Dernier cri , livre ebook
148
pages
Français
Ebooks
2024
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2024
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Publié par
Date de parution
19 avril 2024
EAN13
9782379511417
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Publié par
Date de parution
19 avril 2024
EAN13
9782379511417
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
«Embrouilles entre Adam et Ève ? je bats des cils après le départ de Geller.
– Aucune idée, Malka me répond en coulant un regard en coin à mon intention. Tu vois un serpent dans les parages ?»
Le roi des relations publiques d’Israël engage les services d’Oded Héfer pour enquêter sur la dépression qui afflige sa cliente, Carine Carméli, une star de la chanson, âgée de quinze ans. Mais les cadavres ne tarderont pas à s’accumuler.
Une enquête qui mêle starlettes de la télé-réalité, prostituées trans et travailleurs immigrés philippins. Tel-Aviv dans toute sa splendeur !
Dernier cri
DU MÊME AUTEUR
Le silence est d’or , L’Antilope, 2021.
Secret de Polichinelle , L’Antilope, 2019.
Cet ouvrage a été publié avec le soutien de la Fondation Rothschild-Institut Alain de Rothschild.
Design de couverture, conception graphique
et réalisation des pages intérieures : Cédric Ramadier
Image de couverture : D. R. / Cédric Ramadier
Création ePub : Pascaline Garreau
Édition : Anne-Sophie Dreyfus
Titre original :
www.editionsdelantilope.fr
© 2019 by Yonatan Sagiv
© Éditions de l’Antilope, Paris, 2024, pour la traduction française
Yonatan Sagiv
Dernier cri
roman
traduit de l’hébreu par Jean-Luc Allouche
À mes parents.
La Gloire un mets éphémère
Sur une assiette fuyante
Sa table n’est dressée
Qu’une seule fois
Pour un invité
Les corbeaux inspectent les miettes
Puis avec un croassement ironique
S’envolent vers
Le bon maïs d’un Fermier
Tandis que les hommes se nourrissent d’elle et meurent.
Emily Dickinson, Poèmes
(Traduit de l’anglais par Denys de Caprona, 2021)
1
Bientôt, ils seront tous dingues de toi
La voiture se gare sur l’emplacement des deux-roues. Dans le rétroviseur, la fumée du pot d’échappement cache une demeure blanche. Les flashs des paparazzi éclaboussent les cieux en train de s’obscurcir. Les éclats de lumière figent la ronde des limousines d’où se déverse une noria de personnes bien sapées et rigolardes. Les cyprès frémissent sous la bise, leurs cimes dressées telles des sentinelles autour du château. Le portable vibre à l’intérieur de la voiture. Le commissaire Yaron Malka me demande de le contacter et Ofer Ganor vérifie que mon installation chez lui se passe bien. J’éteins l’appareil et claque la portière. Ma Pouliche lâche un dernier nuage de fumée comme pour protester. Adieu l’ancien monde ! Vive le nouveau ! Le temps est venu pour Oim 1 de resplendir comme une étoile.
« Votre nom ? » Le vigile à l’entrée me barre le passage de son corps musclé, visage fermé.
« Oded Héfer. »
Le vigile hoche la tête. Je frissonne : cette voix de baryton rugueuse, ces épaules de déménageur, cette sauvagerie virile à peine domptée par le costume noir, cette montagne de chair bestiale trahissant le rejeton d’une lignée de guerriers slaves bourrés d’énergie, hissant sur leurs montures prodigieuses des vierges souriantes aux seins puissants.
« Et toi, quel est ton nom, si je puis me permettre ? », ma voix gazouille à mon corps défendant.
« Stas. »
Les yeux du vigile épluchent la liste des noms dans un classeur qui ressemble à un jouet entre ses énormes battoirs.
« Stas », je claque des mains, heureuse comme une donatrice qui a le privilège de rencontrer l’un des bénéficiaires de sa générosité au cours d’une fête de charité organisée par elle.
« Quel nom charmant. Et d’où viens-tu dans ce vaste monde, Stas ?
– Netanya.
– Bien sûr, Stas, bien sûr, je pouffe d’une voix élégamment aguicheuse. Mais je voulais dire : à l’origine.
– Netanya. »
Je reste bouche bée devant cette réponse pas du tout exotique. Stas tourne une page du classeur. Son regard défile jusqu’au bas de la page. Mon cœur commence à battre la chamade, soit à cause de l’incident diplomatique qui empêchera Stas de me connaître jusqu’au tréfonds de mon âme, soit par crainte que mon nom ne figure pas dans la liste. Et encore une page de tournée. La peau me brûle. Mon dos est en nage. Je glisse ma chemise Zara à col noir dans mon pantalon noir Zara, lisse ma cravate noire Zara. Cela pourrait aider à faciliter mon entrée. Ou à détourner le regard inquisiteur de Stas de mon affreuse bedaine. Et encore une page de tournée sous mes yeux. Je ne voudrais pas dramatiser, mais j’ai l’impression de me retrouver à la descente du wagon devant Mengele.
Stas tourne la dernière page de la liste et relève la tête. Il recule d’un pas. Corps de gladiateur. Le visage ? Pincé comme celui d’une épicière à l’époque de l’austérité économique. Le regard du beau gosse me dévisage. Bleu. Glacial. Cruel. Des yeux arrogants de cavalier cosaque qui ne cherche qu’à piller, dévorer et baiser tout ce qui se trouve sur son che…
« Vas-y, tu peux entrer, lâche Stas en ouvrant le portail.
– Merci beaucoup, Stas ! »
Son visage s’empourpre lorsque je comprends que je viens de lui faire une courbette.
« Bonne soirée !
– À toi aussi, Stas, je halète tel un pékinois sautillant sur la jambe de son maître. Et si tu as soif, tu n’as qu’un mot à me dire et je te rapporte un drin …
– Là-bas. »
Stas se détourne vers un couple qui attendait dans mon dos. La nuque noueuse se dresse face à moi telle une muraille fortifiée. J’écume de rage. Son nom est peut-être européen, mais ses manières sont bien celles de Netanya.
Je tourne les talons. Ce n’est décidément pas le préambule que j’espérais pour une soirée aussi somptueuse. Comme disaient nos Sages – ou à peu près : « Du puits le plus profond jusqu’au toit le plus élevé… » Il reste cinquante minutes avant la rencontre avec mon client, très nouveau et très important, à dix-huit heures trente et, sauf mon respect pour messire Stas, je me trouve là uniquement à des fins professionnelles. Je n’ai pas l’ombre d’une envie de flirter avec un babouin uniquement accaparé par son reflet dans le miroir.
La façade de la demeure écrase la foule qui m’entraîne dans l’allée de graviers serpentant autour du logis. Des baies vitrées révèlent des plateaux en bois et des murs en béton. Des marches métalliques sont suspendues sans fixations visibles. Les poutrelles grimpent très haut sans destination perceptible. Nous parvenons à une arrière-cour. Des serveurs virevoltent avec des plateaux pleins de coupes de champagne et se fraient un passage au milieu des invités. Des arbres fruitiers et des statues dorées de Bouddha s’élèvent au-dessus des bassins de poissons. Des parasols frémissent sous la bise glaciale et les flots de bossa-nova. L’air de la soirée automnale se mêle à l’odeur des pins, aux parfums, à l’alcool et au pognon.
Je me campe au bout de l’allée et saisis une flûte. Mes yeux fouillent la cour, scrutent les politiciens, les actrices, les footeux, les mannequins, les banquiers, les lobbyistes, les chefs de cuisine gastronomique, les juges, les chanteuses, les branchés, les rescapées du tapin, les Big Brothers, les gagnantes à la loterie, les journalistes du show-biz et les nouvelles animatrices se reniflant le cul les unes les autres. Un frisson parcourt mon échine. En temps normal, je n’aurais pas été excitée par cette débauche de luxe étalée sous mes yeux, j’aurais fait comme la rédactrice d’événements mondains d’un programme radio de bas étage, mais là il s’agit d’un événement exceptionnel pour l’agence d’enquêtes privées Oded Héfer Sarl . Je ne suis plus une mouche plaquée contre la vitre. Désormais, je suis une abeille bourdonnant à son aise tout en sirotant l’élixir que cette existence merveilleuse est destinée à offrir. Désormais, moi aussi, je fais partie de la crème de la crème de la société israélienne, du fin fond du fion d’Israël, des catacombes du cathéter…
« Pardon, tu peux m’apporter un Aperol Spritz ? » Une voix péremptoire bouscule mes pensées. Je me tourne, épouvanté, du côté d’une femme mûre aux lunettes de soleil énormes et au nez à la Michael Jackson, qui agite un verre vide sous mes narines.
« Je… Pardonne-moi, mais je ne… suis pas… je bredouille.
– Mon verre est vide, insiste la femme. Et donc, un autre Aperol Spritz, tu veux bien ? »
Dans une seconde, je vais te jeter un Aperol sur la tronche, ma jolie, ai-je envie de lui dire, au lieu de quoi j’explique à Sa Majesté Nouveau Riche, avec les formes appropriées, que je ne fais pas du tout partie du personnel mais que je suis un invité comme les autres. Comme elle.
« Dans ce cas, pourquoi tu es habillé comme un serveur ?
– Excusez-moi, madame ? (J’ai du mal à conserver une attitude courtoise.)
– Tu es habillé comme un serveur. »
La femme pointe un doigt du côté du bar autour duquel vaquent des serveurs en pantalon noir, en chemise noire et en cravate noire. Je reporte mon regard vers les invités dans le jardin. Les hommes portent des pantalons kaki et de longues tuniques en lin. Les femmes, des robes bariolées et des pashminas jetés sur leurs épaules avec une négligence étudiée. Çà et là, pointent en toute décontraction des vestes en jean, des sweat-shirts de marque et des sneakers montants. Mes joues sont en feu. Pourquoi personne n’a-t-il cru bon de m’avertir par mail que le dress code était casual sport ? Je me retourne vers le monstre qui vient de dévaster mon univers. Elle agite son verre sous le nez d’un autre serveur. Une femme aussi horrible, ça faisait vraiment longtemps que je n’en avais pas rencontré.
Je me tourne de nouveau du côté de la pelouse où ça jacasse, tout en affichant à grand-peine une expression flegmatique. À Savyon, je me conduis comme une autochtone. Erreur fatale. Bah, ça arrive à tout le mond