste, l’expression parfaite, mixer un cocktail de grammaire et de psychologie capable de souler le ministre, le sous-ministre et le sous-ministre adjoint. Devant tel charme, n’importe quel idiot exploserait d’informations utiles, s’empresserait de gribouiller une carte sur une serviette de table, le tout complété d’un sourire, un « bonne journée », un « bonne chance, Monsieur » et un « merci » du fond du cœur. Pour un bon lobbyiste, la bullshit est un outil de travail.
Et je suis un des meilleurs de la business .
Mais voilà : le scotch m’appelle et je n’en peux plus de cette odeur écœurante de gâteau de mariage, de ce kitch de fond de rang, de ces deux bluenecks – les rednecks du Nord – avec leurs yeux vitreux, si inconfortablement confortables dans cet ilot de désespoir, cette flaque de pisse sur le bord d’une autoroute qui ne finit plus.
J’éclate. Il faut savoir se faire entendre.
— C’est quoi le problème ? Je veux juste le chemin, moi. Alors y a deux possibilités : soit tu sais c’est où, Saint-Jude, soit tu sais pas. Parce que j’ai pas toute la journée.
Un silence s’installe dès lors sur le Bibeau Gaz et Boisson . Un silence lourd. Une limite invisible vient d’être transgressée. Même l’animateur de radio semble retenir son souffle.
Moustache et Casquette me dévisagent en feux croisés. Vexé, ce dernier repose le Gros Mags et pointe vaguement en direction du nord.
— Tu continues, somme-t-il sèchement. Tu pèses su’a suce, pis checke les panneaux. Si tu vois pas grand-chose, ’quiète-toi pas, ça veut dire que t’es s’a bonne voie. Pis quand tu vois pus rien pantoute… c’parce que t’es rendu.
Je comprends. J’ai déjà tourné les talons sans demander mon reste lorsque Moustache rajoute, sarcastique :
— Pis oublie pas de tourner à gauche… au sapin ! Ha, ha !
La porte claque derrière moi dans un vacarme de clochette et de rires mesquins.
Aussi violemment, une bouffée de vent glacial me happe en plein visage, comme un fouet, le genre de froid qui te fend les os. Une bruine tombe lâchement sur la contrée, tout est humide, et grelotant, et dégueulasse.
Devant moi s’étire la 79 comme une cicatrice grise à travers un paysage d’octobre, brunâtre. La route va mourir dans quelques vallons tortueux au loin, le brouillard et le ciel pluvieux. Des poteaux d’électricité ponctuent l’autoroute, à peine plus hauts que les repousses anémiques d’épinettes de part et d’autre du fossé – quelconques reliques de la dernière coupe à blanc.
Dans l’entrée de gravelle, la Diamond sport attend paisiblement, huit cylindres, six-cents chevaux-vapeur, une beauté réco

Voir icon more
Alternate Text