L'aventure sur la route

Claude Ascain

Description

En volant une enveloppe dans le coffre-fort d’un riche vieillard, Jack DESLY est entré en possession d’un étrange document contenant un message crypté.

Persuadé qu’il se cache derrière ce code la clef d’un trésor, Jack DESLY, en compagnie de son fidèle serviteur annamite Nan-Dhuoc, se lance sur les routes à la poursuite de la solution.

Or, le périple tourne court. Après une halte, pour la nuit, dans une auberge, les deux aventuriers sont victimes d’une première crevaison. Peu de temps après, c’est la roue de secours qui leur joue un vilain tour et les oblige à s’arrêter en pleine campagne.

Jack DESLY décide alors de partir à pied pour le plus proche village, espérant y trouver un garagiste et laisse son véhicule sous la garde de Nan-Dhuoc.

Sur le chemin, une automobile stoppe à sa hauteur et ses occupants lui proposent de l’amener à bon port, mais, à peine à bord, Jack DESLY est chloroformé...

Sujets

• Cambriolage
• Fiction

Informations

• Publié par: Oxymoron Éditions
• Nombre de lectures: 2
• EAN13: 9791070034361
• Langue: Français

Extrait

- 5 -

L'AVENTURE SUR LA ROUTE
Récit policier

Claude ASCAIN
CHAPITRE PREMIER
JACK DESLY RÉSOUD UN PROBLÈME

— Non, décidément, il vaut mieux que je pense à autre chose !
Ayant poussé cette exclamation dépitée, Jack Desly abandonna, sur son bureau, la feuille, de papier qu'il étudiait assidûment depuis une grande heure, se leva, fit quelques pas dans son studio, et s'allongea sur son divan, pour rêvasser, une cigarette orientale aux lèvres.
On était au début de janvier. Une rafale soufflait au dehors. On entendait le sifflement du vent dans la rue, agrémenté du crépitement de la pluie contre les vitres.
Nan-Dhuoc, le serviteur annamite, entra pour fermer les volets et tirer les lourdes tentures de velours. Il allait et venait silencieusement, sachant que lorsque son maître s'étendait ainsi, il ne fallait ni le déranger ni même lui adresser la parole.
Jack réfléchissait aux conditions dans lesquelles il était entré en possession du document étrange.
Il se revoyait dans l'officine louche du père Yabok, usurier et receleur, il se rappelait comment le bonhomme lui avait proposé de s'emparer du testament d'un nommé Achille Leroy, et toutes les complications qui s'en étaient suivies, pour finalement aboutir au triomphe du bon droit, en l'espèce la nièce, Sylviane Leroy.
Or, lorsqu'il s'était trouvé à pied d'œuvre, Jack Desly avait constaté que le coffre-fort à cambrioler contenait deux enveloppes au lieu d'une, et comme il lui était impossible de déterminer la bonne, sur le champ, il avait emporté le tout.
Plus tard, après avoir, selon son habitude, pris délibérément le parti du plus faible, et réparé le tort qu'il avait pu causer à la malheureuse nièce, il n'avait pas manqué de lui remettre l'enveloppe en question (1) .
Mais en constatant qu'elle ne contenait qu'une suite de chiffres et d'indications incompréhensibles, Sylviane Leroy, avec un charmant sourire, lui avait rendu le tout :
— Cher Monsieur, je vous en fais cadeau !
Le séduisant aventurier ne se l'était pas fait dire deux fois. Il flairait un mystère, peut-être même une aubaine dans ce cryptogramme.
Seulement, il fallait le déchiffrer. Cela faisait plusieurs jours que Jack Desly s'asseyait ainsi à sa table pour étudier ces données, et malgré tout son acharnement, il n'était pas encore parvenu à les tirer au clair.
— Ah, et puis flûte ! Je n'ai pas envie de me casser la tête !
Depuis le début de la mauvaise saison, il voulait aller sur la Côte d'Azur pour y échafauder une combinaison fructueuse. Jack Desly — est-il nécessaire de le préciser ? — vivait en marge des lois et possédait une telle habileté dans ce mode d'existence, qu'on n'avait encore jamais réussi à relever contre lui, l'ombre d'un méfait.
Bien entendu, chaque fois qu'un prestigieux collier de perles disparaissait, chaque fois qu'une collection de diamants ou un tableau de maître étaient soustraits, l'inspecteur Arthème Ladon, de la Sûreté Nationale, grommelait dans un rictus de sa face maigre :
— Jack Desly !...
Mais il n'en parlait même plus à ses supérieurs, sachant à l'avance qu'on lui rirait au nez de sa « monomanie ». Il semblait que toute la carrière du policier était destinée à se dérouler dans la poursuite d'un fantôme. Heureusement — ou malheureusement, peut-être ? Arthème Ladon était aussi tenace qu'un bouledogue. Mais là s'arrêtait la ressemblance, car il était aussi long et maigre qu'un chien de cette race est trapu et ramassé.
— Nan-Dhuoc ! cria subitement Jack en se redressant. Nous partons pour Nice. Tu feras les bagages...
— Prendre billets, Maître ?
— Non. Nous ferons la route en voiture... Ce sera du sport.
Le jeune homme revint vers son bureau. La vue du document étalé suscita, chez lui, un mouvement d'impatience. Il enrageait d'être tenu en échec. D'habitude, il excellait à résoudre ces sortes de problèmes. Une vague nouvelle d'impatience le souleva.
— J'ai ma soirée libre, marmotta-t-il. Je vais m'y atteler à corps perdu et nous verrons bien.
Pour la Nième fois, il relut :

15—11—4—8—13—4—10—20—13—4.
N—L—A—Q—D—C—T—B—G—D—M—D
RAHI
T—L—D—G—D—T—Q—D
15—14—8—12—19—4—4—23—19—17—4—12—4
RAHI
O—Q—N—E—M—C—D—T—Q—T—L—N—D—S—
Q—D

Il poussa un long soupir et prit, dans le sous-main pyrogravé, les diverses annotations qu'il avait déjà faites.
Jack avait tout d'abord pensé que les chiffres désignaient peut-être des lettres de l'alphabet et s'était empressé de traduire la première ligne. Il avait obtenu ceci :

O—K—D—H—M—D—K—T—M—D

et n'avait pas continué plus avant. Cela ne signifiait rien du tout, il le voyait bien.
Quant aux lettres, c'était encore plus définitivement la bouteille à l'encre. Y avait-il un mot ? Y en avait-il plusieurs ?
— Et pourtant cela doit avoir un sens, j'en suis sûr !
Il s'attarda, un moment, sur le mot : RAHI.
— C'était celui qui ouvrait le coffre-fort d'Achille Leroy, se rappela-t-il. Quel rôle joue-t-il ici ? Si seulement il pouvait me permettre d'éclaircir le mystère !
L'Annamite rôdait dans la pièce, très curieux de savoir ce que pouvait bien faire son maître. Jack le prenait parfois pour confident, et celui-ci aurait aimé pouvoir dire son mot, cette fois encore.
Le jeune homme, comme s'il avait deviné, leva la tête et vit Nan-Dhuoc qui avait ses yeux bridés fixés sur lui :
— Tiens, mon garçon, articula-t-il, tu vas m'aider... Prends un crayon et une feuille de papier et installe-toi là, sur le coin du bureau... Tu vas écrire sous ma dictée.
Il commença à énumérer rapidement des lettres et des chiffres, puis recommanda :
— Il s'agit, maintenant, de trouver la place exacte de ces lettres dans l'alphabet. J'ai déjà essayé, en supposant qu'elles correspondaient aux chiffres ordinaires. Cela ne donne rien. Peux-tu tenter autre chose, avec ton cerveau d'Asiatique ?
Déjà, Nan-Dhuoc, studieusement penché, faisait des calculs. Jack alluma une nouvelle cigarette. Et alors, comme si le hasard avait pris enfin pitié des deux chercheurs, il se produisit un fait extraordinaire. La solution naquit d'une erreur de Nan-Dhuoc.
Dans son affairement, il avait omis un chiffre dans son numérotage de l'alphabet. C'est-à-dire que si, de A à J, il avait correctement indiqué : A (1) B (2) C (3) D (4) etc., jusqu'à J (10), il poursuivit en inscrivant K (12) au lieu de K (11) et ainsi de suite.
Comme, d'autre part, il avait oublié le W, son compte de 26 lettres lui parut correct. Il ne s'aperçut donc pas tout de suite de la bévue et cela lui permit d'aligner ceci :

P—L—D—H—N—D—J—U—N—E

Jack écarquilla les yeux et s'exclama :
— Qu'est-ce que c'est que ça ?
— Moi trouver ça, Maître, avec indications...
— Mais ça ne veut rien dire... Et — Desly prit la feuille de travail de Nan-Dhuoc — tu t'es mis le doigt dans l'œil ! Ton numérotage est faux à partir de la lettre J.
L'Annamite arbora un air piteux. Jack, très attentif, continuait à étudier la besogne de son domestique.
Tout à coup, il se jeta sur sa chaise, prit fiévreusement son porte-mine et se mit à faire des essais successifs. Bientôt, son visage rayonna. Il se renversa en arrière avec une exclamation de triomphe.
— J'ai trouvé... Et, mon garçon, grâce à toi, il faut bien le dire... Il faut avancer toutes les lettres d'un cran...
Nan-Dhuoc n'eut pas l'air de comprendre.
— Regarde donc ! clama Jack. Voici la clef. La lettre Z n'existe pas dans ce cryptogramme. Le A est 2, le C est 3, le D est 4, et ainsi de suite. La preuve ? Je l'ai dans ton essai. Tu avais indiqué pour les deux lettres de début P—L, au lieu de ce que j'avais trouvé, soit O—K. Eh bien, cette fameuse expression s'impose : O.K !...
Jack Desly avait donc transcrit la première ligne de chiffres et voici ce qu'on