Imbroglio
38 pages
Français

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Description

Le Commissaire Odilon QUENTIN est à la peine dans sa nouvelle enquête : un garçon coiffeur a été assassiné, d’une balle dans la tête, tirée à bout portant avec un Luger muni d’un silencieux...


Tout indique le règlement de compte et le travail d’un professionnel, mais la victime est aux antipodes des cibles usuelles de ce genre de différends.


Odilon QUENTIN s’évertue à suivre toutes les maigres pistes s’offrant sur son passage, bien convaincu qu’il risque, pour la première fois, de classer une « affaire sans suite »...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 8
EAN13 9782373471878
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couve

Odilon QUENTIN

 

* 16 *

IMBROGLIO

Roman policier

 

par Charles RICHEBOURG

CHAPITRE PREMIER

 

La nouvelle de l'assassinat de M. Isidore Bouchardon se répandit dans le quartier avec la rapidité d'une traînée de poudre, provoquant la stupéfaction générale, et d'innombrables commentaires.

La victime n'était pourtant pas une de ces personnalités marquantes qui défrayent la chronique sportive, élégante, scientifique ou mondaine, loin de là, mais Isidore Bouchardon était un être tellement inoffensif que sa fin dramatique paraissait incompatible avec la modestie de son caractère.

Cependant, si incompréhensibles fussent-ils, les faits parlaient avec une implacable éloquence : une balle de revolver logée dans le pariétal gauche avait mis fin à la carrière terrestre de ce petit homme de quarante-neuf ans, garçon coiffeur de son état célibataire, et sans autre fortune que ses dix doigts qui lui assuraient le bifteck quotidien.

Les agents 3.618 et 987 l'avaient trouvé étalé sur le trottoir, en face du Jardin des Plantes, à onze heures et demie du soir ; ils avaient cru tout d'abord à quelque ivrogne cuvant de trop copieuses libations, tant la position de ce pantin désarticulé paraissait grotesque. Mais ils comprirent qu'il s'agissait d'une tragédie et non d'un vaudeville en découvrant le trou noir qui perçait le crâne de ce singulier pochard.

Depuis ce moment, l'affaire suivait son cours, avec tout ce que les cas de ce genre comportent de paperasses, de rapports et de routine administrative. Les journaux avaient relaté l'incident à la colonne des faits divers, dans un articulet de dix lignes se terminant par la formule traditionnelle : « La police enquête ». Mais comme d'autres événements sollicitaient l'opinion publique et que les vacances toutes proches incitaient à l'optimisme, plus personne ne parlait du défunt, si ce n'est dans le cercle très étroit des fonctionnaires de la police judiciaire chargés de l'enquête, ou au café-tabac de la Polytechnique, rue Monge, que le pauvre diable honorait autrefois de sa clientèle.

En dépit de l'heure matinale – il était à peine neuf heures –, un client était déjà accoudé sur le zinc du bistrot ; c'était un gros homme massif et trapu, sans élégance, le chapeau rejeté sur la nuque. Une canne en Java, accrochée à son bras gauche, lui conférait l'aspect classique du marchand de bestiaux, et ses yeux ronds, sans expression, regardaient les flacons multicolores d'apéritifs rangés sur l'étagère, derrière le comptoir, probablement pour y puiser l'inspiration.

— Ce sera un Calvados... fit-il d'une voix neutre, comme s'il rêvait éveillé.

Cette phrase insignifiante suffit à plonger Hippolyte Lecointe, le patron de l'établissement, dans un abîme de perplexité ; il servit la consommation demandée, hésita pendant une dernière fraction de seconde, puis rassembla tout le courage dont il était capable :

— S'il vous plaît, commissaire ! déclama-t-il avec l'accent du triomphe, en glissant vers son interlocuteur le verre rempli jusqu'au bord.

Le gros homme contempla le mastroquet avec une indicible stupéfaction ; il était certain de ne l'avoir jamais rencontré, et mieux que tout autre, il savait qu'il pouvait compter sur sa mémoire des physionomies :

— Vous me connaissez ?

Le ton était ironique, et sous la paupière mi-close, l'œil semblait maintenant briller d'une étincelle de malice.

— J'ai lu la relation d'une de vos dernières enquêtes dans un magazine policier. L'histoire d'un pharmacien !... Mais oui... Jean-Baptiste Pierrefontaine qu'il s'appelait (1). Le reportage était bien fait ; vivant ! Le journaliste faisait votre portrait, parlant de votre corpulence, de votre chapeau rejeté en arrière, de votre canne... Tout cela m'est revenu à l'esprit en vous voyant ! Et quand vous avez demandé un calvados, j'ai compris que je ne me trompais pas ; que vous étiez réellement le commissaire Odilon Quentin, du Quai des Orfèvres !

— On parlait aussi du calvados, dans votre article ?

— Oh, à peine ! On disait tout simplement que c'était votre alcool préféré. Du reste, votre présence ne m'étonne guère, puisque nous aussi, nous avons maintenant notre crime ! C'est vous qui êtes chargé du dossier de ce pauvre Bouchardon ?

— En effet !

— Il n'y a rien à dire contre lui ! C'était un brave homme, honnête, courageux et travailleur. Il venait ici, prendre l'apéro, de temps en temps. Tout le monde l'aimait bien ; il racontait des histoires drôles ; une vraie gazette qu'il était ! Dame, un garçon coiffeur, pas vrai, ça a du bagout ! Encore un petit calva, commissaire ? C'est ma tournée !

L'interrogatoire prenait excellente tournure ; Quentin était content. L'art de tirer les vers du nez consiste à laisser parler les gens sans poser de questions ; à aiguiller la conversation vers le point névralgique par une simple exclamation, un signe de tête. Le commissaire était imbattable à ce sport délicat qui consiste à se taire, et à encaisser avec le sourire mille fadaises pour y glaner un seul renseignement intéressant. De même, constatant que la victime était sympathique à son informateur, il fit chorus et eut soin de partager son enthousiasme :

— Oui... affirma-t-il avec une profonde conviction. Isidore Bouchardon était un bon type ! Ça, c'est établi. J'ai eu une longue conversation avec sa concierge, et elle m'a juré ses grands dieux qu'elle n'avait jamais rencontré un locataire pareil : propre, poli, discret, serviable, pas embêtant pour un sou ! Une perle, quoi !

— Et avez-vous déjà interrogé Cervins ? s'enquit le patron. C'est chez lui qu'il travaillait, le malheureux Zidore ; au « Salon de Coiffure Alfred », à deux pas d'ici. Bouchardon était méticuleux et rapide en ce qui concerne le boulot. Et je ne sais pas si vous me croirez, mais quand il me faisait la barbe, il ne prenait pas plus de cinq minutes ! Ça m'arrangeait, vous pensez bien ! Quand on est en commerce, il est toujours embêtant de laisser la porte fermée !

— Assurément ! constata le commissaire. Avec un tel caractère, notre homme devait compter de nombreux amis ?

— Eh bien, c'est curieux à dire, mais vous êtes à côté de la question ! Certes, il avait beaucoup de relations ; mais de vrais copains, des « potes », comme on dit, il...

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