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L'étoile jaune de l'inspecteur Sadorski , livre ebook

226

pages

Français

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2017

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Après le succès de L'Affaire Léon Sadorski, une nouvelle enquête du sinistre et fascinant inspecteur des Renseignements généraux. Paris, 29 mai 1942 : une bombe explose devant le Palais de justice, dans un café fréquenté par les Brigades spéciales, faisant deux morts et plusieurs blessés. Quelques jours plus tard, le cadavre d'une inconnue est découvert en banlieue. Crime passionnel ou politique ? Chargé d'enquêter sur ces deux affaires, l'inspecteur Léon Sadorski voit ses projets de vacances contrariés ̶ d'autant plus qu'il doit bientôt participer à la grande rafle du Vél d'Hiv, exigée par les nazis et confiée à la police française. Un destin tragique menace désormais sa jeune voisine Julie Odwak, la lycéenne juive qu'il convoite en secret et dont il a fait interner la mère. " Sobriété avant tout : Simenon n'est pas loin. Mais, ici, le crime est de masse. " Frédéric Pagès, Le Canard enchaîné. " Un énorme pavé dans le bourbier de la collaboration. Romain Slocombe nous bouscule et réveille notre vigilance. " Valérie Caffier, librairie Le Divan, Paris.
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Publié par

Date de parution

24 août 2017

EAN13

9782221190586

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

2 Mo

Collection dirigée par Glenn Tavennec
L'AUTEUR

Né en 1953 dans une famille franco-britannique, Romain Slocombe est l'auteur de plus de vingt romans, dont Monsieur le Commandant et L'Affaire Léon Sadorski , tous deux sélectionnés pour le Goncourt et le Goncourt des lycéens

© Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 2017 Conception graphique : Raphaëlle Faguer Couverture : Joël Renaudat / Éditions Robert Laffont Photo : © Romain Slocombe
 
ISBN numérique : 978-2-221-19058-6
ISSN 2431-6385
Retrouvez


www.laffont.fr
 

 

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Pour Alain Jomy
« C'est le premier jour où je me sente réellement en vacances. Il fait un temps radieux, très frais après l'orage d'hier. Les oiseaux pépient, un matin comme celui de Paul Valéry. Le premier jour aussi où je vais porter l'étoile jaune. »
Hélène B ERR (Paris, 1921 – Bergen-Belsen, 1945), Journal 1942-1944

« Les Juifs, racialement, sont des monstres, des hybrides loupés, tiraillés, qui doivent disparaître. »
Louis-Ferdinand C ÉLINE , L'École des cadavres

« Ses cheveux sentaient la forêt sauvage, je m'en souviens. L'ont-ils asphyxiée, comme un chien perdu ? L'ont-ils brûlée vive, comme une sainte ? Le feu a grésillé sa chair ; ses cheveux ont dû faire une vive fulguration ; tout ce qui est combustible a été consumé. »
Henri C ALET , Le Tout sur le tout

« Mon cœur est un cimetière. »
Danielle C ASANOVA , paroles prononcées à Auschwitz
Avertissement


Ni l'auteur ni l'éditeur ne cautionnnent les propos tenus par le personnage principal de ce livre. Mais ils sont le reflet de son époque, tout comme ils peuvent présager celles qui nous attendent. Car « le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde ».
I
SWING 42
Circulaire du 6 juin 1942 Circulaire n o  140-42

 
Le Directeur de la Police Judiciaire
Le Directeur de la Police Municipale
 
À Messieurs les Commissaires divisionnaires, Commissaires de la Voie Publique et Commissaires de banlieue.
Application de la 8 e  ordonnance relative au port de l'insigne juif.
1) Hommes âgés de 18 ans et plus.
Tout juif en infraction sera envoyé au Dépôt par les soins du Commissaire de Voie Publique avec un ordre d'envoi spécial et individuel, établi en 2 exemplaires (la copie étant destinée à M. Roux, Commissaire divisionnaire, section du Dépôt).
Cette pièce énoncera, outre le lieu, le jour, l'heure et les circonstances de l'arrestation, les nom, prénom, date et lieu de naissance, situation de famille, profession, domicile et nationalité du détenu administratif.
Ils seront conduits ensuite au camp de Drancy avec l'original d'ordre d'envoi par les soins du service de transfèrement.
2) Mineurs des deux sexes de 16 à 18 ans et femmes juives.
Ils seront également envoyés au Dépôt par les soins du Commissaire de Voie Publique suivant les modalités énoncées ci-dessus.
La permanence du Dépôt transmettra les ordres d'envoi originaux à la Direction des Étrangers et des Affaires juives qui, après avis de l'Autorité allemande, statuera sur leur cas.
3) Mineurs juifs de moins de 16 ans.
Les Commissaires de Voie Publique mettront à la disposition des Commissaires de quartier les juifs des deux sexes mineurs de 16 ans.
Les Commissaires de quartier procéderont à une enquête et feront appréhender celui des parents ou la personne investie de l'autorité paternelle dont la responsabilité aura été établie (cf. par. 3 additif à l'art. 2 de l'Ordonnance, Circulaire P.J.  475, p. 4).
La personne dont la responsabilité aura été ainsi déterminée sera consignée au poste de police jusqu'à décision de l'Autorité occupante, qui vous sera transmise par la Direction de la Police judiciaire.
À cet effet, les Commissaires de Police saisiront la Direction de la Police judiciaire par télégramme résumant l'incident et contenant les mêmes mentions que les ordres de consigne prévus pour les hommes âgés de 18 ans et plus, en ce qui concerne la personne consignée.
 
Le Directeur de la Police judiciaire TANGUY
 
Le Directeur de la Police municipale HENNEQUIN
1
Le Dupont-Latin


L A JEUNE FEMME EST MONTÉE à la station La Motte-Picquet. Elle a couru le long du quai, houspillée par un contrôleur : « Dernière voiture, mademoiselle !... » L'obligation faite aux israélites de n'occuper que les secondes classes et uniquement en queue de rame n'est pas affichée dans les stations de métro. Il ne s'agit du reste que de la mise en œuvre longtemps retardée d'une instruction du 8 novembre 1940 concernant « les Nègres et les Juifs ». Les employés ne l'appliquaient pas, incapables de reconnaître avec certitude les seconds. Désormais la chose est facile et les deux catégories raciales soumises ensemble à la règle. Assis sur un strapontin à côté de la porte, l'IPA 1 Léon Sadorski, chef de brigade de voie publique à la 3 e  section de la direction générale des Renseignements généraux et des Jeux, lève son regard du quotidien déplié devant lui et fixe la voyageuse à l'étoile jaune.
Il est sorti de chez lui à l'aube déguisé en employé du gaz. Bleu de travail, sacoche de cuir usée. Le seul accessoire qui ne change pas, ce sont les épais godillots de flic. Aujourd'hui Léon Sadorski vient, de ses mains, de tuer un homme. Le faux ouvrier sourit sur son siège tout en observant la passagère. Ce qu'il a accompli une heure plus tôt, au quatrième étage de cet immeuble tranquille proche de l'avenue de Versailles 2 , est un simple acte de justice. Car la justice, après vingt ans, ou à peu près, de titularisation dans la police nationale, dont deux sous occupation boche, il veut y croire encore. Aujourd'hui lundi 8 juin 1942 autant que les autres jours.
Cette fille hors d'haleine d'avoir couru, il est persuadé de l'avoir vue quelque part. Allure d'étudiante, jolis cheveux châtains. Le policier cherche dans ses souvenirs, fronçant ses épais sourcils noirs sous le front large et la tignasse blanchie prématurément. La jeune femme reste debout, appuyée au dossier d'un fauteuil. De taille moyenne, elle doit compter quelques centimètres de plus que lui, courtaud et trapu. Son insigne juif est cousu côté cœur, de façon réglementaire certes, mais coiffé d'un petit bouquet bleu-blanc-rouge planté dans la poche de poitrine. Rien que pour ce genre d'incartade, cette manifestation discrète mais stupide de gaullisme « patriotique », Sadorski serait en droit de l'interpeller, puis, après vérification d'identité assortie d'une engueulade maison, de la faire descendre au prochain arrêt pour la consigner au commissariat du quartier, voire au Dépôt de la préfecture. De là on la signalerait aux Allemands. Résultat : elle poursuivrait ses études dans quelque prison ou lieu d'internement administratif – où les détenus organisent paraît-il des classes et des conférences –, avant d'aller visiter les camps de travail à l'Est pour y rejoindre ses frères de race. Une Juive de moins à partager le pain des vrais Français comme Sadorski, à jouir des bienfaits de l'instruction publique libre et gratuite, à soutenir insolemment, dans ce pays qui n'est pas le sien, les terroristes, les assassins, les poseurs de bombes ! Si l'on veut voir les youpins maîtres de la France, le capitalisme triomphant, la franc-maçonnerie toute-puissante, les Français aux ordres de l'Angleterre perfide, le retour des partis, la division, la guerre civile, bref, la patrie esclave, alors oui, soutenez votre général félon, mademoiselle ! Toujours assis, l'inspecteur fulmine, jette à l'étudiante des regards méchants. Leurs yeux se croisent, et il se souvient.
Léon Sadorski est un physionomiste. Le caïd du « Rayon juif » de la 3 e  section des RG peut oublier un nom, un prénom, jamais un visage. Et celui-ci, aperçu naguère penché sur un recueil de poèmes, c'était, à deux pas de la préfecture, au début du mois d'avril, place Dauphine. Jupe écossaise, chandail et chemisier blanc, qui mettait en valeur une poitrine plutôt aguicheuse, sous les arbres dont les branches bourgeonnaient à peine, agitées par une légère brise. Sadorski traversait la place avec le jeune inspecteur Lavigne du groupe de voie publique Mercereau. Les deux hommes allaient casser la croûte à l'Henri IV, sur le Pont-Neuf. Il a fait halte brusquement.
— C'est quoi cet ouvrage, mademoiselle ?
Le visage surpris s'est levé vers lui. Curieusement, Sadorski ne s'est pas rendu compte ce jour-là qu'elle était juive. Pourtant, dans 98 pour 100 des cas, il les repère au premier coup d'œil !
— Des poèmes de Paul Valéry.
— Faites attention.
— Pourquoi ?
Il s'entend encore ricaner.
— Vous n'avez pas de parapluie, mademoiselle ! Le temps change vite, les giboulées pourraient saucer ce joli chemisier...
Il lui a foutu la paix ensuite, est parti avec Lavigne retrouver au bistrot l'inspecteur Bauger, les collègues de la 1 re  section et des Brigades spéciales. Aujourd'hui, sur la ligne 10, la liseuse de poésie porte une jupe grise et sage qui descend très au-dessous des genoux, et une veste bien coupée légèrement cintrée, aux élégants boutons nacrés, tout cela trahissant sa gosse de riches. Ça n'étonnerait pas Sadorski qu'elle réside dans le 7 e  arrondissement, là où elle est montée, quelque part autour de l'avenue de La Motte-Picquet. Dans un de ces immeubles chics et cossus datant des grands travaux du baron Haussmann et portant la signature de son architecte gravée dans la pierre. Le faux gazier replie son exemplaire du Petit Parisien , allume une gauloise en dépit de l'interdiction de fumer à l'intérieur des voitures, interdiction affichée également en boche. Il constate que les yeux bleus de la Juive sont embués. Elle se mord les lèvres en essayant de contrôler les tremblements de sa mâchoire. Ma parole, on ne va quand même pas se mettre à chialer pour une simple étoile à six branches cousue sur sa veste !
Sadorski supporte diff

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